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sur 766 notes
1er janvier 1557. le peintre Jacopo da Pontormo a été retrouvé assassiné «  un ciseau fiché dans le coeur » au pied de la fresque sur laquelle il travaillait dans la chapelle majeure de San Lorenzo, au service du duc de Florence. Celui-ci confie l'enquête à son homme à tout faire, Giorgio Vasari ( peintre, architecte, historien de l'art ).

Qui a tué Pontormo ? Laurent Binet reprend les codes du classique whodunit et s'amuse comme un fou dans ce savoureux jeu de dupes : tout le monde est suspect, avec un large spectre sociologique allant de l'ouvrier broyeur de couleurs protomarxiste à la rigoriste dévote duchesse, en passant par une floppée de peintres à l'affût de reconnaissance et même, un improbable duo de nonnes savonarolistes abhorrant ces derniers, « sodomistes dégénérés aux moeurs bestiales dont l'âme doit rôtir en enfer ».

Et il s'amuse d'emblée avec une délectable préface, pastiche stendahlien de celle de la Duchesse de Palliano. Et puis, c'est parti pour un polar épistolaire composé de 176 lettres datées du 1er janvier 1557 au 10 août 1558. Rien de moins qu'une vingtaine d'épistoliers qui s'écrivent comme on le fait aujourd'hui sur un groupe WhatsApp, non-stop … procédé idéal pour démultiplier les narrateurs et donc les versions des faits, ce qui place le lecteur direct au centre de l'enquête car il sait qu'il ne peut faire confiance à personne, que derrière le « je » de chaque épistolier peut se cacher un mensonge. Chaque lettre est remplie de chausse-trappes, de conspirations, d'intrigues, de ruses et d'alliances cachées.

On se régale à chercher le coupable dans une Renaissance italienne propice à stimuler l'imagination. Laurent Binet reprend la méthode Alexandre Dumas concevant ses Trois mousquetaires : intégrer son récit dans le contexte historique réel, puis s'insérer dans ses silences pour construire une histoire fictive la plus plausible possible à partir de personnages quasi tous historiques.

C'est très érudit mais sans qu'on voit les coutures. On apprend plein de choses, l'air de rien, sur l'époque : la onzième des guerres italiennes, un pape Paul IV ancien inquisiteur s'alliant aux Français contre les Habsbourgs d'Espagne, une Catherine de Médicis qui rêve de reprendre le duché de Florence des mains de son cousin en s'alliant avec le républicain Strozzi. Et une Contre-Réforme catholique rigoriste et prude condamnant la nudité en peinture au point que Michel-Ange galère à imposer ses fresque de la Chapelle Sixtine.

Les protagonistes épistoliers sont tous excellemment campés, avec un humour souvent ironique voire cynique qui fait mouche. J'ai particulièrement adoré la correspondance très Liaisons dangereuses entre Maria de Médicis ( fille du duc de Florence, pauvre pion naïvement amoureux à la Cécile de Volanges ) et sa machiavélique cousine Catherine, version royale de Mme de Merteuil ). Et évidemment, le truculent orfèvre sculpteur Benvenuto Cellini, aventurier à la Casanova qui traverse les lettres avec un aplomb et un sens de la survie assez exceptionnel.

Bref, je me suis éclatée avec ce divertissement érudit haut de gamme. Et me serais encore plus régalée si l'auteur avait singularisé les façons d'écrire des épistoliers. le narrateur de la préface le dit bien ( il a retrouvé cette liasse de lettres chez un brocanteur d'Arezzo et les a lui-même traduite du toscan, s'excusant à l'avance tournures choisies ), cela aurait été encore plus savoureux si le duc de Florence ne s'exprimait pas de la même manière que l'ouvrier artisan ou la candide jeune fille de dix-sept de la même façon qu'une vieille nonne se prenant pour sainte Catherine de Sienne.


