Candide en salle des profs !
Romain d'Astéries a la particule qui lui pèse. Ce fils de notables bordelais, label bleu, né avec un pull enroulé sur les épaules à la place du cordon ombilical, est le vilain petit magret de la famille. Il ne sera ni architecte, ni ingénieur mais… professeur de français. Et pas question pour lui d'exercer dans le petit nid feutré d'un établissement privé de la ville fréquenté uniquement par de petits cannelés bien peignés déposés par un chauffeur en Cayenne. le jeune homme s'est converti à une nouvelle religion, le pédagogisme et il veut évangéliser la Guyane de ses grands principes éducatifs positifs et innovants, incompatibles avec son petit confort bourgeois.
Comme l'informatique peut être taquin, l'idiologue hors sol qui ne manquent pas d'idées se retrouve finalement affecté au fin fond de l'Auvergne. Un volcan s'éteint, un crétin s'éveille. Une autre forme d'exotisme et atterrissage culturel qui ressemble à un crash car les méthodes en vigueur dans son établissement ont pour lui l'âge du Puy-de-Dôme. Contrôle surprise.
La directrice du collège, malgré ses cheveux rouges, ne jure que par l'apprentissage des fondamentaux et la transmission des savoirs. Des hérésies pour l'apôtre de la co-construction, de l'enfant sachant par essence, qui veut décloisonner les matières, déboulonner les classiques, abroger les devoirs et qui vivrait la restauration de la dictée comme le rétablissement de la peine de mort. Mort aux devoirs ! Les leçons, c'est pas à la maison !
Le jeune prof, insensible aux coups de règles, obnubilé par l'épanouissement de l'enfant et un peu moins par la transmission de connaissances, développe des heures de « sport-français » avec un collègue, délocalise ses cours pour des randonnées sauvages et se passionne pour la jeune élève Popescu, dont le pédigrée titille sa passion pour l'altérité : la reconnaissance de l'autre dans sa différence. On voit le genre.
A la célébration du centenaire de l'établissement avec une commémoration en uniformes, Marseillaise et danse folklorique, Romain va répliquer par l'organisation d'un jumelage éducatif avec une école roumaine et voyage scolaire sur place.
Le roman de
Clément Benech est une comédie qui mériterait d'être au programme du Capes. Un peu comme
Patrice Jean, avec son dernier titre «
Rééducation nationale », le récit oppose avec le drapeau blanc de l'humour les méthodes de l'Education Nouvelle à ses contempteurs estampillés vieux réacs ronchons. Chaque camp affute ses compas, tu vas voir ta gueule à la récré, mais finit par se rabibocher à la cantoche autour d'une bonne macédoine ou d'un menu alternatif au bon goût.
J'ai trouvé le ton du récit aussi drôle que moqueur, ce qui permet à l'auteur d'éviter le piège du pamphlet et tous les personnages du roman finissent par être attachants, y compris le Don Quichotte du cahier à spirales. Certains passages, comme la rencontre avec la famille de la petite Popescu, sont vraiment très réussis. L'humour permet d'alléger la caricature et de compenser le manque d'incarnation des élèves qui jouent un rôle trop secondaire dans le livre.
Tout cela n'est pas trop réaliste ou sérieux et c'est tant mieux. J'ai toujours préféré la récré aux cours magistraux.