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EAN : 9791037106155
192 pages
La Table ronde (26/08/2021)
4.17/5   106 notes
Résumé :
Le monument des Bourgeois de Calais – hommage à l’héroïsme de six riches habitants qui se livrèrent au roi d’Angleterre à l’issue d’un long siège, au début de la guerre de Cent Ans, pour que soient épargnés leurs concitoyens – exerce une fascination universelle. De cette bouleversante chorégraphie de bronze, il existe douze exemplaires dans le monde : à Calais, Paris, Copenhague, Mariemont en Belgique, Londres, Philadelphie, Bâle, Washington, Tokyo, Pasadena, New Yo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Après avoir accompagné Jeanne d'Arc jusqu'au bucher (1431) dans « Le bon coeur » et l'avoir réhabilitée lors du procès (1456) dans « Le bon sens », Michel Bernard poursuit l'étude la Guerre de cent ans en faisant revivre « Les bourgeois de Calais » (1347), en décrivant le projet d'un monument en leur hommage prévu en 1889 pour célébrer la fusion des villes de Calais et De Saint-Pierre à l'occasion du centenaire de la révolution.

Détaillant le délicat partenariat entre la municipalité de Calais, maitre d'ouvrage, et le sculpteur, maitre d'oeuvre, le romancier, par ailleurs préfet, plonge dans les arcanes politiques, économiques et médiatiques d'un dossier compliqué par un contexte sanitaire qui évoque l'actuel COVID.

L'intrigue débute en 1884, d'un coté Oscar Dewarin (1837/1904), notaire et maire de Calais, de l'autre Auguste Rodin (1840/1917), alors âgé de 44 ans, à la notoriété naissante. Dès leur première rencontre, le courant passe, et Rodin propose rapidement une maquette originale, moderne, en rupture avec les codes de l'époque. le conseil municipal vote un accord quasi unanime.

Les années passent, les élections se suivent et Paul Gustave van Grutten succède à Dewavrin, pendant que Rodin modifie son esquisse, est abandonnée par Camille Claudel et que les délais dérapent alors que l'artiste, mis sur orbite par Claude Monet, et honoré soudain de multiples commandes, se disperse. L'objectif 1889 s'évapore …

Une crise économique survient qui fragilise la prospérité du port de Calais, ruine la banque où étaient placés la souscription finançant le monument, et contraint le notaire Dewarin à vendre son étude.

Mais les électeurs l'élisent à nouveau maire de Calais et Léonine son épouse le remotive. le choléra s'abat en octobre 1892 sur les quartiers défavorisés de Calais, Oscar et son épouse prennent le problème à bras le corps et éradiquent le mal en quelques jours ce qui permet de relancer le projet qui est finalement inauguré en juin 1895.

Michel Bernard romance ces onze années et ressuscite Rose Beuret, la compagne dévouée de Rodin, Rainer Maria Rilke, son secrétaire, et dévoile progressivement la mystérieuse alchimie propre à la création d'un chef d'oeuvre aujourd'hui mondialement apprécié, mais dont la naissance fut entourée de polémiques comparables à celles qui vilipendèrent le Monument à Balzac commandé par Zola et La Société des Gens de Lettres.

Une fois encore Michel Bernard s'impose avec un ouvrage aussi instructif que passionnant rédigé d'une plume classique et élégante qui livre un émouvant mémorial au couple Dewavrin.
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« Tout nuds en leurs chemises, la hart au col, et les clefs de la ville en leurs mains »

Agréable surprise que la découverte de l'écriture fluide et érudite de Michel Bernard. Raconter la genèse de cette oeuvre importante de Rodin n'est pas chose aisée si l'auteur ne possède pas une solide connaissance historique, accompagnée d'une grande fibre artistique, pour lui permettre d'écrire un roman passionnant sur l'élaboration d'un des chefs d'oeuvre les plus connus de Rodin : « Les Bourgeois de Calais ».

J'ai admiré la narration et l'imagination créatrice de l'auteur qui s'est inspiré des lettres échangées entre Rodin et Omer Dewavrin quant à la réalisation de l'oeuvre. Il a enfilé le costume des personnages principaux. Il a choisi de sortir de l'ombre un couple, Léontine et Omer Dewavrin, sans la ténacité duquel, cette oeuvre ne serait pas devenue le symbole de la ville de Calais dans le monde entier, sachant qu'il en existe douze exemplaires dans le monde.