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La censure de la nudité artistique n'est pas une nouveauté, preuve en est ce tout dernier roman de Lauret Binet, un polar historique épistolaire qui nous projette de plain-pied dans la Florence de la Renaissance, en une Italie dont l'effervescence artistique côtoie les déchirements politiques.


En 1557, tandis que la onzième guerre d'Italie place plus que jamais la péninsule au coeur de l'affrontement entre la France et l'Espagne, le pape Paul IV à Rome et le duc Cosimo de Médicis à Florence ont fort à faire pour espérer tirer leur épingle des luttes politiques en cours. Dans ce contexte de crise mais aussi de brassage d'idées – artistiques avec la récente découverte de la perspective en peinture, ou idéologiques avec notamment l'émergence de concepts républicains mais aussi la trace laissée par les prédications de Savonarole –, tout se fait enjeu de pouvoir et objet de sombres manipulations. Surfant sur la polémique née des exigences papales d'habiller de voiles les nus « impies et obscènes » de Michel-Ange, voilà qu'on a osé peintre un nu lascif affublé du visage de Marie de Médicis, le fille du duc de Florence. Au même moment, l'infamant tableau étant déjà devenu l'enjeu d'un combat politique, Pontormo, qu'on savait déjà torturé par la prévisible condamnation des fresques très dénudées, qu'après onze ans d'un travail titanesque, il s'apprêtait à achever, est retrouvé mort au pied de son grand oeuvre, un poinçon en plein coeur. Soucieux d'identifier le meurtrier et, peut-être plus encore, de récupérer l'odieux et vexant tableau, Cosimo de Médicis charge Giorgio Vasari, peintre lui aussi en même temps qu'homme de confiance, de mener une double enquête.


Sur la toile de fond solidement tissée de leur contexte historique, Laurent Binet s'empare des points d'interrogation de l'Histoire pour camper, sous un format original, un récit réjouissant et addictif. Des fresques dont Pontormo avait revêtu la chapelle San Lorenzo à Florence ne nous sont parvenus que leurs cartons préparatoires. de la mort du peintre, l'on ne sait rien, même pas précisément la date. Quant à Marie, la fille aînée de Cosimo de Médicis, sa disparition à dix-sept ans est restée l'objet de diverses légendes peu vérifiables. Il n'en faut pas plus à l'écrivain pour nourrir une fiction aussi récréative qu'édifiante, truffée de clins d'oeil, tant à la littérature lorsque sa Catherine de Médicis se prend des airs de Madame de Merteuil, qu'à un certain monde contemporain criant à la pornographie devant le David de Michel-Ange. Rétrospectivement heureux de savoir les fresques de la chapelle Sixtine sauves, l'on en vient à s'affliger de la disparition de celles de Pontormo, peut-être en effet aussi sublimes. Surtout, l'on se régale de cette intrigue pleine de rebondissements et de suspense qui se laisse découvrir au long des pointillés chronologiques laissés par un paquet de 176 lettres échangées, avec toutes les tournures de l'époque, par une vingtaine de protagonistes. le seul, contrairement aux auteurs des missives, à avoir accès à toutes, le lecteur, dans sa position ex machina, se retrouve en situation de rire – ou de frémir – des tâtonnements, erreurs et quiproquos dans lesquels, avec une malice jubilatoire, l'écrivain s'amuse à égarer les personnages.


