Maman dit ça avec gentillesse et commisération. « Oh, la vie de l’écrivain. Moi je pense à mon four et je suis contente qu’il soit électrique ».
Alice Miller écrit que l’enfant qui supprime ses propres sentiments afin de satisfaire un parent a, en quelque sorte, été abandonné. […] Elle dit aussi que la mère qui réclame cette satisfaction de son enfant essaie seulement d’obtenir ce que sa propre mère lui a refusé.
La mère « suffisamment bonne » minimise les conséquences de la faim, du mouillé et du froid. Mais elle n’est pas obligée de s’adapter parfaitement aux besoins du bébé. Ainsi, un bébé qui a faim peut-il se consoler momentanément en se rappelant ou en imaginant son expérience d’avoir été nourri.
Mais si pour une raison ou une autre, la mère est préoccupée, le bébé risque de devoir trop compter sur sa propre aptitude à comprendre. […]
« Plus couramment aux stades très précoces lorsque cette caractéristique des soins infantiles reste très marquée, nous observons que le fonctionnement mental devient une chose en soi, qui remplace pratiquement la mère et la rend superflue ». […]
Au lieu de dépendre de la mère, le bébé apprend à dépendre de son propre esprit. C’est un déni de la dépendance, un fantasme d’autosuffisance.
Accaparer toute son attention était un plaisir rare. Ça tenait du miracle, en fait – comme de convaincre un colibri de se poser sur votre doigt.
« Absolument tous » les étudiants en psychanalyse qu’[Alice Miller] a supervisés ont la même histoire : un parent souffrant d’insécurité émotionnelle et qui n’en a pas l’air, mais qui dépend d’un comportement spécifique de l’enfant. Et une « étonnante aptitude » de l’enfant à sentir cela et à jouer le rôle assigné. « Ce rôle procurait ainsi de l’ « amour » à l’enfant –c’est-à-dire l’investissement narcissique de ses parents. Il sentait qu’on avait besoin de lui et sa vie se trouvait ainsi légitimée ».
Ce sont les gens qui, en grandissant, auront tendance à analyser les autres.
La perception psychanalytique, semble suggérer Miller, est en soi un symptôme pathologique.
« Le faux self a pour but principal la quête des conditions qui donneront au vrai self la possibilité de recouvrer son bien ». Mais si ces conditions ne peuvent être trouvées, « le résultat clinique est le suicide. Lorsque le suicide est la seule défense qui subsiste contre la trahison du vrai self, le rôle imparti au faux self est alors d’organiser le suicide ». Winnicott
Enfant, j’ai traversé une phase où j’ai renoncé à Mr Beezum [son doudou], où j’ai pris un plaisir presque sadique à l’abandonner sur la pelouse, exposé aux éléments. Durant cette période, le chien des voisins l’a pris dans sa gueule et traîné par la patte. Mais presque cinquante ans plus tard, la blessure me paraît encore fraîche et cuisante.
Je m'embarquais dans la vie adulte avec à peine plus d'émoi que si j'étais allée chez le dentiste.
Votre crise d’angoisse dans l’église ressemble à une formation de compromis. […] Votre inconscient veut exprimer la douleur que vous ressentez de votre propre innocence perdue. Mais votre ego veut la réprimer. Le compromis est donc l’angoisse.
Voici le cœur vital de la théorie de Winnicott : le sujet doit détruire l’objet. Et l’objet doit survivre à cette destruction.
Si l’objet ne survit pas, il restera intériorisé, une projection du moi du sujet. Si l’objet survit, le sujet pourra alors l’envisager comme une entité séparée.
Pour Freud, l’agressivité humaine est une réaction à la réalité, une frustration devant l’échec du monde extérieur à pourvoir instantanément à nos besoins. Mais pour Winnicott, c’est l’inverse. La réalité ne nous pousse pas à l’agressivité. L’agressivité nous fait sentir réels.