Cinq morts en moins de vingt ans. (...)
Cela fait beaucoup de morts pour quelqu'un de si jeune.
𝑻𝒖… 𝒕𝒆 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆𝒔 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒔’𝒊𝒍 𝒏𝒆 𝒔’𝒆́𝒕𝒂𝒊𝒕 𝒓𝒊𝒆𝒏 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒆́ 𝒅𝒆 𝒔𝒑𝒆́𝒄𝒊𝒂𝒍, 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒔𝒊 𝒄𝒆𝒔 𝒉𝒐𝒓𝒓𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒏𝒆 𝒔’𝒆́𝒕𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒑𝒂𝒔 𝒑𝒓𝒐𝒅𝒖𝒊𝒕𝒆𝒔. 𝑪𝒐𝒎𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒕𝒖 𝒇𝒂𝒊𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒔𝒊… 𝒃𝒊𝒆𝒏 ?
Brisée. Ce mot tournait en boucle dans ma tête, comme un disque rayé, et résumait parfaitement mon état. Mon corps et ma vie étaient brisés. Tout comme le crâne de Paolo, qui avait éclaté comme une coquille d’œuf.
Ce coin est désertique, personne ne tombera sur nous pendant qu’on creusera. Il n’y a aucun risque qu’on soit dérangées par un routard, un campeur avec son chien, un fermier ou un berger menant son troupeau d’alpagas.
Les gens disent tant de choses sur les femmes qui voyagent seules.
Il n’y a rien de pire que de s’emballer en parlant à ses copines d’un chéri potentiel et de voir cette histoire tomber à l’eau peu après. On se sent ensuite stupide quand les copines veulent savoir si ça avance de ce côté. En réalité, il existait quelques petits désagréments plus problématiques qu’une telle gêne, Kristen et moi étions bien placées pour le savoir.
Il n’est en effet pas compliqué de cataloguer les tortures que nous impose la vie, entre l’accouchement et les douleurs menstruelles, sans oublier la chaleur suffocante qui accompagne la ménopause. Alors que nous faisons de notre mieux pour atténuer ces souffrances, les hommes en recherchent activement, que ce soit en faisant la guerre ou en pratiquant des sports violents au risque de se fracasser le crâne et d’endommager leur fragile matière grise.
Dans mes souvenirs brumeux, l’horreur émergeait de ma torpeur mentale comme une voix perçant des parasites à la radio. Mes mains avaient agi d’elles-mêmes, indépendantes de mon corps, le temps de réduire un jeune homme à l’état de fardeau à transporter. Cela s’est réellement produit.
Il était plus mignon que dans mes souvenirs, le visage plus anguleux, comme si cette semaine passée loin de lui avait érodé l’image mentale que j’avais de lui. Je sentis quelque chose s’agiter dans mon ventre ; écrasés par les événements survenus au cours des dernières vingt-quatre heures, des papillons revenaient à la vie.
J’étais prête à donner n’importe quoi pour être une fille normale avec lui, pour plaisanter, le serrer contre moi, l’embrasser et, oui, faire l’amour avec lui comme tous les gens normaux, et oublier la femme brisée, méfiante et secrète que j’étais devenue.