Dans cette analyse extrêmement fouillée du Chien des Baskerville,
Pierre Bayard reprend l'enquête de
Sherlock Holmes pour démasquer le véritable l'assassin en utilisant sa méthode de critique policière, qui consiste tout d'abord à étudier le texte en pointant chaque invraisemblance ou incohérence du récit, ainsi que chaque erreur du détective. Ensuite, sa méthode s'apparente à une dissection au scalpel de l'intrigue en cherchant tout simplement les explications les plus rationnelles qui peuvent expliquer même des faits a priori étranges, et en se détachant des seuls témoignages rapportés par les personnages, selon le principe d'incomplétude qui postule que le récit rapporté par le narrateur ne saurait être complet et que nous restons ignorants de bien des faits ou des expériences qu'ont pu vivre les personnages.
Se rangeant dans la catégorie des intégrationnistes, c'est à dire de ceux qui reconnaissent "une certaine forme d'existence aux personnages de fiction",
Pierre Bayard se sert de cette perméabilité entre le monde fictionnel et le monde réel pour démonter les ressorts littéraires et psychologiques qui ont conduit
Sherlock Holmes à se fourvoyer totalement et à laisser échapper le véritable assassin.
Pierre Bayard n'est pas seulement professeur de littérature mais aussi psychanalyste et c'est à cette discipline qu'il recourt pour nous rappeler que
A. Conan Doyle avait fini par développer une telle haine pour son personnage (qui le monopolisait au point de l'amener à négliger ses autres oeuvres) qu'il avait essayé de le faire disparaître. Contraint par la pression de ses innombrables fans de le ressusciter,
A. Conan Doyle se serait vengé sur son personnage en le laissant absent du récit pendant une bonne partie du roman, puis en l'amenant à se tromper de multiples fois. Je n'y connais rien en psychanalyse mais je reconnais que l'explication est très séduisante et plutôt convaincante. Toute aussi convaincante est la démonstration que Stapleton est innocent des crimes dont on l'accuse.
Mais la solution alternative proposée par
Pierre Bayard, si elle a le mérite d'éliminer (presque) toutes les invraisemblances et de mettre à nu le véritable motif du crime, ne m'a pas complètement convaincue.
Attention spoiler - ne pas lire si vous préférez découvrir le livre :
J'ai eu beaucoup de mal à croire que Béryl Stapleton ait pu se ligoter et baillonner elle-même. En effet, quand Homes et Watson la trouvent, ils la décrivent comme étant complètement immobilisée et fortement ligotée au poteau. Franchement, il n'est guère vraisemblable qu'elle ait pu le faire sans aide. Alors, y aurait-il une autre interprétation ? Pierre Bayard n'a pas du tout creusé le personnage de Laura Lyons. Mais cette jeune femme a-t-elle vraiment dit toute la vérité ? Pourrait-elle être la complice de Béryl ? Je n'ai pas le talent de critique policière de Pierre Bayard, aussi je ne m'aventurerai pas plus loin. Je regrette seulement que sa critique n'ait pas poussé plus loin ses investigations dans cette direction.
N'hésitez pas à lire ce livre, aussi passionnant que divertissant !
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