Pour les cent ans de la Révolution, Omer Dewavrin, maire de la ville de Calais, notaire de profession, grand amoureux de l'histoire locale de sa région, imagine d'élever sur la place d'Armes, un monument en hommage aux six bourgeois qui se sont offerts en otages au Roi d'Angleterre Edouard III, lors de la reddition de la ville de CALAIS, après onze mois de siège long et cruel, au début de la Guerre de Cent ans, de septembre 1346 à août 1347.

« Eustache de Saint-Pierre, Pierre de Wissant, Jean d'Aire, Jacques de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres ».

L'ambiance de la création est parfaitement restituée avec les hésitations de Rodin, ses exigences, son insatisfaction, ses projections sur la représentation de ses personnages selon leur situation sociale et la dramaturgie des évènements. On pénètre les pensées intimes d'Omer, ses méditations lorsqu'il admire les ruelles de la ville de Calais comme lorsqu'il se rend à Paris, assis dans le train, pour visiter Auguste Rodin. Rien n'échappe à l'auteur et de ce fait, rien ne nous échappe. On se met à table avec nos deux amis dans les gargotes comme dans les restaurants de meilleure réputation. On suit leurs échanges, l'enthousiasme d'Omer comme celui de Rodin : ce dernier cherchant à donner un nouveau souffle à la sculpture, sortir du classicisme. Puis viennent les découragements devant les difficultés qui s'amoncellent, l'incompréhension d'une oeuvre que l'artiste souhaite non académique, les désaccords politiques, la crise économique de 1885 qui sera suivie de la période tragique de l'épidémie du choléra.

C'est aussi la rencontre de deux hommes, Auguste et Omer, que tout sépare mais qui vont se lier d'une très forte amitié sans oublier Léontine, l'épouse d'Omer, qui prendra sa part de soutien dans les moments difficiles.

Les pensées intimes des personnages leur donne une belle consistance. Ils prennent vie sous nos yeux. On visualise parfaitement Omer pénétrer dans l'atelier d'Auguste découvrant Camille qu'il a déjà aperçue lors d'une visite précédente :

« Il reconnut, assise devant une sorte d'établi, la jeune fille toujours appelée Melle Claudel par Rodin, ce qui ne trompait personne. Elle posa sur lui un regard bleu marine avant de le reporter sur l'objet que manipulaient ses doigts graissés par l'argile mouillée. Concentrée sur la tâche, sa pensée appliquait la même force que ses mains sur la matière. Ses lèvres serrées barraient d'un trait dur, étrangement sensuel, le bas de son visage. le Maître n'était peut-être pas celui que l'on croyait ».

On a plaisir à retrouver Monet, Rainer Maria Rilke et la compagne conciliante de Rodin, Rose Beuret.

C'est un joli voyage dans le temps, sur onze ans, entre 1884 et 1895 auquel nous convie l'auteur de sa plume élégante, un récit qui s'adresse à un large publique, un roman riche d'enseignements. Vous ne regarderez plus les « Bourgeois de Calais » de la même façon sans repenser à ce livre !

« Parfois il se demandait s'il était bien l'artiste qui avait sculpté ces six figures. Il n'aurait pas sur les refaire, il ne savait plus comment il les avait faites. L'avait-il jamais su ? Son oeuvre lui échappait. Ce que ses amis appelaient son génie n'était qu'une énigme dont il cherchait en lui-même les contours, à tâtons. Il regardait ses mains, ses doigts, comme un prolongement mystérieux de son esprit. Cet assemblage de petits os et de cartilages sous le fin réseau des muscles et des nerfs, sous la peau épaissie par l'âge, polie par le travail, savait toujours ce qui était bien, ce qui serait beau, émouvant, et trouvait le moyen de le représenter. Ses mains travaillaient, habiles et précises. Elles avaient la foi. »
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Acquis en 2021- repris fin juin 2023

Lecture des plus captivantes nous faisant vivre la genèse complète d'une oeuvre d'art , du désir d'un commanditaire à sa naissance...avec tous les aléas, doutes, obstacles causés par l'artiste ou par les partenaires- mécènes...et divers intermédiaires, dont le très précieux " Fondeur"...en fin de parcours !

Pour cet incroyable groupe des
" Bourgeois de Calais " , il aura fallu 10 longues années, pour ne pas dire " interminables " pour le commanditaire de l'Oeuvre : le maire de Calais, Omer Dewavrin...

