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Critique de Blok


. « Le voyageur imprudent » est avec « Ravage » l'un des deux meilleurs livres de Barjavel. Tous deux écrits la même année (1943) et se situant dans la tradition très riche de la science fiction française d'avant-guerre ( à ce sujet, on peut lire « Panorama de la Science-Fiction « , de Jacques van Herp, à rechercher d'occasion sur internet) et non à la Science-fiction de mouvance américaine, à laquelle se rattache directement la SF française contemporaine.
« le voyageur imprudent » traite d'un thème très porteur, le voyage temporel, et Barjavel y a formulé ce qu'on appelle le « paradoxe du grand-père » (à ne pas confondre avec la « clause du grand père » chère à notre président de la république)
Il s'agit de la possibilité ou non de modifier son propre passé, et des conséquences d'une telle modification. Barjavel le formule en fait dans sa post-face ajoutée en 1958 ; je la reprends en citation, mais en cite dès à présent un extrait, pour bien cerner la question (étant rappelé que le héros, souhaitant assassiner Napoléon, n'a réussi qu'à tuer son propre aïeul, soldat dals l'armée de l'Empereur.) :
« Il a tué son ancêtre ? Donc il n'existe pas. Donc il n'a pas tué son ancêtre. Donc il existe.
Donc il a tué son ancêtre. Donc il n'existe pas… »
c'est évidemment une aporie dont il est difficile de sortir ; cependant, et curieusement, Barjavel esquisse un peu plus loin une piste dans ce sens :
« Non, ce n'est pas alternativement que Saint-Menoux existe et qu'il n'existe pas. C'est en même temps. Ses deux destins, ou plutôt son destin et son non-destin sont simultanés. À partir de l'instant où son ancêtre frappé par lui est mort, pas et existe à la fois, car n'existant pas il n'a pas pu tuer et, de ce fait, il existe et tue »
On retrouve ici, formulée d'une autre manière, le célèbre paradoxe du chat de Schrödinger, mais il ne semble pas que Barjavel ait entendu s'inspirer de la mécanique quantique. Au demeurant, il ne voit pas une solution dans sa formulation, mais un développement de son aporie.
Il est vrai que, comme l'a dit Richard Feynman « si vous pensez avoir compris la mécanique quantique, c'est que vous ne l'avez pas comprise »
D'autres auteurs de science-fiction ont cependant trouvé des solutions permettant de modifier le passé tranquillement.
Ainsi, selon Poul Anderson dans « la patrouille du temps », il suffit que l'agent modificateur soit arrivé dans le passé qu'il va modifier un instant avant son intervention pour que son existence dans ce continuum soit assurée, comme un effet sans cause, en vertu de sa propre intervention, et même si cette dernière empêche sa propre naissance, en vertu de la discontinuité temporelle (je ne suis pas sûr de bien comprendre de quoi il s'agit) Donc le passé est modifié, le futur aussi, le responsable de la modification continue à exister, donc la modification ne se remet pas en cause elle-même, et il ne reste plus qu'à attendre Manse Everard et les autres patrouilleurs temporels.
On trouve d'ailleurs de multiples autres patrouilles du temps dans la littérature de SF.
D'autres ont imaginé que l'intervention du voyageur temporel provoque une bifurcation du temps et la création de deux univers parallèles :
-l'un où, pour en revenir au Saint-Menoux de Barjavel, il tue son ancêtre ; il appartient désormais à cette ligne de temps, et ne peut pas revenir dans le futur qui était son présent, puisqu'il n'existe plus dans ce continuum. Mais il peut éventuellement se rendre dans le futur qu'il a créé.
-et l'autre où il n'a pas tué son ancêtre ; il n'y a pas de bifurcation temporelle, pas de création d'une nouvelle ligne du temps. Rien ne l'empêche de revenir où il vient ( enfin si d'autres bifurcations temporelles n'existent pas en aval, dès lors il ne pourra jamais revenir à son futur de départ). Et nous voilà dans les Univers parallèles..
D'autres auteurs ne se soucient pas trop de la question, tel Stephen King dans « 22/11/63 » où le narrateur remonte et redescend allègrement la ligne temporelle. Dans ce dernier livre, il y a une réflexion intéressante sur la difficulté de modifier le passé dans le sens que l'on souhaite, en raison de l'enchevêtrement des causes et des conséquences : le héros s'efforce de sauver JFK, y parvient avec bien des difficultés, et constate alors que son intervention a eu des conséquences catastrophiques. Il ne lui reste alors qu'à retourner dans le passé pour rétablir la situation antérieure. Vanité des voyages dans le temps



.C'est Sartre, je crois, qui a dit que la chose la plus difficile au monde était de faire ce que l'on veut (c'est tout ce que j'ai retenu de l'existentialisme), parce qu'on ne connait pas les conséquences de ce que l'on fait.
n- pourrait encore faire observer que le paradoxe a une limite biologique. En effet, j'ai deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grand-parents...et ainsi de suite. Comme dans le conte du grain de riz et de l'échiquier, la progression est exponentielle, et il en résulte qu' en l'an mil (et même beaucoup plus près de nous) j'ai un nombre d'ancêtres plusieurs milliers de fois supérieur à la population totale de la terre. C'est évidemment impossible, toutes les lignées se recoupent, l'ensemble des hommes vivant aujourd'hui descend de l'ensemble des hommes vivant au Moyen-Âge ayant eu une descendance, nous sommes tous cousins, et nous descendons tous de Charlemagne et de Saint-Louis.
Donc si je tue l'un de mes lointains ancêtres, il est probable que cela ne changerait pas grand-chose pour moi, puisqu'en réalité son ADN ne se retrouve pratiquement pas dans le mien.
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