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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici une lecture décoiffante par celui qui se revendique être le père de la propagande. Entendez la manière de persuader quelqu'un d'adopter un comportement précis comme s'il lui était propre.

Son plus haut fait d'arme a consisté à persuader la femme américaine, nous sommes dans les années 1920, que fumer n'était pas vulgaire. A double titre, neveu de Sigmund Freud, il a utilisé les enseignements de la psychanalyse à ses fins. Lors d'un meeting, plusieurs jolies femmes ont fumé en rue devant les photographes et la presse. Une mode était lancée.

Bien sûr, le discours est daté. On y parle de propagande par la presse et par la radio, la télévision reste naissante. La place de la femme ferait hurler tous les défenseurs de "Me too" ou autres mouvements du genre, puisqu'au mieux Edward Bernays reconnaît à le femme le droit de compléter son mari (et il est bienvenu qu'elle suive des cours de cuisine…). Un exemple utilisé est édifiant : un grand financier se sépare de son bras droit car il divorce. Ce dernier se défend, mais cela regarde ma vie privée. Vous apprécierez la réponse : "Si tu n'es pas capable de remettre ta femme à sa place, les gens ne vont sûrement pas croire que tu sauras placer leur argent " ! Si si, je vous le dis.

Et les nègres sont des négros, le traducteur assurant qu'il s'agit de manière très dépréciative de désigner les gens de couleur (sic), comme si on ne s'en serait pas douté.

Mais, il n'en reste pas moins que j'ai trouvé cette lecture salutaire. Je ne connaissais pas du tout ce bonhomme et de lire comment déjà en 1920, on entendait uniquement manipuler les foules pour orienter délibérément les opinions et la démocratie dans un certain sens, cela fait froid dans le dos de penser qu'aujourd'hui, un siècle plus tard, toutes ces techniques ont été encore davantage affinées. Aujourd'hui, c'est ouvertement que les influenceurs manipulent et gagnent de l'argent, ce faisant, puisqu'ils font vendre, et qui s'en émeut ? Au contraire, qui n'en suit pas au moins un sur les multiples réseaux sociaux ?
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Il y a des thèmes dont on parle peu, à tort. La propagande est de ceux-là. Qu'est-ce que la propagande ? Pour Bernays, la propagande regroupe un ensemble de techniques visant à manipuler l'opinion publique pour « servir des intérêts particuliers ». Les intérêts particuliers dont il parle sont ceux d'un « gouvernement invisible » , une élite minoritaire qui influence les comportements du peuple pour satisfaire ses intérêts personnels et qui dirige véritablement le pays. Cette thématique a été plusieurs fois abordée dans ce blog, et en voici ici l'un des textes fondateurs. Qui sont les « faiseurs d'opinion » ?

Bernays justifie cette concentration des pouvoirs par le coût élevé que la promotion d'une idée ou d'un produit auprès de millions de personnes coûte cher... On peut surtout penser que la classe dirigeante sait s'unir pour préserver richesses et pouvoir dans le même camp.

Le « conseiller en relations publiques » (dont le terme semble avoir été inventé par Bernays), coordinateur de la propagande, se fait l'avocat d'une cause, qu'elle soit d'ordre privé ou public. Son rôle « consiste à amener le commanditaire (aussi bien une assemblée élue chargée de formuler des lois qu'un industriel fabriquant un produit commercial) à comprendre ce que souhaite l'opinion, et, dans l'autre sens, à expliciter pour l'opinion les objectifs du commanditaire. » le propagandiste oeuvre dans tous les domaines :

Certes, la propagande est omniprésente, et il cite quelques exemples, mais Bernays la qualifie également de nécessaire : pourquoi ? Concernant la propagande étatique, c'est parce que le peuple est obligé de déléguer les fonctions d'administration de la société à une minorité. Celle-ci fait donc appel aux services de propagandistes pour avoir l'adhésion de l'opinion publique dans les projets publics : la construction d'un hôpital, d'un aéroport, etc. Il insiste d'ailleurs sur le fait que les hommes politiques, pendant et après la campagne électorale, ne savent pas se faire aimer et écouter de leurs électeurs...

