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Les perles de la Rentrée Littéraire d'hiver 2023
Liste créée par CompagnieQuatre le 22/03/2023
32 livres. Thèmes et genres : rentrée littéraire

Chaque Rentrée Littéraire est une avalanche de plus de 500 romans qui déboulent en librairie et il n'est pas évident, au-delà des auteurs incontournables et/ou surmédiatisés, de dénicher les perles rares. Le 16 mars 2023, les bibliothécaires salariés et bénévoles des Alpes de Haute-Provence se sont réunis à la Médiathèque départementale à Digne-les-Bains pour échanger leurs lectures et leurs coups de cœur et les partager, via cette liste, avec le plus grand nombre ! Les voici présentés sans ordre de préférence.



1. L'enfant rivière
Isabelle Amonou
3.99★ (360)

Après un prologue saisissant, l’intrigue avance et maintient bien en haleine. Le comportement assez extrême des personnages est justifié par le contexte. Le style est clair avec des phrases courtes quoique de construction parfois fantaisiste. Certaines en italique explicitent les non –dits. Son message est pressant tant sur les conséquences de notre société de consommation à outrance que sur le rappel de l’absolue nécessité d’exprimer au plus tôt ses blessures psychologiques pour pouvoir espérer se réparer. (Mireille / Lurs) L’auteur fait vivre ses personnages avec beaucoup de sensibilité et de véracité, on souffre des tensions du couple oscillant entre attirance et répulsion l’un pour l’autre. Les conditions climatiques extrêmes, la présence des migrants, les violences subies par Camille mise de force dans un des pensionnats d’indiens (le dernier a fermé en 1996), la brutalité et les attouchements du père de Zoé contribuent à installer une atmosphère tendue dans le déroulement du roman. L’enfant Rivière est une livre surprenant, sensible, avec des rebondissements qui tiennent en haleine. Il met en scène les peurs contemporaines : aberrations climatiques, pourrissement des démocraties, gestions de l’immigration… Il livre aussi un message sur la force de la nature, de la vie... (Marie-Thérèse / Castellane)
2. La femme paradis
Pierre Chavagné
4.09★ (312)

On ne sait pas grand-chose de la protagoniste principale, hormis sa profession d’infirmière, et qu’elle s’est battue pour arriver jusqu’à cette grotte loin de tout lieu habité, à l’abri des hommes . Elle passe de longues heures à l’affût, s’impose une discipline de vie rigoureuse pour que sa vigilance reste pointue… L’auteur alterne des moments de poésie par la description et le ressenti de la nature et des moments de tension. Extrait : «Elle ignorait que les livres lui manquaient à ce point. Le silence austère de la nature l’avait aspirée dans sa ronde sans fin. Les mots avaient déserté ses pensées, d’abord les conjonctions, puis les verbes et les adjectifs. Il ne lui restait pour s’exprimer que des mots juxtaposés sans liens logiques apparents, des bégaiements …. à imiter les animaux et les arbres elle s’était amputée d’une part d’elle-même….. La forêt la comble au-delà de tout entendement et les livres réveillent sa sensibilité strictement humaine. » J’ai apprécié ce roman petit en nombre de pages : seulement 144, mais dont l’impact est très fort, les jours qui ont suivis sa lecture mes pensées sont souvent retournées vers cette femme qui accepte son destin. (Marie-Thérèse / Castellane)
3. Crépuscule
Philippe Claudel
3.74★ (998)

Le roman se déroule dans le style propre à Philippe Claudel, riche de descriptions précises des personnages et des lieux ; des traits d’humour viennent alléger l’atmosphère tendue et l’oppression de la multiplication des mensonges qui feront l’histoire officielle de l’Empire telle que ses dirigeants veulent la modeler pour leur plus grand bénéfice . Crépuscule est un conte cruel qui décrit bien la montée des injustices, du racisme, l’écrasement de la démocratie, les arrangements de quelques notables pour le profit exclusif de leur classe sociale, même s’il se veut hors du temps, il est terriblement actuel. (Marie-Thérèse / Castellane)
4. Ceci n'est pas un fait divers
Philippe Besson
4.31★ (4817)