Ayant toujours et définitivement " les yeux plus gros que le ventre", J'avais choisi ce roman à sa parution, et injustement l'ai abandonné...cette fois, je l'ai repris remplie d'une motivation chargée à bloc, venant de redécouvrir le Musée Rodin...Ai ainsi pu contemplé à nouveau ces " Bourgeois de Calais" fort bien exposé dans le parc.( admiré aussi il y a longtemps dans sa ville calaisienne!)


À peine rentrée, je me suis précipitée sur le texte de Michel Bernard, qui nous retrace très précisément, avec force conviction et enthousiasme l'"Épopée", veritablement, qui dura 10 années avant que le projet réalisé soit officiellement inauguré dans la ville de Calais !

Récit à moult rebondissements...

Michel Bernard nous entraîne acec lui...au long de ses dix années , dans la complexe entreprise de la réalisation d'une commande publique faite à un artiste sur un sujet donné : du choix délicat du candidat idéal, à la présentation d'une maquette préparatoire, à la persuasion délicate de tous les élus et partenaires financiers, sans omettre ensuite les exigences, caprices, retards, doutes, reports de l'artiste lui-même !!?

Nous ne pouvons donc être qu'infiniment reconnaissants à la détermination sans faille et à la patience inégalée de " notre" maire- notaire, Omer Dewavrin, qui en a fait le projet d'une vie...

Incroyable personnage qui pourrait pu paraître
" falot" de par sa fonction peu palpitante de
" notaire", dont il s'est d'ailleurs lassé au fil des années...
Omer D. se révèle de surcroît un maire bienveillant et énergique ; les Calaisiens le solliciteront d'ailleurs
( alors qu'il s'était retiré) pour un assurer un mandat supplémentaire, afin de faire face à une situation alarmante d'épidémie de choléra...Ce qu'il parviendra à résoudre énergiquement tout en ne perdant pas de vue l'avancée du monument de Rodin, qui avec ce énième contretemps tragique...finira par être inauguré avec succès !

Ce fonctionnaire, en plus de ses compétences d'élu, se dévoile également, avec bonheur être un homme de goût ,un esprit éclairé...avec ses audaces et sa conviction quasi- immédiate que Rodin est l'Artiste avec lequel il se sent en résonance ; ce qui est d'autant plus audacieux , que Rodin est loin encore , de faire l'unanimité....

À tel point, que l'auteur décrit une scène hilarante : À la présentation première de " son groupe de bourgeois " aux élus calaisiens, les compliments ne font que fuser.D'abord euphorique de cet accueil, l'artiste rentre à Paris...et là...Patatras...il déprime, remet tout en question et se dit que quelque chose
" cloche"vraiment...Pas une critique: cela doit signifier que c'est trop conventionnel ou plat , ou il ne sait ??!
Toutes ses sculptures ont provoqué " critiques, polémiques..."et parfois plus...Alors, tout va décidément trop bien...

Ainsi, Rodin repensera très différemment " ses Bourgeois "....et là, l'artiste sera rassuré ; les critiques et les remarques de rejet abonderont....ce Cher Omer devra batailler encore et encore..Il aura heureusement beaucoup d'opiniâtreté et
d' arguments pour tenter de convaincre ses interlocuteurs, afin que le projet, devenu " obsession de sa vie" ne soit surtout pas abandonné !

"Les attitudes des six Bourgeois étaient jugées trop consternées, trop désespérées, trop misérables, pas assez fières, pas assez altières, pas assez héroïques en somme.

(...) Mais c'était parce qu'ils avaient essayé de comprendre sur-le- champ, de raisonner sur ce que leurs yeux leur montraient, qu'ils avaient cherché le sens de l'oeuvre avant de la laisser agir sur eux, qu'ils passaient à côté. Il fallait s'abandonner, se laisser charmer par l'harmonie du groupe, son mouvement, cette chanson de gestes. (...)
Oui, si on regardait vraiment, si on laissait ses yeux se rassasier de ce qui était devant eux, la vie était là : un désordre et une harmonie. "

Une lecture irrésistible qui m'a appris de multiples choses sur l' incroyable " parcours du combattant" que représente la concrétisation d'une oeuvre artistique pour " une commande publique "...

