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Critique de babel95


Le moindre mal, de François Begaudeau, fait partie des témoignages recueillis dans le cadre de la série "Raconter la vie" "le roman vrai de la société française"des Editions du Seuil.

Ce petit ouvrage bleu, de 73 pages, écrit très simpement se lit tout aussi rapidement. Il est écrit en deux temps : il nous raconte la vie d'Isabelle Pacitti, infirmière, l'histoire de sa famille, la maladie de son père qui a été déterminante dans le choix de sa profession, puis dépeint une journée complète de la vie professionnelle d'Isabelle dans un service de chirurgie indifférenciée à l'hôpital de Figeac.

Bien sûr, tout ce que nous raconte ce livre, nous le savons déjà, nous avons tous lu des articles de journaux sur les mouvements de grève des infirmières liées à leurs conditions de travail difficiles.

Mais tout le mérite de ce livre réside dans le témoignage : il donne un nom, un visage, à l'une de ces infirmières, il raconte dans le détail l'histoire d'une vie, et une journée de travail. Il met à jour tout ce que l'on devinait, que l'on soupçonnait.

Dès les premières pages, le ton est donné : "Pour les cas désespérés, soigner se limite à prendre soin. Viser le moindre mal". Mais quel est ce "moindre mal" qui donne son titre à l'ouvrage ?

A travers l'exemple d'Isabelle, François Begaudeau décrit la mutation du monde de l'hôpital, qui doit pratiquer la tarification à l'activité, depuis l'application du Plan Hôpital en 2007. Son application a entraîné la necessité d'économiser, d'où la multiplication des fusions, la multiplication des actes, et la compression directe de personnel

La charge de travail ne cesse d'augmenter. A travers la description minutieuse d'une journée dans la vie d'Isabelle, le 11 juin 2013, nous mesurons les difficultés auxquelles l'infirmière est confrontée - nombre de malades, manque de moyens, difficulté d'exercice de la profession, fatigue chronique... le témoignage met aussi en lumière le divorce qui existe entre le monde des médecins et celui des infirmières.

Isabelle, de même que toutes ses collègues infirmières, fait de son mieux. Elles sont seules, elles exercent une profession qui ressemble fort à une vocation. Elles manquent de reconnaissance mais non de force et de détermination.

La seconde partie de l'ouvrage, la description quasi "clinique" de la journée de l'infirmière, est rédigée dans un style rapide, original, qui donne l'impression de suivre le regard de l'infirmière. Curieusement, l'auteur s'efface, donnant peu à peu la parole à Isabelle.

La conclusion, qui tient en quelques phrases, est particulièrement émouvante. Isabelle évoque sa lecture "en cours", L'Enfant de Jules Vallès. "Je me souviens avoir eu des moments comme ça dans mon enfance. Je m'en souviens parce que finalement c'est rare les moments où on se sent bien. J'ai lu et relu le passage et oui c'était exactement la même sensation. de toute façon toutes les pages de ce roman me plaisent. Je freine la lecture, j'aimerais ne jamais le finir. du coup j'en ai plein d'autres lâchés en route qui attendent au pied du lit. Certains je ne suis pas si pressée de les rouvrir. Ca dépend ce que ça raconte et comment. Et puis des fois j'ai pas du tout envie de lire. Plutôt de me préparer des petits dessers gourmands ou regarder un DVD. Ou carrément ne rien faire. Oui ne rien faire c'est bien aussi".

C'est sur cette dernière phrase que se termine le petit ouvrage. Ces quelques mots, simples, s'opposent à l'activité incessante d'Isabelle tout au long de sa journée. Ils concluent de manière optimiste un témoignage bouleversant qui nous interpelle.



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