Mais il justifie moins la propagande venant des entreprises (ce que l'on appellerait aujourd'hui du lobbying), sauf implicitement par l'accroissement des ventes (et donc de la clientèle). « Dans le secteur industriel, l'idéal du conseiller en relations publiques sera d'éliminer la perte de temps et les frictions dues soit à ce que l'entreprise fait ou fabrique des choses dont le public ne veut pas, soit à ce que le public ne voit pas l'intérêt de ce qu'on lui propose. »

Mais en bon prince, Bernays vient nous expliquer que le conseiller en relations publiques respecte une éthique : rien que ça ! Il énonce même une sorte de code moral dans lequel le propagandiste ne servira pas un client que le propagandiste juge « malhonnête », et qu'il ne travaillera pas pour deux clients « dont les intérêts viendraient se heurter ». Même, « la sincérité doit être pour lui une règle d'or. »

Comment peut-on discerner le projet voué à une communauté, au commerce équitable, à la démocratie, du projet mené dans le seul but de faire prospérer une entreprise ? Dans quelle mesure faire prospérer une entreprise serait-il préjudiciable pour la population ? Dans quelle mesure faire vendre tel produit de consommation courante serait-il immoral ? Où se situe le délit si les propagandistes obtiennent l'assentiment discret d'une population ? Quelles sont les limites du code moral ? Justement, il n'y en a pas. le code moral, c'est la parole des conseillers en relations publiques contre celle des autres. Quelques règles déontologiques ont été dressées par le lobbying des lobbying, mais c'est davantage une façade de plus, à en juger par les méthodes recensées dans L'Industrie du mensonge de Stauber et Rampton qu'une loi contraignante.

[...] Bernays, fier d'être le neveu de Freud, se base sur la psychologie des foules pour influencer l'opinion. C'est par exemple en influençant les instances en lesquelles les peuples donnent leur confiance (les médecins pour le tabagisme des femmes) ou en créant des associations et des instances en apparence neutres qu'il atteint sa cible.

Curieusement, ce sont les éditions La Découverte, avec la collection (pardon, le « label ») Zones, qui se sont emparées de ce texte à la fois subversif et fondamental. Ces mêmes éditions ont gardé le fonds Maspero dont elles sont issues, mais dans un coin, dans une collection (oups, un label) séparée du catalogue La Découverte qui, lui, est bien moins subversif que celui de son prédécesseur. Les maquettes intérieures et extérieures de la collection (du label, décidément), pensées dans une volonté de faire correspondre la mise en page et l'esthétique à l'avant-gardisme des textes édités, sont d'ailleurs particulièrement moches ; le résultat est déplorable mais les textes sont intéressants ! Il existe un vide sidérant dans l'édition française des sciences humaines et politiques : comment ce texte, datant de 1928, n'a-t-il pas été publié avant 2007 ? Cette situation tient-elle de l'omerta, du présupposé désintérêt des lecteurs ou d'une corporation d'éditeurs frileux ? Les trois à la fois ? Même si l'édition indépendante s'attache à combler ce vide, notamment par le biais des traductions, des textes majeurs sont passés à la trappe en France.

Propaganda d'Edward bernays est saisissant de limpidité, même si quelques propos sont empreints de la langue de bois – en particulier lorsqu'il s'agit de légitimer l'existence de la propagande par un code déontologique. Toutefois, la structure du livre, divisée en courts chapitre, n'est pas très claire, et donne un ensemble décousu, mais à la limite qu'importe : on a bien compris les propos de Bernays.

À ceux qui refusent l'existence d'une élite organisée en vue de la conservation de leurs intérêts personnels, à ceux qui veulent croire que la théorie du complot est plus qu'une théorie, ce livre est fait pour eux ! Car quoi qu'on en dise, les mots ici jaillissent en toute transparence, même si Bernays se drappe parfois d'intentions louables et honnêtes ; les mots ici s'expriment au nom du gouvernement invisible qui n'a rien d'irréel.

Une question néanmoins subsiste : pourquoi Edward Bernays a-t-il publié ce livre ? Pourquoi diffuser cette “réalité”, au risque de faire soulever une rébellion ? Est-ce croire qu'il n'arrivera pas dans les mains “de la masse” qu'il qualifie volontiers d'un champ lexical péjoratif (« masse » ; « ménagères » ; « troupeau » ) ? Est-ce croire que, quand bien même il arrive dans nos mains, nous n'en ferions rien ?