Un style fluide, agréable, tellement " partie
prenante "qu'on est " embarqué " dans l'aventure, sans s'en rendre compte ! Bravo et Merci au talent de Michel Bernard.

J'achève ce billet par un extrait fort émouvant concernant le succès et le brillant destin de ce groupe sculpté , unique en son genre :

"Au roi De Belgique qui venait d'acquérir un exemplaire du groupe pour son Musée à Bruxelles, Rodin avait recommandé de le surélever le moins possible. Celui présenté dans les collections du Musée royal de Copenhague depuis deux ans était à la hauteur du public, conformément à son souhait, et produisait le meilleur effet.Des institutions ou des mécènes d'autres pays désiraient aussi en faire l'acquisition. C'était flatteur pour lui, pour l'art français, mais il veillait à ce que la reproduction soit exceptionnelle. " Les Bourgeois " ne pouvaient être un objet manufacturé de luxe.Il était surpris du succès international d'une oeuvre commandée par une petite ville française pour célébrer à l'endroit où il avait eu lieu un événement local. En tout cas, Omer Dewavrin serait content et fier de voir ses " Bourgeois " peupler le monde."

** In- fine , extraits de la Correspondance entre le maire de Calais et Rodin ; Correspondance sur laquelle l'écrivain s'est appuyé avec brio pour la composition de ce roman si bien documenté ...Il me reste à corriger un dernier grand retard: la lecture des " Deux remords de Monet"...













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Quel plaisir de rencontrer une jolie plume comme celle de Michel Bernard. Je sais que, pénétrée de ce roman sur Les Bourgeois de Calais, j'aurai hâte demain de découvrir cet auteur plus avant. Omer Dewavrin, maire de Calais va rencontrer le Maître, Auguste Rodin, pour la réalisation d'un monument en hommage aux six Bourgeois de Calais de la guerre de Cent Ans. Nous allons ainsi rebrousser chemin jusqu'en 1884 pour assister à cette rencontre. le projet de départ est centré sur un seul homme mais c'était sans compter sur la conception artistique du sculpteur car il y a l'oeuvre et la mise en oeuvre, un cheminement complexe vers l'aboutissement artistique. Rodin veut d'abord s'imprégner de sa mission et il va lire la chronique de Jean Froissart, laquelle écrite en vieux français, lui reste, assez hermétique. C'est ainsi que, accompagné de son ami Octave Mirbeau, lequel s'en remettait à Villon, le poète maudit, ils en vinrent à consulter le concierge de langue picarde et bientôt, la femme du concierge, Pas-de-Calaisienne, qui elle, étant toujours imprégnée du patois d'antan vint à bout de ces emprunts aux mots anciens. C'est alors que, magnifiquement, nous assistons à la communion des savoirs et à la réalité de notre identité culturelle. Nous allons rencontrer de hauts personnages, Camille Claudel, Claude Monet, Rilke, Balzac, suivre les impulsions d'un grand créateur et les aléas de vie des uns et des autres avec dans les murs la crise épidémique de choléra-morbus. Mais rien ne verra l'amitié décroître entre Omer Dewavrin, et Auguste Rodin et rien n'empêchera l'avènement des six Bourgeois de Calais d'accéder enfin à la reconnaissance.
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Omer Dewavrin est le maire de la ville de Calais, et il a un projet : célébrer un épisode historique de la Guerre de Cent Ans dans la ville du Nord.

Nous sommes en 1347. La ville est assiégée par l'ennemi anglais, et malgré le courage des Calaisiens, les Anglais sont plus forts. C'est donc le sacrifice de ces six hommes, contraints de remettre les clefs de leur ville à leurs assaillants pour laisser la vie sauve à l'ensemble des habitants de la ville, qui va marquer les esprits : Calais doit avoir sa statue pour commémorer cet épisode.

Mais Omer Dewavrin voit loin. Il lance un concours auprès de grands sculpteurs, et se rend à Paris pour rencontrer un sculpteur prometteur : Auguste Rodin. Nous sommes en 1884 et l'artiste a son atelier rue de l'Université au coeur de Paris. Rodin lui fait les honneurs de son atelier : il y a là une jeune femme nue, qui pose près du poêle. Il y a aussi « La Porte de l'Enfer » qui est en cours d'élaboration. Et encore la « République appelant aux armes », ou enfin « L'âge d'airain », qui marque profondément l'esprit du maire de Calais.

