AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fandol


Voici un auteur connu que je n'avais pas encore lu, m'étant contenté de la version cinéma de son fameux Entre les murs. Je regrette cette lacune mais il n'est jamais trop tard pour se rattraper et c'est pourquoi j'ai beaucoup apprécié de découvrir En guerre, le dernier roman de François Bégaudeau, grâce à Masse Critique de Babelio et les éditions Verticales que je remercie.
Au travers d'une série de portraits, l'auteur dresse un tableau précis, complet, sans complaisance de notre société de ce début du XXIe siècle. Je me suis bien sûr accroché aux deux principaux acteurs de En guerre : Romain Praisse et Louisa Makhloufi. le premier, aux idées progressistes et généreuses, fait partie de ceux que nous appelons les favorisés, plutôt bobos, et habite un quartier du centre-ville alors que la seconde vit dans une zone pavillonnaire une maison à peine payée et se bat pour garder son CDD chez Amazon.
Pourtant, l'attention se focalise sur un troisième personnage, Cristiano Cunhal, le concubin de Louisa. Après des années chez Ecolex, voilà que des ventes successives aboutissent à la délocalisation de l'usine et le licenciement de 283 personnes. L'actualité, hélas, depuis des années, fait état de tels massacres mais certains hommes politiques disent que ce n'est pas bien de se battre, de lutter pour refuser ce poker industriel et humain.
François Bégaudeau m'a fait souvent penser à Gérard Mordillat et en particulier à Rouge dans la brume lorsqu'il parle des luttes ouvrières et du cynisme de dirigeants interchangeables et surtout lointains. Grève, occupation, blocage de l'autoroute d'où colère des usagers… le quotidien régional parle peu du conflit. de son côté, le gouvernement socialiste ne peut pas tout faire…
D'un chapitre à l'autre, l'auteur a une façon bien à lui d'amorcer un nouvel épisode de son roman. Cela m'a désorienté au début puis je m'y suis fait et j'ai aimé ces lancements énigmatiques m'obligeant à chercher quel lien il y avait avec l'histoire. Cette technique-là, est bien maîtrisée et permet d'esquisser un tableau complet et d'élargir la focale du roman.
Ainsi, Catherine Tendron, technicienne du dialogue social tente de « convertir un départ contraint en départ voulu » avant qu'on déménage les machines sous la protection des CRS… Il y a aussi Simon Marchais, le conseiller de Pôle emploi, Manuel Bonnot et son festival Docublicain, Baptiste et Vincent qui ont créé Chez Lulu, un bar à vins et d'autres encore, des rencontres intéressantes tout au long du roman.
L'amour qu'éprouvent l'un pour l'autre deux êtres que tout oppose, est la clé de voûte du roman avec des conséquences dramatiques donnant des pages impressionnantes, confirmant tout le talent de l'auteur.
Celui-ci aborde aussi le problème des suicides dans deux grandes entreprises publiques menées à la privatisation et le traumatisme de ceux qui découvraient les corps : « Les agents d'entretien de France télécom et de la Poste se sentaient coupables. Ils n'avaient évidemment jamais échangé le moindre mot avec le mort, mais s'en voulaient d'être arrivés trop tard. 6 heures du matin est encore trop tard. Un type payé quatre fois plus qu'eux se tirait une balle parce qu'un type payé quatre fois plus que lui l'avait harcelé, mais c'était leur faute. »
Un excellent roman, cela sert aussi à rappeler des moments douloureux trop vite oubliés et j'ai vraiment apprécié la maîtrise et le style de François Bégaudeau qui ne néglige rien, même les loisirs de retraités : « les plus gros gisements de profit se nichent désormais dans le loisir des seniors. »

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          362



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}