[...] « En règle générale, cependant, toute propagande a ses partisans et ses détracteurs, aussi acharnés les uns que les autres à convaincre la majorité. »

Propagande, lobbying, think tank... Au fond, les organisations, quelle qu'en soit leur forme, luttent pour des intérêts qui leurs sont propres. La question est : à quelles instances accordons-nous une légitimité ? La réponse n'est pas unique, elle se décline différemment pour chacun d'entre nous. Comme le soulignent Stauber et Rampton, il n'y a pas de bon ou mauvais lobbying. Qu'en est-il alors ? Peut-être pourrions-nous commencer par discerner l'oeuvre des groupes de pression (quels arguments sont avancés ? par qui ? dans quels buts ?) ; et ensuite choisir quelles opérations de propagande on rejette, selon ses convictions propres (par le boycott ou la non-action/consommation), et celles auxquelles on adhère (en s'en faisant le porte-parole).

Lisez l'intégralité de la critique (avec citations) sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/propaganda-edward-bernays-a93067235
Lien : http://www.bibliolingus.fr/p..
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Un peu étonnée de certains avis qui jugent cet ouvrage daté ou basique. Pour moi, il reste plein d'enseignement. Au point que ce sera ma plus longue critique à ce jour!

Bien sûr, nous connaissons tous l'utilisation de la propagande dans la publicité. Si on analysait nos décisions d'achat, il y aurait sans doute moins de SUV dans nos villes. On sait bien que le choix d'une voiture n'est pas basé sur la raison, mais sur la psychologie, le rêve (ah, ces superbes carrosseries rutilantes dévorant des pistes immenses et des routes de montagne désertes...), ou encore, le désir d'épater le voisin.

Mais avons-nous toujours le réflexe de nous demander si les informations - qui nous submergent en permanence - sont choisies pour leur intérêt, ou pour nous influencer? de quand date la dernière pensée qui nous soit propre, qui ne soit pas la répétition (in)consciente d'une idée de quelqu'un d'autre?

C'est surtout le plan politique que ce livre est fort utile. D'abord parce qu'il pousse à s'interroger sur les fondements même du fonctionnement de notre société, sur l'impossibilité d'arriver à un consensus sur quasiment tous les sujets, et, au final, sur le fait que ce soit une toute petite caste auto-désignée qui oriente les décisions dans le sens qui lui convient le mieux. Tout simplement, parce qu'elle a les moyens financiers de faire de la propagande, c'est-à-dire au sens originel du terme, de propager des idées et des croyances. Qui la servent.

Bernays nous éclaire aussi sur le rôle de ce que l'on appelle les Relations Publiques. Qui ne sont pas seulement, comme on pourrait le penser, des communicants destinés à diffuser la parole de ceux qu'ils représentent. Non, pour lui, leur rôle va bien au-delà: la communication doit se faire dans les deux sens. Il est fondamental de "prendre la température", de faire remonter les idées et les désirs de la base. (Au passage, c'est ce qu'avait bien compris et appliqué l'équipe de campagne d'Obama, avec succès). Car le rôle de la masse est devenu incontournable: autrefois, les dirigeants faisaient ce qu'ils voulaient; de nos jours, ils ne peuvent plus aller contre une opinion défavorable. D'où le rôle fondamental de la propagande: préparer l'opinion à des idées.

Bien que Bernays ait écrit tout cela il y a près d'un siècle, ce qu'il nous dit sur l'incompréhension des politiques vis-à-vis des moyens de communication me semble toujours aussi vrai aujourd'hui: il n'est que de voir les piteuses tentatives de certains sur les réseaux sociaux...

Le rôle d'un homme d'Etat, nous dit Bernays en citant George-Bernard Shaw, est de formuler scientifiquement la volonté d'un peuple. Et Bernays de plaider pour des campagnes basées sur des programmes clairs et précis, des résultats concrets à atteindre. de quand date le dernier chez nous, des 101 propositions du candidat Miterrand? A quoi servent, fustige-t'il, ces shows à paillettes, ces discours grandiloquents, éclatants et bavards?

Bien sûr, certaines idées de Bernays nous seront étranges, repoussantes même. Il a parfois mis son talent au service de causes fort discutables. Et d'autres louables aussi, comme le dévoile Normand Baillargeon dans son excellente préface. le sujet n'est pas là: il est dans l'exposition simple des méthodes à utiliser pour promouvoir une idée. Rien que le petit chapitre consacré à la propagande au service de l'éducation mériterait une analyse à part. Celui sur l'art vaut aussi le détour: pour lui, les musées devraient décider de ce qui est beau. On peut en sourire, mais au vu du fonctionnement du marché de l'art, de la manière dont certains artistes deviennent des produits à la mode, le sourire devient rictus...