Au-delà du sujet de société - le féminicide - c’est le parcours de deux enfants que nous fait vivre Philippe Besson. Les deux enfants se retrouvent sans domicile, les scellés ayant été mis sur la maison, heureusement que le grand-père maternel arrive vite pour les prendre en charge. Les scellés resteront plus d’un an sur la maison, on se demande bien pourquoi ! C’est un livre intéressant par les sujets traités : les violences conjugales, physiques et psychologiques, les pervers narcissiques, les féminicides, le stress post traumatique, le deuil et la reconstruction. A la dernière page, le fils dit : « Je crois que j’écris aussi pour tenter de reconstruire nos existences détruites. Nous en avons bien le droit. » (Marie-Thérèse / Castellane)
5. Les Chemins d'exil et de lumière
Céline Lapertot
4.04★ (86)

Après un roman autobiographique dans « Ce qui est monstrueux est normal » où elle parlait de son enfance avec sa misère sociale et affective, « Les chemins d’exil et de lumière » retrace le parcours d’une enfant née de père Ougandais et d’une mère Congolaise que l’on suit. Mère et fille se réfugient en France car leur vie est menacée par la guerre. A la peine de l’exil s’ajoutent les multiples difficultés vécues par les migrants pour obtenir la naturalisation. Les heures d’attente pour obtenir le papier que l’administration exige, le logement dans des hôtels de plus en plus sales et sordides, où il est interdit de faire la cuisine, les odeurs insupportables de ces lieux où se côtoie la misère physique et psychique des migrants provenant de différents pays. La combativité de la mère et de la fille est remarquable, leur fierté, leur dignité les fait tenir debout, elles n’ont guère d’autre choix que d’accepter les coups du sort et de recommencer avec patience les démarches en gardant l’espoir d’obtenir la nationalité française. Ce livre est empreint d’une grande humanité, il nous incite à avoir plus de respect pour ceux qui arrivent dans notre pays, ils ont tout quitté pour fuir la mort due à la guerre ou aux conditions climatiques avec le grand espoir de vivre, tout simplement. (Marie-Thérèse / Castellane)
6. Le bureau d'éclaircissement des destins
Gaëlle Nohant
4.21★ (3694)

Ce livre est très prenant, on a envie de savoir si les recherches vont aboutir, si le temps passé à raccrocher des bouts de ficelle va être efficace. Toutes ces histoires, les vies de ces déportés, de ces survivants sont très émouvantes. On ne peut que féliciter toutes ces femmes et ces hommes qui fouillent toutes ces bottes de foin pour retrouver la petite aiguille qui va leur permettre de raccommoder des vies, de rendre un peu de ce qui a été perdu. Ce livre rend hommage à ce travail de fourmis de ces personnes, qui à la manière d’archéologue vont dénicher, malgré les difficultés, le lien entre un objet et une famille, reconstruire leur histoire, réparer les blessures enfouis au plus profond d’eux. Le corps en garde certaines inconsciemment et le travail de l’ITS permet de comprendre et d’atténuer la douleur. Gros coup de cœur ! (Claire / Sainte-Tulle)
7. On ne se baigne pas dans la Loire
Guillaume Nail
3.64★ (245)

C’est un roman, mais ce genre de drame s’est déjà déroulé. Cela rappelle à tout le monde que quoi que l’on fasse il faut toujours être vigilant et respecter les interdictions. La nature est toujours plus forte. Dans le roman le fleuve est un personnage à part entière. Le livre est émouvant, on suit ces jeunes adolescents encadrés par de jeunes animateurs qui veulent faire plaisir sans forcément penser aux conséquences. (Claire / Sainte-Tulle)
8. Une simple histoire de famille
Andréa Bescond
3.64★ (487)

Chacun des personnages avait un secret qui l’étouffait comme sous un couvercle, une chappe de plomb. Une fois que la vérité est dite, digérée, comprise, tous respirent à nouveau. Il faut s’écouter, comprendre, se connaître si c’est possible, les uns, les autres, pas de tabou. Se parler pour éviter de ruminer, arrêter de cacher pour pouvoir avancer ! C’est un livre optimiste, malgré la violence, les traumatismes mais une fois que la situation est assainie on peut évoluer. Vivre ! (Claire / Sainte-Tulle)
9. La maison
Robert Colonna d'Istria
3.38★ (34)