Erudite, bien écrite, drôle, cette gourmandise historique s'assortit d'autant d'intelligence que de fantaisie, pour la défense des peintres et des artistes, à commencer par ceux de la Renaissance, contre la censure de tout poil. « La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini » « Nous sommes les fenêtres de Dieu. » « C'est pourquoi nous ne devons pas mésestimer nos oeuvres mais au contraire les respecter, en prendre soin et les défendre contre quiconque. Les nôtres et celles des autres, quand elles en valent la peine. » Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Pour les nostalgiques du timbre : un polar épistolaire.
On se calme les philatélistes à double vitrage, je sais qu'en 1557 à Florence, on ne léchait pas encore le timbre-poste comme un sorbet citron, et que c'est à dada que les correspondances partaient en recommandé avec un trait d'arbalète comme accusé de réception.
Laurent Binet, rarement épargné par la critique, a le mérite d'explorer des genres littéraires différents et même d'en inventer certains. Il avait ainsi imaginé dans « Civilizations », des Incas envahissant l'Europe suite à une panne de GPS de Christophe Colomb, il avait rendu presque trépidante la campagne de François Hollande en 2012, ce qui relevait de l'exploit, dans « Rien ne se passe comme prévu », coécrit un « dictionnaire amoureux du tennis » et comploté autour de la mort de Roland Barthes dans « La septième fonction du langage ». Ma préférence va à son « HHhH » qui retrace l'histoire de deux parachutistes chargés d'assassiner en 1942, Reinhard Heydrich, dont le CV mentionnait la planification de la solution finale et la direction de la Gestapo.
Dans Perspective(s), un peintre, Pontormo, est retrouvé en petite forme, dans la mesure où il est mort, un ciseau planté dans le coeur devant la fresque monumentale qu'il réalisait sur commande du duc de Florence. Comme ce dernier est un Médicis, famille portée sur la conspiration, les vases et l'herboristerie, il charge Giorgio Vasari, premier historien d'art, peintre, architecte, écrivain et sorte de Machiavel Toscan du pinceau de trouver un coupable.
Ce crime va permettre à une vingtaine de personnages plus ou moins illustres, de correspondre discrètement sur l'enquête, de répandre des rumeurs, de comploter, de pleurer sur leur sort, de suspecter tout le monde, de s'allier au gré des circonstances et des opportunités politiques. Sans le savoir, ils inventaient les groupes Whatsapp !
Parmi eux, excusez du peu : une Catherine de Médicis qui n'a pas l'esprit de famille et un Michel-Ange fatigué de lever la tête et le doigt et dont l'âge change les perspectives.
Au-delà de l'intrigue, originale et bien ficelée, Laurent Binet oppose habilement les pouvoirs temporels et spirituels à travers la représentation du nu dans les peintures religieuses. ll s'intéresse aussi à la politique, à la condition féminine de l'époque et à ces artistes officiels, intermittents de l'audace, dont la créativité était bridée par des clients qui étaient vraiment des rois ou des commerciaux zélés de Dieu.
Le roman est foisonnant, documenté et très habile dans la construction, mais j'ai trouvé certains passages un peu ennuyeux et redondant.
Mon principal reproche à l'auteur est de n'avoir pas fait le choix de distinguer les personnages dans l'écriture. Pourquoi choisir le roman épistolaire si tous les protagonistes s'expriment de la même façon ? Reine, voleur, nonne ou peintre, partagent ici la même rhétorique soignée. Correspondance de clones.
Néanmoins, j'ai trouvé cette lecture divertissante et sans atteindre la magie perverse des « Liaisons dangereuses », cette histoire m'a donné envie de revoir Florence et d'envoyer des cartes postales.
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Savoureux ! Truculent !
De par sa splendide couverture, sa forme et son style, Perspective(s) est un coup de coeur.
Un roman foisonnant, bouillonnant, de nombreuses perspectives s'offrent à nous.
Florence, les Médicis et ces enfants terribles que sont les peintres.
Pontormo est retrouvé mort, sa fresque est saccagée et un tableau qui déshonore la fille du Duc est trouvé. Cosimo de Médicis doit trouver le coupable car : « Un prince dans le noir est un prince en sursis ».
Va s'ensuivre un incroyable échange de 176 lettres équivoques. Tout le monde y va de ses doutes, de ses hypothèses, de ses commérages, de ses secrets.
L'auteur a pris des risques car lisant un extrait j'ai eu des doutes sur la qualité du texte mais dès le début il s'explique :
« Toutefois, s'il voit des fautes, ou s'il s'étonne d'une expression triviale, que le lecteur ait la bonté de penser qu'elles ne sont peut-être pas de mon fait, ou bien qu'elles sont volontaires, car il s'agissait aussi de rendre lisible une correspondance du XVIème siècle toscan au lecteur français d'aujourd'hui, sans doute peu familier d'une époque lointaine et, j'ose le dire, trop oubliée. »
nous voilà avertis.
Alors tenons-nous prêt à toute éventualité et découvrons une époque, une société, des suspects et un coupable.
Merci aux éditons Grasset.
#Perspectives#NetGalleyFrance
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Le peintre Pontormo a été tué, ce qui, pour un thriller, n'a rien d'original. Dans la Florence de Cosimo de Médicis, d'ailleurs, tout le monde s'en fout.
Pour la forme, et sans perspective de résolution, ce dernier charge Vasari, le père de l'histoire de l'art, d'élucider, non pas le meurtre mais le lieu où se trouve un dernier tableau du peintre : Cupidon et Vénus, déjà peint par Michel-Ange, donc presque recopié (je sais, c'est pas beau de copier) sauf le petit pied de Cupidon ce gredin, juste sur le sexe de Vénus. Et, surtout, la tête de Marie de Médicis, peinte sur la gorge de Vénus dont elle n'a rien à envier, de toute façon, côté s'envoyer en l'air. Non, non, cette Marie délurée n'est pas celle qui fut reine de France, c'est la fille de Cosimo, ou Cosme 1er, duc de Florence.
Scandale en vue, puisque l'inquisition a mis fin aux années de licence où les nus ne choquaient pas. Les lettres s'échangent bon train, entre les peintres, Michel-Ange et Vasari, qui reproche à Pontormo de ne pas tenir compte de la perspective. Eh oui, la perspective, découverte pas Brunelleschi, l'architecte du génial dôme de Santa Maria del Fiore de Florence, peint par Vasari.
Vasari en rajoute une couche : la fresque endommagée avant le meurtre était atroce. Il ne se réjouit pas du tout de la mort de ce mauvais peintre, n'est-ce pas, il note, tout simplement, d'ailleurs, c'est son job.
Maria, dont la tête remplace celle de Vénus, écrit à sa tante Catherine de Médicis, reine de France, pour lui dévoiler ce qui l'est de toute façon. Cette dernière, obligée (si tant est que beaucoup de femmes choisissent) de vivre en polygamie avec Diane de Poitiers, délaissée par son époux le roi Henri II en faveur de sa « putain » (dixit la reine), et par ailleurs voulant affaiblir son cousin Cosme, demande à Piero Strozzi, son autre cousin, de s'emparer du tableau… pour le diffuser à partir de Venise dans toute l'Italie.
Car elle hait ce Cosme qui prétend s'emparer de la Toscane, faisant ainsi de l'ombre au pouvoir de Philippe II d'Espagne, fils de Charles Quint, et de Henri II de France, fils de François 1er.

