Je n'avais pas à craindre de mourir mais de n'avoir plus le cœur à vivre, du moins de la seule vie qui m'importât. Je n'avais plus devant moi que le lit de douleur de mon frère : il gémissait, il criait, mais ne parlait plus, et toutes choses, à l'approche de la mort, étaient vide de sens. Le mal au cœur et la fatigue consécutive à l'insomnie ajoutaient à ce sentiment une puissance à le dominer. Mon frère ne m'avait parlé que pour mettre fin à la possibilité de me parler.
La chaleur du corps, d'éponge, de méduse : déception, dans ma chambre, d'être moins gros qu'une baleine. Mais il suffit, j'ai le mal, l'angoisse de la baleine qui se noie, surtout la douceur, la douceur sucrée de la mort. J'aimerais mourir, lentement et attentivement, de la même façon que tète un enfant.
J'accédai à l'air libre, étourdi par le vent. Une large lueur claire, au couchant, était barrée de nuages noires. Le ciel était déjà sombre. L'abbé C. devant moi, la mine décomposée et décoiffé, me parlait, mais je n'entendais dans le bruit du vent que des mots inintelligibles. Je vis derrière lui sourire Eponine : elle avait l'air aux anges, elle était dépassée.
Je pénétrai rarement à ce point les replis les plus sales de l'âme, et dans l'escalier où, sans hâte, je montai rejoindre Robert, je ris tristement à l'idée de l'horreur dont ils sont l'objet.