La composition du livre n'obéit pas à un principe unique : si
Du Bellay prétend ne tenir qu'un journal de bord (« des papiers journaux » dit-il) pendant le séjour – si décevant – qu'il fit à Rome comme secrétaire de son oncle, le tout-puissant Cardinal Jean du Bellay.
Les Regrets proprement dits sont les cinquante premiers sonnets, dans lesquels le poète se dit délaissé par sa Muse, exilé des siens, et de son pays, et se lamente sur son
triste sort (imitant en cela
Ovide, lui aussi exilé, et écrivant « Les
Tristes »)
Le ton change ensuite complètement : de l'élégie, le poète passe à la satire : que ce soit pour décrire Rome (les papes, les femmes, les Romains), son voyage de retour (les Suisses), ou son retour en France (la Cour, les courtisans)
Le ton change encore une dernière fois : c'est au genre de l'éloge qu'appartiennent les 35 derniers sonnets : éloge des Grands, et éloges de Marguerite (les 15 derniers) - il s'agit de Marguerite de Savoie, la fille de François premier).
Ce sentiment de déception qui anime
les Regrets et cette impression que ni lui ni les choses ne correspondent à son attente expliquent la forme particulière de l'écriture des Regrets : des alexandrins bâtis souvent en antithèse dans une langue qui arbore les signes de la pauvreté et du vide.
De quoi s'aperçoit alors le poète au bout du compte ? Qu'il n'est lui-même qu'un espace vide qu'il remplit d'un beau nom, et ce beau nom ne désigne rien d'autre que ce qu'il est en train de faire, tenter de remplir ce vide : ce qui compte n'est pas ce qu'il est mais ce qu'il fait, il n'est lui-même que dans le faire, que dans cet effort à se saisir : il est poète.