La mort de ce mauvais peintre n'est pas seulement sans intérêt : elle apparait aussi comme plus que souhaitable, y compris par les âmes pieuses : les soeurs du couvent San Vincenzo se réjouissent de la mort du sodomite, et de plus protestant. Nous, lecteurs, comprenons bien que ces deux tares rendent gloire à l'assassin (que personne ne recherche) et, subsidiairement, à Dieu. Éléonore de Tolède, épouse de Cosme, prude comme une espagnole, puisqu'elle l'est, écrit au pape «  la mort providentielle, (de Pontorno) certes advenue dans des circonstances regrettables »
Circonstances regrettables ! Sa fille ! si le tableau honteux apparaissait, le mariage de Maria avec le fils du duc de Ferrare pourrait être remis en cause. Elle sait parfaitement que ce rejeton a très mauvaise réputation, « castrat doublé d'une brute » reconnait-elle, mais il faut vendre.
Pour Catherine de Médicis, le sort donné à cette idiote constitue une aubaine, et subtilement elle lui présente la condition des femmes à la manière islamiste : « Vous souffrirez en silence les caprices de votre maitre, ses emportements et ses infidélités, et si dieu le veut, il vous traitera bien, quoique ce qu'on me dit du caractère du jeune prince ne m'incline pas trop en faveur de cette hypothèse. »
En termes clairs, faites des folies de votre corps au lieu de vous enterrer dans le mariage. Ce que Maria, fera, se précipitant dans une histoire d'amour avec un page, jusqu'à être enceinte.
Autre scandale en vue.
Et Vasari commente : « Quant à la fille, je crois comprendre que le trésor de sa virginité n'est plus à prendre, ce qui, en un sens, lui ôte un poids, en même temps qu'une partie de sa valeur. »