J a passé ses vacances dans la maison familiale sur une île. Au décès de sa mère son frère hérite de la maison. Mais J en veut une aussi sur l’île qui de viendra SA maison de famille. Mais elle se trouve confronté à plusieurs difficultés (le terrain, l’administration, les iliens…), elle s’accroche. Sa maison c’est son bonheur... Livre agréable, facile à lire, on vit avec elle ce projet, les hauts et les bas le plus souvent, mais avec la bienveillance des habitants et de la persévérance, on arrive au bout des projets et des rêves. (Claire / Sainte-Tulle)
10. Les Filles comme nous
Daphne Palasi Andreades
3.59★ (210)

La particularité de ce livre est que le texte est écrit à la 1ère personne du pluriel. C’est l’histoire de filles brunes du Queens dont les familles sont arrivées en Amérique pour fuir la famine, les gangs, la pauvreté. Elles voulaient une éducation pour leurs enfants. On suit ce groupe de filles, on les voit évoluer, grandir, se faire une place. C’est une vision de ce que ressentent ces femmes qui doivent prouver encore plus que les autres, justifier plus que les autres, déjà parce qu’elles sont femmes, mais encore plus parce qu’elles ont la peau brune (elles sont d’origines diverses, Amérique du Sud, Inde, Asie…) Le texte est rythmé, on suit ces jeunes femmes dans leur vie, leur évolution, sans déterminer qui parle. C’est le groupe qui s’exprime, la communauté. Elles vivent leur vie, ont des enfants... L’autrice parle aussi de la pandémie du Covid et de ce qu’elle fait comme dégâts au sein de cette communauté des laissés pour compte. (Claire / Sainte-Tulle)
11. La douceur
Étienne de Montety
3.70★ (134)

C’est un livre sur l’Histoire de la seconde guerre mondiale vécue par une jeune femme blessée dans son corps, dans son âme et qui, avec de l’amour, aidée par des gens bienveillants, a pu verbaliser ses 9 mois d’enfermement. Malgré un début difficile, la présentation et l’installation des personnages un peu longue (60-65 premières pages), c’est une lecture à recommander. (Claire / Sainte-Tulle)
12. À coeur ouvert
Ingrid Chauvin
4.31★ (263)

L’histoire d’une descente aux enfers d’une femme aux prises d’un pervers narcissique. Comment elle se laisse déposséder de son identité, de ses biens, de sa famille, de ses amis. Un fossé se crée autour d’elle. Son mari la manipule, fait le vide autour d’elle afin qu’il ne reste plus que tous les deux. Il veut maîtriser sa vie, son métier, sa créativité, ses sentiments. Il met tout à son nom, il l’oblige à lui faire des cadeaux très chers alors que lui les lui en fait avec l’argent de sa femme. Elle n’arrive pas à le quitter, à ne plus être sous son emprise malgré les preuves qui s’accumulent car elle l’aime. Mais son corps réagit à cette souffrance continue. Problème de dentaires, respiratoires, amaigrissement, douleurs chroniques. Il lui a fallu longtemps et un « tilt » pour appeler son ami d’enfance afin qu’il puisse la sauver. Ce livre est très prenant facile à lire mais on se rend compte que ces situations existent, que ces hommes sont dangereux. Ce roman devrait être lu par les femmes afin qu’elles puissent reconnaître ces individus malfaisants. (Claire / Sainte-Tulle)
13. Une archive
Mathieu Lindon
3.29★ (100)

J’ai aimé plonger dans l’histoire de cette maison d’édition crée par Vercors pour éditer son ouvrage Le silence de la mer mais « il était aussi mauvais gestionnaire que grand résistant » et Jérôme Lindon en prendra la direction pour la remettre à flot. Grace au succès de Samuel Beckett, les éditions de Minuit se développeront et auront une influence majeure sur la littérature française de l’après-guerre notamment avec la promotion des auteurs du Nouveau Roman. Sont évoqués Alain Robbe-Grillet, Michel Butor, Claude Simon, Marguerite Duras, Jean Echenoz et de nombreux autres auteurs majeurs. Mathieu décrit la vie de sa famille et aussi de « la famille des auteurs » car il n’y avait pas de frontière entre la vie littéraire et la vie familiale. J’ai moins apprécié le style parfois trop « ampoulé » « tarabiscoté » rendant la lecture parfois difficile. Le narrateur m’a parfois semblé un peu imbu de lui-même avec un certain snobisme d’ailleurs revendiqué par la famille Lindon. Le volet autobiographique m’a parfois irrité. Mais on le lui pardonnera car avoir passé son enfance entouré par les plus grands auteurs de notre temps, avoir vécu avec Michel Foucault, été l’ami d’Hervé Guibert, cela n’est pas banal. (Sophie / Lurs)
14. L'automne est la dernière saison
Nasim Marashi
3.67★ (394)