Au passage, et pour revenir sur le terrain de l'entreprise, Bernays explique un élément rarement mis en avant: si le public n'est pas monolithique dans ces opinions, les intérêts des marchands sont également en compétition. Tous se disputent le contenu du porte-monnaie du consommateur. Non seulement Panzani est en concurrence avec Barilla, mais il l'est aussi avec les producteurs de légumes. Ce point rarement évoqué (je l'ai entendu une seule fois dans la bouche d'un ancien patron du Medef) rend particulièrement complexe la mise au point d'un programme commun patronal. On peut s'en réjouir, mais aussi le déplorer, dans la mesure où ce qui reste de commun devient souvent simpliste, caricatural, ou pire, inefficace (exemple: le crédit d'impôt compétitivité).

Bref, un livre qui aide grandement à développer la pensée critique. A nous de nous demander lorsque nous recevons une info, d'où elle vient, et quels intérêts elle sert.
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Edward Bernays, père de la propagande moderne et neveu de Freud, exploite les théories de son oncle pour manipuler les foules. En tant que citoyens de pays démocratiques, notre opinion ne doit-elle pas être le fruit de notre raisonnement personnel? Rien n'est moins sûr... Cet ouvrage, écrit en 1928, prend encore tout son sens aujourd'hui. Il est donc (selon moi) à mettre entre toutes les mains!
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A lire de toute urgence ! Instructif et fort éclairant ! Ou comment la propagande est née (et s'est développée) dans une démocratie libérale... et non sous Hitler ! Et l'auteur démonte la machine, expose ses trucs et astuces pour en faire un véritable manuel de propagande.
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Concerne la version audio des éditions Sixtrid :
J'ai du mal à comprendre comment cet essai, oublié en 1928, n'a été traduit en français qu'en 2007, étant donné son intérêt manifeste… En effet, Edward Bernays y explique de manière complètement décomplexée comment il est facile de manipuler les foules. Déjà, juste avant le Krach boursier de 1929, les industriels utilisaient les mêmes techniques qu'aujourd'hui pour créer du besoin, et pousser à la consommation.
La voix très posée de Eric Herson-Macarel convient tout à fait à la découverte de cet essai, son intonation n'exprimant jamais son point de vue personnel sur la question, ce qui est plus qu'appréciable, car cela permet à chacun.e de se faire sa propre opinion.
J'ai été scotchée par la modernité de cet essai. Si je n'avais pas su avant ma lecture que ce texte date des années 20, j'aurais pu penser lire un livre écrit ces dernières années, si ce n'est peut-être le style de l'auteur, un peu daté… mais les propos avancés, les techniques évoquées pourraient parfaitement avoir été décrites de nos jours, car elles ont toujours cours…
Une des techniques de persuasion, de création de besoin, de « fabrication du consentement », mise en avant est le recours aux personnalités publiques, notamment les stars de cinéma, pour l'influence qu'elles ont sur la population lambda. Vous les voyez, nos influenceurs ? Et bien dans les années 20, Edward Bernays prônait déjà leur utilité !!! Internet n'a rien inventé^^
Je ne vais pas rentrer plus en détail dans les méthodes évoquées par l'auteur, mais je vais me répéter : Propaganda (comment manipuler l'opinion en démocratie) est un essai d'une incroyable modernité ! Il est très abordable, et très court (à peine plus de 4h). C'est un ouvrage que tout le monde devrait lire, pour mieux décrypter les méthodes de création de besoins, et je ne comprends toujours pas comment ce livre a pu si longtemps passer au dessous des radars !!!
J'ai reçu la version CD audio de ce livre dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Sixtrid. Merci à eux pour la confiance.
Lien : https://leslecturesdesophieb..
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LE livre de référence pour comprendre les mécanismes parfois mesquins de l'industrie de l'information et la manipulation des foules.
Découvert en 2013 pendant mes études de marketing, il m'a permit de comprendre et analyser la publicité et les messages fabriqués qui nous entourent et nous entrainent ...
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A lire, cité par Noam Chomsky
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