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Citations sur Perspective(s) (109)

Or, dans le triste monde où nous vivons, neuf cents sur mille vivent comme des moutons, la tête penchée vers la terre, pleins de folie et de mauvaises pensées, pendant qu’une poignée achète le Ciel en profitant du travail des autres. Si vous observez la conduite des hommes, vous verrez que tous les plus riches et les plus puissants n’ont réussi que par la fraude ou par la force ; vous verrez qu’ils cachent ensuite la turpitude de leur conquête sous le nom de gain, légitimant ce qu’ils ont usurpé par la tromperie ou la violence. Ceux qui, par manque de prudence ou par excès de sottise, se refusent à ces méthodes s’enlisent dans l’asservissement et l’indigence. Les serviteurs fidèles restent des serviteurs et les hommes bons des miséreux.
J’en entends certains qui crient à la République. Mais pour quoi faire, la République, si le pouvoir est aux mains de quelques-uns, au détriment de tous les autres ? Voulez-vous à nouveau jouer la comédie de la Seigneurie, avec ses prieurs et ses fèves tirées au sort dans des bourses d’où sortaient toujours les mêmes noms ? Croyez-vous que les Strozzi, s’ils revenaient, vous défendraient ? Peu nous chaut d’être gouvernés par un seul ou par plusieurs. Ce que nous voulons n’est pas la République mais la justice, qui est l’autre nom de la République pour tous.
Certains encore, parmi les plus résignés, aspirent au royaume de Dieu, plaçant leur espérance dans leur vie céleste pour se consoler de leur misère terrestre. Mais ce que nous voulons n’est pas le paradis pour après notre mort. Nous voulons le royaume de Dieu sur terre, ici et maintenant, à Florence, en l’an de grâce 1557.
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Le moine Savonarole n'avait pas seulement tué la beauté en intimant à Botticelli de brûler ses toiles. Il avait épuisé le goût de l'idéal en réduisant l'idéalisme à son fanatisme borné.
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Dieu, Madame, doit vous aimer beaucoup puisqu'il m'a mis sur votre chemin.
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La cervelle des jeunes gens est comme du sable. On s'y enfonce en voulant la pénétrer.
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Que m'importent vos histoires de banquets, de joueurs de flûte, de vieillards aux oubliettes ou d'épouse réformée ? Le mari peut bien manger sa femme en ragoût si ça lui chante ! la peste soit de cette famille ! Le duc d'este et son fils vous ont semblé dégénérés ? La belle affaire. Êtes-vous donc le seul à ignorer que la mère du Duc était Lucrèce la putain, fille du Borgia ?
Giorgio Vasari à Vincenzi Borghini . 113
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Michel-Ange à Bronzino. Notre temps a passé, Agnolo, même le mien. Les flatteries dont m'accable le Duc ne sont en réalité que des oraisons funèbres....Le temps ne rendra justice à personne. Les hommes de demain ne vaudront pas mieux que ceux d'aujourd'hui. Tout sera détruit. Pour finir, il ne restera que cendres et ruines. Pontormo l'avait compris. 288.
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Après tout, il n'y a qu'une seule chose noble ici bas, et c'est le dessin. L'homme, lui, n'est qu'une tache qui pâlit sur un mur.
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Ainsi, comme Léonard et comme vous dans la salle du Conseil, je laisserai mes fresques inachevées, qui connaîtront le même destin. La peinture est un coton gratté de l’enfer qui dure peu. Qu’importe ! C’est ainsi. Je n’ai plus qu’un seul désir avant de mourir : que le divin Michel-Ange pose les yeux sur elles. Vous seul, entre tous, comprenez absolument de quoi il retourne : surpasser la nature en voulant donner de l’esprit à une figure et la faire paraître vivante en la faisant plate.