L'automne est la dernière saison est un livre de l'autrice iranienne Nasim Narashi, née à Téhéran en 1984. Il s'agit de son premier roman. Lors de sa sortie en Iran, il a rencontré un très grand succès. Sa traduction en Français a été publiée en 2023 aux Editions Zulma. 3 personnages : Leyla, Reja et Shabanah, amies depuis leurs études, et restées très proches, racontent chacune leur tour ce qu'elles ont vécu au cours d'un été et d'un automne. Leyla, a fait le choix de rester à Téhéran, et de travailler comme journaliste, alors que son mari, dont elle est toujours amoureuse, et dont elle a du divorcer, est parti poursuivre ses études au Canada ; Redja, ingénieure, veut partir en France, à Toulouse, mais n'obtient pas son visa ; Shabanah, ingénieure également, sœur de Mahan, handicapé mental, travaille dans le même espace qu'Arsalan, qui lui fait la cour mais dont elle craint qu'il soit un homme autoritaire et violent. Abandon de la terre natale, abandon d'un jeune frère qu'elle est la seule à protéger, renoncement à une profession ouverte sur la société et ses problèmes, tels sont les choix auxquels sont confrontées ces jeunes femmes ; les conflits de loyauté sont difficiles, voire impossibles à trancher, dans cette société iranienne autoritaire et conservatrice, où les femmes ont été éduquées, mais se retrouvent empêchées de vivre conformément à leurs aspirations. Ce n'est que leur amitié qui leur permet de survivre, malgré la dépression et la solitude. (Dominique / Lurs)
15. Les Sources
Marie-Hélène Lafon
3.95★ (2178)

L’intimité d'une famille de paysans, sous le joug d'un mari et père violent, dans le silence et l’isolement d'une ferme isolée du Cantal. Court romans en trois chapitres et trois points de vue : -la mère, 1967, dans les jours qui précèdent son émancipation, -le père, dans les années 70, resté seul dans une maison vide, -la 2ème fille à l’automne 2021, sur le seuil de sa maison d'enfance, qui va être vendue, et dans laquelle elle n’entre pas... Dans la première partie, la plus longue, chaque mot est pesé, à sa place, sans gras. M.H Lafon parvient à suggérer une atmosphère tendue, une terreur sourde dans la maison, dans laquelle chacun mesure ses gestes, son souffle, pour ne pas déclencher "le cirque, la corrida". Dans le second chapitre, plus court, plus relâché, la romancière peint l'impuissance et l'incompréhension du mari et père. Il est désormais seul, et sait qu'aucun de ses enfants ne reprendra la ferme, "qu'il n'aura pas de suite", et c'est pour lui une tragédie. Enfin, le troisième et dernier "acte", court, mais plein de langueur comme une dernière note tenue, apporte un dénouement apaisant. "Claire respire dans la cour l'odeur tiède et sucrée des feuilles alanguies". La cour, l'érable, la balançoire n'ont pas bougé mais le temps a passé. Claire n'entre pas, elle reste à l'extérieur, le refuge de son enfance, elle est là pour dire adieu à cette "maison des petites années", aux "sources" (terme que Claire préfère au mot "racines"). Court roman poignant, concentré des thèmes chers à MH Lafon, la terre (sa terre, le Cantal), la famille, l'émancipation, la transmission, le silence, et les mots qui jaillissent comme une source après avoir été retenus… (Sophie / CompagnieQuatre)
16. L'amour de nous-mêmes
Erika Nomeni
3.27★ (51)

