Le chiffre de 43 millions de morts [de la famine] figure dans un document chinois officiel que Tch'en Yi-Tseu, réfugié aux États-Unis et professeur à Princeton, a communiqué au Washington Post (voir Le Monde du 20 juillet 1994). Ce document estime à 80 millions le nombre de personnes mortes de « causes non naturelles », autrement dit du fait de la politique du régime, de 1949 à 1976, date de la disparition de Mao Tsé-Toung.
(Note, page 51)
La Chine est de plus en plus présente dans le monde, mais elle est en même temps comme absente. Nous n'entendons pas sa voix.
(Incipit)
[Le pouvoir] ne cesse de rappeler [aux chinois] les humiliations subies par leur pays du fait des puissances coloniales, il appelle à une restauration de la puissance nationale, réhabilitant implicitement au passage le passé impérial, justifiant par là le maintien de la forme traditionnelle du pouvoir. Il s'oppose ainsi, avec succès, au changement moral et politique. Il compte empêcher ce changement tout en modernisant l'économie chinoise, en lui assurant une place avantageuse dans l'économie mondiale – et se perpétuer grâce à cela.
(Page 131 [première version du texte en 1995, révision en 2006, réédition en 2016
Il n'y aura pas de rupture dans l'enchaînement actuel des causes et des effets tant que ceux qui sont contraints de vendre leur travail pour vivre, donc de se vendre eux-mêmes, ne mettront pas fin à cette dépendance et ne deviendront pas enfin, par cette décision, des citoyens libres de décider de leur sort et de déterminer ensemble, selon la raison, ce qu'ils produiront ou ne produiront pas, et selon quels procédés. Ce sera la fin de ce que nous appelons aujourd'hui "l'économie" puisque ces citoyens détermineront consciemment le "mouvement des choses".
Car la délibération des citoyens sur la production des biens n'ira pas sans une réflexion commune et continue sur les fins, sur notre existence et ses limites, bref sur notre humanité même - sur toutes ces questions fondamentales dont la raison économique nous a si funestement coupés et qui ont été posées en des temps plus anciens de façon si vive et profonde.
Nous vivons dans l'aliénation parce ce que nous ne reconnaissons pas dans le "mouvement des choses" l'effet de notre propre activité et que, par voie de conséquences, c'est le mouvement des choses qui "nous mène".
Ce n'est pas un acte anodin de la part de Teng Siao-p'ing que d'avoir appelé les Chinois à montrer leur patriotisme en reconstruisant la Grande muraille. La Chine est censée constituer un monde à part et se suffisant à elle-même. A cette vision correspond l'attitude que l'on voit souvent le gouvernement chinois adopter : la Chine n'a de compte à rendre à personne.
Il ne va pas non plus de soi que l'on puisse saisir le présent tout entier comme un moment de l'histoire. Sur ce point, je me suis laissé guider par une idée que Hegel a conçue et que Marx a reprise à son compte, celle de la totalité. Elle invite à appréhender le monde comme un tout qui ne cesse de se transformer, qui est intelligible à partir de la transformation à l’œuvre en lui et ne l'est que de cette façon-là, en tant que tout et en tant que transformation.