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Vous devez comprendre, vous qui ne reculez pas devant les plus grandes commandes et qui, en conséquence, savez de quelles souffrances et angoisses se paient nos ambitions, l’état d’épuisement qui est le mien depuis dix ans que j’ai accepté ce chantier de Saint-Pierre. Plus je m’acharne sur cette coupole qui m’aura donné tant de tracas, plus je tends à vous donner raison sur ce qui fut la révélation de votre mésaventure chez l’infortuné Bacchiacca : Brunelleschi est le plus grand génie que l’Italie ait jamais enfanté, que l’Europe ait jamais connu. Ma coupole à double coque a seize pans intérieurs et seize pans extérieurs, qu’en dites-vous ! Voilà qui n’est pas une mince affaire, n’est-ce pas ? Sans doute est-elle plus solide que la sienne, mais sans la sienne, la mienne n’aurait jamais existé, même pas dans mes rêves. (…)
Brunelleschi découvrant les lois de la perspective, c’est Prométhée volant le feu à Dieu pour le donner aux hommes. Grâce à lui, nous avons pu, non pas seulement enluminer des murs comme jadis Giotto avec ses doigts d’or, mais reproduire le monde tel qu’il est, à l’identique. Et c’est ainsi que le peintre a pu se croire l’égal de Dieu : désormais, nous pouvions, nous aussi, créer le réel. Et c’est ensuite que nous avons tenté, pauvres pécheurs que nous sommes, de surpasser notre Seigneur. Nous pouvions copier le monde aussi fidèlement que si nous l’avions façonné nous-mêmes, mais cela ne suffisait pas à étancher notre soif de création, car notre ambition d’artistes, enivrés de ce nouveau pouvoir, ne connaissait plus de limite. Nous avons voulu peindre le monde à notre manière. Nous n’avons pas seulement voulu rivaliser avec Dieu, mais nous avons voulu modifier son œuvre, en redessinant le monde à notre convenance. Nous avons tordu la perspective, nous l’avons délaissée, nous avons effacé les sols à damier de nos prédécesseurs pour faire flotter nos personnages dans l’éther, nous avons joué avec elle comme un chien avec sa balle ou comme un chat agace le cadavre d’un petit moineau qu’il a tué lui-même. Nous nous en sommes détournés. Nous l’avons méprisée. Mais nous ne l’avons jamais oubliée.
Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l’infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L’homme d’aplomb, enfin à sa taille, ayant trouvé sa place dans l’espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L’image de l’infini sur terre, voilà ce que, bien loin d’avoir corseté l’imagination des artistes, la perspective artificielle nous a accordé. L’image, seulement, oui bien sûr… en réalité, nous ne pouvions prétendre égaler le Dieu créateur, mais nous pouvions, mieux que les prêtres, porter sa parole au travers d’images muettes ou de statues de pierre. Peintres, sculpteurs, architectes : l’artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l’idée de Dieu, qui est précisément l’infini, cette chose impensable, inconcevable. Et pourtant… Impensable, oui, mais pas irreprésentable. C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l’axe du cône visuel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt. La perspective, c’est l’infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d’infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d’optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. Permettre à l’œil de transpercer les murs. Cette voûte en demi-cintre à Santa Maria Novella, tracée en perspective, divisée en caissons ornés de rosaces, qui vont en diminuant, en sorte qu’on dirait que la voûte s’enfonce dans le mur : trompe-l’œil, illusion sans doute, mais quelle merveille ! Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ? Eh bien soit, mais plus encore ! Un tableau n’est pas seulement, comme le pensait Alberti, une fenêtre à travers laquelle nous regardons une section du monde visible. Ou bien peut-être n’est-il que cela, en effet, mais alors, n’a-t-on pas déjà là un miracle suffisant pour attester son essence divine ? Nous sommes les fenêtres de Dieu. Voilà ce que nous sommes. Certes, celui qui outrepasse le rôle qui lui a été dévolu ici-bas commet un péché, mais celui qui esquive sa tâche et se défausse ou prend la chose à la légère ne pèche pas moins, et c’est pourquoi nous ne devons pas mésestimer nos œuvres mais au contraire les respecter, en prendre soin et les défendre contre quiconque. Les nôtres et celles des autres, quand elles en valent la peine.
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Sans les avoir vues, je suis certain que les fresques de Pontormo doivent être préservées à tout prix, car elles défendent une idée de l’art et du divin que je nous sais partager. L’idée, mon cher Bronzino ! Vous et moi savons qu’il n’y a rien de plus haut. C’est pourquoi je ne doute pas que vous saurez, mieux que personne et aussi bien que moi-même, être fidèle à celle de votre maître, en achevant son œuvre dans l’esprit qui était le sien. Cela faisant, vous prendrez part à la bataille que nous livrons contre des puissances bien obscures, et vous exposerez à de terribles dangers, car nos ennemis grimpent vers nous comme des araignées. À Rome, je crains chaque jour pour ma Sixtine et j’en viens à me demander si je ne dois pas laisser le pauvre Volterra voiler mes nus, comme un moindre mal, pour ne pas risquer la destruction du tout. En réalité, j’en suis même à souhaiter ma propre mort, pour ne pas voir ce qu’il adviendra de mon œuvre, car je n’ai plus guère de doute sur le fait qu’elle ne me survivra pas longtemps.
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