Ce qui pourrait se contenter de rejoindre la cohorte de romans qui explorent une soif d'être se révèle atypique par la pudique, humble, courageuse et touchante mise à nu de son autrice (dont Aloé est un double non caricatural), par la fluidité chantante de son rythme, la richesse de son lexique imagé, la construction en abîme de son récit, et finalement l'universalité régénérée de sa quête. On ne révèlera pas ici ce que réserve la dernière partie du livre, disons seulement qu'elle consacre son auteure dans l'art de surprendre, d'aller à l'essentiel, d'esquisser un espoir, de préfigurer ce que serait une rédemption planétaire… Un livre qui a vraiment quelque chose à dire, quelque chose de fort, de beau, qui devrait être lu partout et par tous… Voir ma critique complète : https://www.babelio.com/livres/Nomeni-Lamour-de-nous-memes/1469170#! (Philippe / CompagnieQuatre)
17. L'âge de détruire
Pauline Peyrade
3.28★ (348)

Publié chez Minuit, éditeur légendaire, historique, garant d'une littérature exigeante, ce roman est très accessible par sa forme, son style, et d'une profondeur abyssale dans l'intention: explorer de l'intérieur, par les mots, la question de l'inceste. Au-delà du traitement médiatique, tapageur et manichéen qui en est souvent fait, Pauline Peyrade questionne cette violence qui se transmet sur trois générations se retourne finalement contre elle-même. Entre théâtre et conte, P. Peyrade recolle des morceaux de vies mises en écriture. Un vrai moment de littérature. (Philippe / CompagnieQuatre)
18. Le territoire sauvage de l'âme
Jean-François Létourneau
3.77★ (52)

L'auteur admet que son roman (dans la lignée de Imaqa de Flemming Jensen ?) est une critique de la société québécoise, de son mépris des peuples du Nord, de leur culture. Dans le deuxième volet du roman, Guillaume, le narrateur, est de retour en Gaspésie et se trouve confronté à la déforestation qui menace son propre habitat. Ce n'est plus seulement la culture inuit qui est saccagé mais l'esprit de la forêt. Ce roman invite à prendre la mesure des contrastes qui perdurent, au 21e siècle, entre deux cultures réunies sous le même drapeau. Enseignant, le protagoniste fait l’école dans une douloureuse incompréhension de ce que pensent ses élèves, dans une totale ignorance de leur culture. L'écriture est poétique, avec la patine du Québécois, et invite à se poser pour contempler ce qu'il reste d'un monde en perdition. Un dépaysement vécu avec un guide humaniste, entre le récit de son séjour inuit et le présent de son aventure familiale. Une quête d'authentique d'authenticité qu'exprime ce beau titre qui évoque l'œuvre de Rick Bass (Le Journal des cinq saisons est cité en exergue). (Philippe / CompagnieQuatre)
19. Inconsolable
Adèle Van Reeth
3.71★ (431)

Le style, d'abord haché et intimiste, traduit bien le refus de la situation, la volonté, par les mots, d'éterniser les instants en les gravant dans la page. Puis, peu à peu, autre chose se met en place, de l'ordre d'un rebond mais qui n'évacue jamais le manque. C'est un texte qui touche en nous des parts sensibles, intimes, et se révèle en même temps universel. La magie de ce livre est de nous rapprocher de nos disparus, de nous relier à eux à travers les mots d'une autre. Adèle van Reeth aborde tout cela avec beaucoup d'humilité et de grâce pour nous dire la mort de son père mais aussi la naissance de son enfant, événement dont elle traduit toute la beauté. (Philippe / CompagnieQuatre)
20. Mille ans pour aimer
Mayumi Inaba
3.30★ (108)

