L'histoire qui se déroule sous notre nez devrait être la plus nette, et pourtant c'est la plus trouble.
Combien de fois racontons-nous notre propre histoire?
Combien de fois ajustons-nous, embellissons -nous, coupons-nous en douce ici ou là? Et plus on avance en âge, plus rares sont ceux qui peuvent contester notre version, nous rappeler que cette vie n'est pas notre vie, mais l'histoire que nous avons racontée au sujet de notre vie.Racontée aux autres, mais --- surtout --- à nous même.
Nous vivons dans le temps - il nous tient et nous façonne -, mais je n’ai jamais eu l’impression de bien le comprendre. Et je ne parle pas de théories selon lesquelles il pourrait se replier en boucle, ou exister ailleurs dans des versions parallèles. Non, je pense au temps ordinaire, quotidien, celui dont les horloges et les montres nous assurent qu’il s’écoule d’une façon régulière : tic-tac, tic-tac. Quoi de plus logique qu’une aiguille des secondes ? Et pourtant, il suffit du moindre plaisir ou de la moindre peine pour nous faire prendre conscience de la malléabilité du temps. Certaines émotions l’accélèrent, d’autres le ralentissent ; parfois, il semble disparaître - jusqu’à l’instant fatal où il disparaît vraiment, pour ne jamais revenir.
"Quand on est jeune, quiconque a plus de trente ans nous apparait d'âge mûr, plus de cinquante, carrément vieux. Et le temps, en passant, confirme qu'on ne se trompait pas tant que ça....ces petites différences d'âge qui sont si cruciales et si flagrantes lorsqu'on est jeune s'estompent. On finit tous par appartenir à la même catégorie, celle des non-jeunes." P;85
Un anglais a dit que le mariage est un long repas terne, où le dessert est servi en premier.
"Ils grandissent si vite, n'est-ce pas ?", quand ce qu'on veut dire en réalité, c'est : " le temps s'écoule plus rapidement pour moi à présent ".
Quand on est jeune, on s'invente différents avenirs; quand on est vieux, on invente aux autres différents passés.
Certains reconnaissent le traumatisme, et tentent de l’atténuer ; certains passent leur vie à s’efforcer d’aider d’autres traumatisés, et puis il y a ceux et celles dont la préoccupation première est d’éviter tout autre traumatisme pour eux-mêmes, à tout prix. Et ce sont ceux-là qui sont impitoyables, et auxquels il vaut mieux prendre garde. P 64
L’Histoire est cette conviction issue du point où les imperfections de la mémoire croisent les insuffisances de la documentation.
Et pourtant, il suffit du moindre plaisir ou de la moindre peine pour nous faire prendre conscience de la malléabilité du temps. Certaines émotions l’accélèrent, d’autres le ralentissent ; parfois, il semble disparaître – jusqu’à l’instant fatal où il disparait vraiment, pour ne jamais revenir. P 14