En repartant vers le Nord, il est décidé : ce sera Rodin le sculpteur des Bourgeois, et personne d'autre.

Toute l'originalité de l'auteur, Michel Bernard, c'est ce pas de côté : imaginer la relation d'amitié qui va lier le commanditaire et le sculpteur, à partir de la correspondance retrouvée entre les deux protagonistes, y compris celle de l'épouse du maire, Léonine Dewavrin, qui jouera un rôle prépondérant dans cette aventure, par sa ténacité à toute épreuve.

Car rien ne sera simple dans cette décision : il faudra affronter le goût classique des conseillers municipaux, qui ont du mal avec le génie du parisien, il y a les souscriptions à aller chercher, l'opposition d'un autre maire avec qui Dewavrin doit composer, et les hésitations de Rodin avant de décider quelle apparence donner aux 6 Bourgeois de la Guerre de Cent Ans.
Tout cela prendra donc dix ans, mais l'intuition initiale d'Omer Dewawrin ne sera jamais démentie : au fond de lui il est convaincu du génie de cet artiste devenu au fil du temps un ami, et il est convaincu que Rodin est le mieux placé pour exécuter le souvenir de cet épisode historique : l'avenir dira combien il avait raison.

Au passage on aura approché la vie du sculpteur : enthousiaste à l'idée du projet de Calais, profitant plus tard de la renommée qui va lui échoir, et enfin mélancolique quand une certaine apprentie s'est enfuie de l'atelier… Car oui, on croisera aussi une jeune femme sur qui le regard d'Omer va tomber, et qui semble faire beaucoup d'effet à Rodin : il s'agit de Camille Claudel bien sûr.

Merci à Masse Critique pour l'envoi de ce récit : au final Michel Bernard nous livre ici une histoire touchante, pleine de sensibilité, et qui montre la valeur de l'amitié entre un commanditaire et son artiste : un regard plein de délicatesse.


Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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critiques presse (2)
LaCroix
03 septembre 2021
Dans ce magnifique récit à deux voix, Michel Bernard raconte la naissance des « Bourgeois de Calais » de Rodin.
Lire la critique sur le site : LaCroix
RevueTransfuge
25 août 2021
Comme dans Les Forêts de Ravel et Deux remords de Claude Monet, Michel Bernard reconstitue admirablement le climat artistique et intellectuel de l’époque en imaginant la vie psychique de ses personnages.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
La nuit tombait lorsqu'ils quittèrent la table. Un halo vaporeux nimbait Ie rebord de la terrasse. Avant de rentrer à l'hôtel où le cocher devait les reconduire, Mme Dewavrin souhaita voir les lumières de Paris. Ils traversèrent le parc. Le bruit du gravier dans la pénombre tiède était cristallin. Les bêtes frémissaient à l'approche de leur maître. Les arbres se détachaient contre l'horizon, le dessin de leurs feuilles comme agrandi. Il faisait bon.

À leurs pieds, Paris était un incendie contenu par les grands lacs des forêts. Rodin désignait remplacement des principaux monuments, là où se trouvaient ses ateliers, où il avait conçu telle ou telle œuvre, où il avait habité, où il avait grandi, où il était né. Léontine Dewavrin prit son fils par le bras. Il se souviendrait. Rien n’égalerait ce legs qu'il devait à son père.

Revenant vers la carriole stationnée près de la maison, prête à partir, elle sentit une présence. Elle s'arrêta, se tourna de côté et vit l'énorme et sombre silhouette du Balzac orientée vers Paris. La lune s'était levée, les ombres jouaient avec les ombres. Frappée de stupeur, elle se figea. Jamais visage ne lui avait paru plus humain, plus vivant. Surgi de la nuit, il les regardait, et le monde derrière eux.
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Le maire commençait à parler de l'objet de sa visite quand le ragoût de bœuf fut servi. La municipalité souhaitait rendre hommage à Eustache de Saint-Pierre, principal échevin de Calais à l'époque où la ville était assiégée par les Anglais, au début de la guerre de Cent Ans. De septembre 1346 à août 1347, le siège avait été long et cruel.