Sawa, le personnage principal, nous initie à la magie des teintures végétales dans son atelier. Ses deux filles lui rendent visite, ainsi que le galeriste qui expose ses œuvres. Une étudiante coréenne rejoint ce cercle soudé, passionnée par l'alchimie qui résulte du mélange des décoctions et des poudres qui les font réagir. Le style est proche de celui de Aki Shimazaki, minimaliste, intime, humble, donnant une impression de grande proximité avec les personnages. La construction du roman évoque le kazane, un patchwork coréen qui a son équivalent japonais appelé sashiko. Il consiste à assembler des pièces de tissus d'origine diverses, porteuses de souvenirs intimes, familiaux. De même, les faits, les songes, les désirs s'assemblent et constituent un sashiko plein d'humanité, de contrastes, de sensibilité. La tour dressée dans le jardin comme un point d'interrogation peut rappeler la forme inversée du puits dans lequel descend Toru Okada, le narrateur des Chroniques de l'oiseau à ressort, de Murakami, personnage dont la femme a disparu dans les mêmes conditions que le mari de la protagoniste. C'est la même quête de sens à travers les mirages d'une réalité qui se révèle à la fois dure et poétique. Un pur moment de sérénité. (Philippe / CompagnieQuatre)
21. Et le jour sera pour moi comme la nuit
Françoise Grard
4.67★ (9)

L'auteure entrecoupe des flashbacks et les moments du présent qui font suite à son accident pour nous donner à ressentir, avec dignité et humilité, ce qu'on peut éprouver lorsque la vue vient à nous manquer. L’écriture est fine, acérée, volontaire, sans apitoiement. Elle exprime les peurs, les humiliations de l'enfance (Françoise Grard est malvoyante depuis son enfance), la détermination nécessaire pour lutter contre le découragement mais aussi l'infantilisation voire l'instrumentalisation que subissent les personnes handicapées. En 135 pages, elle nous ouvre littéralement les yeux sur le combat que mène cette femme pour ne pas subir, en plus de son handicap, notre considération apitoyée, et vivre sa vue non comme un handicap mais une vision. Une perle d’humanité. (Philippe / CompagnieQuatre)
22. Le Chien qui voulait voir le Sud
Seishu Hase
4.11★ (263)

Le roman a été écrit en 2020 mais revient sur un contexte très marqué par le tsunami de 2011 car l'océan reste une menace pour les habitants des zones sinistrées (18000 morts, 600 km de côtes détruites). Le roman se découpe en six chapitres qui sont autant d'étapes et de scènes dans la vie de ce chien adopté, à chaque fois, par un nouveau propriétaire. Chacun d'eux a une grosse part d'ombre mais l'auteur révèle aussi la part de fragilité qui est en eux et peut nous toucher. Les femmes, plus particulièrement, sont dignes, intègres, responsables, impliquées, tandis que les hommes paraissent souvent immatures, caractériels, inconséquents – mais ces traits sont finement dessinés, sans lourdeur ni manichéisme. Le chien, lui, semble doué d'une intelligence hors du commun. Mais il semble aussi aimanté par le sud, on ignore pourquoi jusqu'à la toute fin. Il réveille en chacun de ses maîtres un souvenir d'enfance intense et cela contribue à nous les rendre attachants parce que nous mesurons le décalage entre leurs rêves d'enfants et ce qu'ils sont devenus, leur réalité d'adulte souvent amère et dure, aggravée par le tsunami. C'est un livre plein de compassion, sur l'impermanence des êtres, la rédemption, la paix que chaque personnage trouve, un bref instant, en compagnie de ce chien, considéré comme un mamorigami, terme japonais qui désigne une sorte d’ange gardien. La littérature japonaise comme je l'aime ! (Philippe / CompagnieQuatre)
23. L'instruction
Isabelle Sorente
3.79★ (93)

Comme Le Royaume d'Emmanuel Carrère ou Apeyrogon de Colum McCann, ce "roman" se situe entre le roman initiatique, l'autobiographie, le témoignage et l'essai. Je pense à Emmanuel Carrère parce que L'Instruction procède de la même volonté de montrer comment le questionnement s'amorce, comment on chemine, avec des doutes, des désillusions, des révélations, jusqu'à l'éclaircissement qui justifie le partage par l'écriture et la publication. Ici, ce questionnement concerne une souffrance que nous ne voulons pas voir en face. La narratrice reçoit une instruction d’un maître bouddhiste l’invitant à se mettre à la place d’une animal conduit à l’abattoir et nous la transmet dans les deux sens du terme : il s'agit de la consigne reçue du maître, mais aussi de ce qui nous enseigne, élargit notre champ de conscience. Elle évoque la notion de "magie sympathique", une façon qu'on a de communier avec l'autre, au sens le plus large du terme, ici des porcs et les humains qui les "produisent". Elle a l'intuition que les animaux peuvent nous aider, mais sommes-nous prêts à l'accepter ? Un texte choc, éclairant, qui illumine de sa subtilité une problématique parfois caricaturée. (Philippe / CompagnieQuatre)
24. Jusqu'au prodige
Fanny Wallendorf
3.81★ (92)

