Citations sur Le Bon Coeur (33)
Ce qui est écrit ne meurt pas... (p234)
Lorsque la réalité se dérobe, les mots donnent le change.
Le lendemain, une messe fut dite pour le repos de l'âme de la jeune fille. Tous étaient là, les hommes qui avaient combattu à ses côtes et ceux qui l'avaient servie. Jean et Pierre, près de l'autel, assistaient l'officiant. A l'issue de la cérémonie, suivi des capitaines, il remonta la nef jusqu'au porche de l'église devant lequel attendaient Jean de Metz et un cheval qu'il tenait par la bride. Le prêtre leva le bras et, lentement, de la main, sur l'animal traça le signe de croix. C'était le cheval de Vaucouleurs, celui de l'homme tué l'avant-veille sur le rempart de Rouen. Il était brave et généreux. Ses camarades l'appelaient le Bon Cœur.
Elle les voyait venir avec leurs gros sabots. Ils voulaient la faire passer pour une sorcière, une illuminée, une folle, une affabulatrice, une fille des bois, adoratrice des fées, des sources et des arbres magiques. Et puis encore, une semeuse de discorde, une femme travestie en homme, avide de pouvoir et de luxe, amoureuse de la compagnie des mâles, les provoquant à la luxure, à la guerre et au meurtre, troublant leur entendement et les détournant de l'Église. Elle répondait posément, avec bon sens, avec humour dès que l'occasion s'en présentait. Elle avait de la répartie, au point que certains avaient du mal à réprimer un sourire lorsqu'elle mouchait un de leurs pairs.
Privée de ravitaillement, à bout de ressources, Orléans finirait par tomber. Alors l'Anjou ne serait plus tenable et il ne resterait au dauphin qu'à se replier en Auvergne, dans une des vieilles forteresses de granit qu'il avait là-bas. Ensuite, ce serait le Languedoc, les remparts ensablés d'Aigues-Mortes, la résignation et la mer. Parfois, au réveil, au sortir de rêves dont il ne se souvenait pas, Charles était surpris de voir ses serviteurs encore là, à s'affairer autour de lui, la garde se relayer dans la cour du château, et la bannière aux lys de France, celle de ses ancêtres, dans les remous de l'air, balayer de ses plis la coiffe d'une tour.
L’ennemi voulait sa mort, une mort infamante et spectaculaire. Elle vengerait ses défaites et chasserait le mauvais sort qui décourageait ses troupes.
Oyez, braves gens! Oubliez les historiens, ceux qui parlaient de la bergère de Domrémy, de la guerrière, de la Sainte...Ici, vous marcherez avec Jeanne, sur les chemins de traverse, à ses côtés. Pour la petite histoire dans les livres d'Histoire!
La confiance et l’affection admirative de ses premiers compagnons de voyage, ses protecteurs devenus ses protégés, la considération du roi, celle des théologiens et sages de Poitiers ensuite, avaient renforcé, non sa détermination, mais le sentiment que se trouvaient en elle des moyens puissants et qu’ils donneraient bientôt leur pleine mesure. Elle le lisait dans les yeux des autres.
Avoir la Pucelle à ses côtés, c'était doubler la capacité de ses forces. Les soldats étaient galvanisés par sa présence et rivalisaient d'audace. Ses cris, ses encouragements, sa voix, aiguë, joyeuse jusque dans l'engagement, l'apparition de son étendard produisaient un effet étonnant. La Hire n'avait pas autant d'ascendant sur sa bande de guerriers. Jean d'Alençon voulait l'avoir pour cela, et parce qu'il aimait sa compagnie, sa bonne humeur. La guerre l'avait endurcie, pas abîmée. Elle pleurait quand elle était émue, ce qui lui arrivait souvent. L'excès d'enthousiasme, ce caractère présomptueux que lui reprochaient ses détracteurs, était pour lui énergie, lucidité et fermeté d'âme. Tout prince de sang qu'il fût, il aurait aimé que ces qualités lui eussent été accordées avec la même intensité. Il se sentait meilleur près d'elle et souvent heureux. Avoir la grâce, ce devait être cela.
Ces deux figures de la même femme, chef de guerre et pieuse enfant, fascinaient les gens.