À bout de ressources, sans espoir de secours, on capitula. Le roi d'Angleterre, Edouard III, avait promis d’épargner les habitants et leurs biens à condition que les clés des portes lui soient livrées par une délégation de bourgeois en chemise, pieds nus et la corde au cou. À sa merci. Eustache s'était offert le premier, cinq autres notables l'avaient imité. L’Anglais était si furieux de la longue et opiniâtre résistance des Calaisiens que, sans l'intercession de la reine d'Angleterre, Philippa de Hainaut, enceinte, les otages auraient été pendus à la première grosse branche pour satisfaire la troupe et intimider la population. Les six bourgeois, qui ne pouvaient guère en douter, s’étaient quand même portés volontaires. La mémoire de cet épisode héroïque était soigneusement entretenue. Les Calaisiens en étaient fiers, elle donnait à leur ville une place d'honneur dans l'histoire nationale. Par surcroît, elle n’était pas désobligeante pour les voisins anglais qu'on accueillait en nombre dans les hôtels et les restaurants de la ville : leur reine avait été miséricordieuse et leur roi, magnanime.
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Léontine aimait son mari, mais, même à vingt ans, elle n’aurait osé prétendre que son visage était séduisant. De la force, de l'énergie, de l’autorité, de la franchise, tant qu'on voudrait, et même de la bonté, mais de la beauté... Or, pour la première fois, en buvant la coupe de champagne qui fêtait le buste flambant neuf et son auteur, elle le trouvait beau, vraiment beau. La chair richement nourrie qui empâtait le cou, le menton et les joues, le nez busqué, les arcades sourcilières prononcées, la moustache gauloise, tout ce qui était la rude apparence d’Omer était anobli par le dur et vif éclat du métal. L'homme qu’elle avait épousé avait sur les épaules une tête de seigneur. Grâce à ces quinze livres de métal, la tête d'un homme, et le nom qui lui était attaché, le sien depuis son mariage, celui transmis à ses enfants, survivraient au siècle. Le visage de son mari durerait plus que la maison qui le contenait, plus que toutes celles alignées derrière les dunes, plus que la digue qui avançait sa pointe dans la mer. Sur l'encolure de la veste était gravé «A. Rodin», un viatique avec lequel Omer Dewavrin commençait son voyage dans l'avenir.
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L'autre figure l'avait fasciné. Il n'avait pas trouvé le rapport entre le titre annoncé pompeusement par le sculpteur, "l'Age d'Airain", et le jeune homme vigoureux et gracile qui se dressait devant lui mais cela lui était apparu sans importance. Il n'aurait su dire ce qui, du dessin des bras et des mains, de la position des jambes, de la flexion du cou, de la jeunesse méditative du visage, l'émouvait le plus. L'œuvre était la perfection même. Elle avait atteint en lui une région qu'il croyait hors de portée des choses de l'art. Bouleversé, émerveillé, il avait baissé les yeux devant cette figuration du corps masculin, cet objet de plâtre sans regard, alors qu'il était parvenu à les maintenir sur la chair frissonnante de la belle Italienne. Rodin lui avait dit que le premier titre était "Le Guerrier blessé" et que le personnage s'appuyait sur une lance, finalement retirée. Omer Dewavrin trouvait dans ce motif caché une raison à sa tendresse.

page 34
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La nuit était sur la mer. Des points lumineux signalaient des navires et, au nord, plus vif, plus ample, le phare du cap Gris-Nez. Omer Dewavrin s'était levé. Accoudé à la balustrade, il tirait de son cigare les dernières bouffées avant de rentrer. De sa vie, tout était en place. Elle finirait devant ce paysage. On entendait le ressac ; de l’intérieur de la maison venaient les voix de sa femme et d'un des garçons, derniers mots avant le coucher. Le train de Paris, chargé d'Anglais, siffla en longeant Wimereux. Ils seraient à l'heure pour la malle de Douvres. Le port neuf de Calais avait beaucoup augmenté son trafic. Il embauchait.

Le chien se redressa et vint appuyer sa tête contre la jambe de son maître. La fatigue, la douceur de l'air, son parfum salé, la chaleur de l'animal ; il y avait longtemps qu il ne s'était senti si heureux d'être vivant, si tranquille. Il rentra, ferma les volets, la croisée et tira le rideau. Demain, le soleil levant allongerait devant la poste de Calais six figures de bronze qui n'y seraient pas si Orner Dewavrin n avait existé.
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Videos de Michel Bernard (35) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Bernard
Deux remords de Claude Monet de Michel Bernard aux éditions La Table Ronde https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=103018&id_rubrique=12 • Les Bourgeois de Calais de Michel Bernard aux éditions de la Table Ronde
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