Un roman qui a la même force picturale et poétique que Avec les loups de Sandrine Collette mais qui n’a très malheureusement pas connu le même succès. Le lecteur est emporté avec la narratrice dans une langue travaillée, digne de Giono et de Bosco, entre émerveillement et terreur. La forêt n'est pas seulement le lieu où elle est traquée par le chasseur qui l'a retenue jusque-là prisonnière. Sa fuite est hantée par le souvenir incandescent - de son frère, par les animaux sauvages et plus encore par les nazis qui sillonnent le massif, désœuvrés par l'absurdité de leur acharnement à tuer. Quelle autre issue que de se reconnecter à soi, à la part de rêve et d'innocence qui couve encore en elle ? Une véritable perle, à la maquette soignée, aux Éditions Finitude. (Philippe / CompagnieQuatre)
25. Un passage vers le Nord
Anuk Arudpragasam
3.64★ (107)

L’auteur, philosophe, nous propose aussi une réflexion intime et philosophique, poétique aussi, sur le temps, le vieillissement, la guerre, l’oubli, la mort mais aussi sur la relation amoureuse passionnelle, fusionnelle. Il s’appuie sur des contes, des mythes traditionnels indiens… Les femmes sont très présentes ; des femmes dans un monde de violence entre les hommes et les femmes, mais aussi entre hommes. Le style est fait de longues phrases, un peu lancinantes et méditatives. Ce n’est pas un livre facile. Il faut se laisser porter pour entrer peu à peu dans ce voyage intérieur mélancolique, philosophique et poétique. (Isabelle / Lardiers)
26. L'école de la forêt
Carla Demierre
3.55★ (27)

Le livre fonctionne un peu comme une catharsis, une libération par la parole, par la remémoration du passé, que les filles enregistrent et dont nous sommes les témoins. C’est une catharsis au sens psychanalytique, elles se remémorent des événements traumatiques passés, elles s’interrogent, enquêtent sur les raisons qui les ont conduites à s’enfuir. C’est l’école de la forêt, le lieu qui leur permet de remettre l’histoire dans l’ordre, une prise de conscience grâce à une décharge émotionnelle. Livre construit comme un puzzle, qui sont les différents flashs convoqués par les deux sœurs, il est fait d’événements, de recettes de cuisine, de descriptions de photos, de paraboles... Le roman est très dérangeant car il nous plonge dans une intimité dont on se passerait mais qui est en cela très bien fait. (Isabelle / Lardiers)
27. Un vrai dépaysement
Clément Bénech
3.26★ (283)

Deux thèmes sont abordés dans ce roman, très drôle : 1 Les questions pédagogiques et notamment les nouvelles pédagogies des sciences de l’éducation : pédagogie de l' « apprenant sachant » et du "maître ignorant » : "Il faut apprendre à vous faire confiance, et à mettre en doute ce déséquilibre qu'on vous a inculqué, entre un sachant (moi) et des ignorants (vous). Ce n'est qu'une de ces fictions rassurantes qui font tenir l'édifice social, en d'autres termes l'ordre en place. Mais pour y voir plus clair, il faut déplacer l'éléphant, comme dit le proverbe africain - c'est à dire sortir de la classe. " p 121 2 La question de l'altérité, notamment l’altérité proche, celle des ethnologues qui ont étudié les autres de l’intérieur, les autres proches, plutôt que exotiques, plus proches de nous qu’on ne le croit. La question de l’altérité est abordée avec le personnage de Jeanne, renvoyée à ses origines roumaines. Jeanne, c'est l'autre qu'on croit étranger... Comme chaque fois que l’on dit « il est d'origine... » Mais si l’auteur aborde ces thèmes, il dit ne pas chercher pas à faire passer de message ; voici ce qu’il répond dans une interview à la question : « Vous ne cherchez donc pas à faire passer un message sur les thèmes que vous abordez ?» : « Selon Kundera, le roman est le royaume de l’incertitude, et l’incertitude est quelque chose qui me caractérise. Je suis hanté par un certain nombre de thèmes, de questionnements, mais aucun de mes livres ne vise à les résoudre. J’aime la résolution en philosophie, et notamment chez Wittgenstein, mais le romancier n’est pas tenu de résoudre de grandes questions. Il peut m’arriver sur de courtes distances de faire des affirmations et de faire passer des idées mais ce n’est jamais sur de grandes questions. Je ne cherche pas à me placer dans le champ intellectuel. » C’était en 2017... Livre bien écrit, plein d’esprit, porté par l’humour et la justesse des personnages, un livre intelligent qui se lit très facilement. (Isabelle / Lardiers)
28. Tête-dure
Francesco Pittau
2.96★ (28)

