J'ai souvent été tentée par cette romance. Réécrire l'histoire, réfuter le hasard. Ce hasard qui nous perturbe autant que le vide. L'habiller est une tentation à laquelle il est difficile de résister.
Le destin n'est que l'histoire relue et corrigée de notre vie, une histoire qui commence par la fin, écrite par les autres le lendemain de notre mort.
Quand on parle peu, on gagne le privilège d'être écouté, mais on perd le droit à la futilité.
Jamais je ne serais allée voir ce blockbusteur américain autrement que contrainte et forcée. Et forcée, je l’étais. Il y avait même urgence. Mon ami Dominique André avait travaillé sur les effets spéciaux de ce gadget hollywoodien et nous devions nous retrouver quelques jours plus tard à l’occasion d’un colloque. Je ne pouvais décemment pas me rendre à notre rendez-vous et lui dire que je n’avais pas encore vu Venus backwards, le film de sa vie qui, depuis deux mois, enfiévrait la capitale à la manière d’une maladie contagieuse.
Alexandre Lanier est très fort à ce jeu là. Je l'ai appris depuis à mes dépens. Il venait d'évoquer mes probables fantasmes et en prime un intérêt pour sa personne qu'il jugeait équivoque. Royal dans le rapport de force, il sous entendait quoi au juste? Que j'éprouvais à son égard des sentiments qui dépassaient les limites de nos rapports professionnels.
Souffrants, les hommes sont des enfants qui veulent qu'on leur prépare les coquillettes que leur faisaient leurs mères.
- Avec le soir, arrive la mélancolie des bébés. La mort rode, et elle est plutôt douce. Elle te tend une bonne bière et un briquet pour allumer ta clope. Bordel, la politesse t'impose d'accepter ses cadeaux. La nuit tombe, tout s'arrange. Et le lendemain matin, la lumière crue te fracasse la tête et rebelote. C'est chiant.
Tu sais, Lucie, ce qui m’attriste en fait c’est que le temps passe. Il passe et nous perdons peu à peu le lien qui nous relie à ceux qui nous ont précédés. Inexorablement, nos familles tombent dans l’oubli. Un jour, on tombe sur de vieilles photos et on se rend compte que les visages n’ont plus de nom. Dans des décors qu’on ne reconnaît plus, les situations sont devenues indéchiffrables.
Un philosophe a dit que les autres nous sauvent de la répétition. C’est vrai, mais pas tout le temps et pas avec tout le monde. J’ajouterai que dans une rencontre, quelle qu’elle soit, tout nous est donné, d’emblée. Nous disposons dès les premiers instants d’indice troublants qui devraient nous alerter. Mais nous sommes éduqués pour que tout se passe bien avec les autres et sans même nous en apercevoir, nous modelons l’étrangeté à notre mesure pour la rendre familière et vivable.
Faire la queue m’humilie et la liesse me dérange. Le consensus m’emmerde tout autant que le succès programmé, le bruit et les pop-corn.