L’auteur nous décrit une journée de violence familiale ordinaire sur fond de violence latente mondiale, menace nucléaire, dans le gris du monde, monde où les enfants trinquent, où les plus fragiles sont battus, femmes, enfants, chiens… ; un monde où les petits garçons ne doivent pas pleurer, un monde plongé dans le gris, « le ciel est gris foncé. Les maisons sont gris foncé. Tout est noyé dans un gris qui brouille la cascade des toits. Un homme, courbé, passe dans le gris qui l’absorbe aussitôt. Le monde est toujours là, inchangé. » p168 C’est une vision du monde en contre-plongée, de la hauteur de l'enfant, au niveau du balatum (lino), au milieu du jeu d'enfants, de cow-boy et d'Indiens, de gentils et méchants, un peu comme une caméra qui enregistre tout dans sa simplicité et sa vérité, dont on ne se méfie pas, avec les odeurs en plus... Comme les enfants qui regardent sous les jupes... (Isabelle / Lardiers)
29. Heureuses nouvelles sur avions en papier
Juan Marsé
3.42★ (55)

C’est un roman très touchant et poétique, il dépeint très bien différentes époques, et les descriptions de personnages sont très bien écrites. C’est un roman à la fois bien ancré dans une réalité et énigmatique, voire fantastique. Le père de Bruno, lors de ses quelques apparitions auprès de son fils, lui dit: « Les femmes sont une énigme tu sais? Surtout celles qui veulent nous protéger. » p 23 Cette phrase qui s’applique aux femmes de cette histoire est peut-être aussi la clé de ce roman... Le roman se finit par une photo mais aussi de nombreuses pages blanches, pour faire des avions en papier ? (Isabelle / Lardiers)
30. Double V
Laura Ulonati
3.07★ (126)

Laura Ulonati nous perche sur les épaules des sœurs Woolf et nous fait arpenter leur monde au plus près de leurs ressentis. Société anglo-saxonne patriarcale et étriquée, univers familial bien-pensant et étouffant, mais voilà deux femmes au combat contre les valeurs de leur temps pour vivre pleinement leur sensualité, affirmer leur sensibilité et donner libre cours à une créativité exaltée – les écrits de Virginia et les peintures de Vanessa (Bell). Toute la force de cette biographie admirablement romancée tient dans le rendu subtil des liens, tour à tour frustrants et libérateurs, qui exacerbent ces deux femmes. (Philippe / CompagnieQuatre)
31. Shamane
Marc Graciano
3.34★ (47)

Roman déroutant, déconcertant, étonnant, imprévisible qui, après une première perplexité, est prenant et tellement bien narré que l’on ne le quitte plus; pourtant, il faudra m’expliquer le dernier chapitre, si surprenant, si troublant que je conseille de le lire pour changer la façon de voir la lecture d’un livre… (Lyne / Lardiers)
32. Client mystère
Mathieu Lauverjat
3.58★ (176)

Ce premier roman dresse un portrait chirurgical du monde du travail post-moderne à l’heure de l’ubérisation et du management 2.0, avec un regard de l’auteur à la fois incisif et divertissant. Malgré une deuxième partie plus romancée et moins réussie à mon sens, Client mystère est un livre à lire tant par ses qualités d’écriture que par sa documentation pointue sur son sujet ! (Fanny / CompagnieQuatre)
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