Si ce roman, sous forme de lettres cyniques écrites de l'un à l'autre, se bornait à nous donner un aperçu de la vie à Florence, à nous faire sourire devant les ragots et les hypocrisies multiples, à nous faire peur avec les trois puissances prêtes à entrer en guerre pour le pouvoir, sans compter le pape pro inquisition « ennemi juré des protestant, des juifs, des artistes et des livres » qui se rapproche de l'Espagne, et retient Michel-Ange prisonnier à Rome pour terminer la chapelle Sixtine, je crois que nous n'aurions compris qu'un dixième du message de Laurent Binet.
Car l'auteur, avec une connaissance parfaite de la Florence de 1557, évoque le concile tenu à Trente , où il s'agissait de se dédouaner des thèses de Luther, la crue de l'Arno, l'importance de la perspective, qui, pour Michel-Ange, en donnant de la profondeur, ouvre les portes de l'infini, ce qu'aucun prêtre ne peut prétendre. On peut « voir au-delà » grâce à la perspective.
N'oublions pas le « s » du titre, les points de vue différents à la faveur d'un meurtre, sur la religion protestante, sur l'art en général, et sur Florence après la fin du Moyen-âge.
Et l'humour toujours présent.
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Voiler les nus, ah la belle affaire ! Depuis qu'un certain moine est passé par là, même Michel-Ange craint qu'on rhabille ses nus de la Chapelle Sixtine, pire qu'on détruise son oeuvre pour plaire au pape et à la duchesse de Médicis. N'a-t-on pas assassiné le Pontormo pour sa fresque de l'église San Lorenzo avec ses nudités jugées choquantes, à moins que ce soit pour le portrait de Marie de Médicis la représentant dans une pose lascive et dénudée ? D'ailleurs qui a tué le vieux peintre ? Vasari, chargé de l'enquête par Cosme de Médicis, parviendra-t-il à démêler cette sombre affaire ? Certains diraient, et ils ne se tromperaient pas, que c'est difficile à dire...

Que de « Perspectives » ouvertes sur la vie florentine de la Renaissance, avec ses acteurs majeurs, politiques autant qu'artistes et religieux, qui tentent, parfois avec succès, de servir leurs ambitions. Parmi eux des hommes de grand talent doivent batailler pour survivre, et finalement y parviennent puisque l'histoire a retenu leur nom à travers les siècles, et le retiendra probablement pendant longtemps encore. Une idée, parmi d'autres, que semble-t-il Laurent Binet, par le biais d'une correspondance presque digne de celle que nous proposa Choderlos de Laclos, voulait faire passer. C'est en tous cas avec une certaine ironie et adresse que ses « Perspectives » nous rappellent que fort heureusement, à Florence comme ailleurs, les pouvoirs temporel et séculier, malgré toutes leurs tentatives, ont souvent échoué à empêcher la pérennité des oeuvres d'art et du beau.
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Meurtre à Florence !

Le nom de Laurent Binet et la forme du polar historique épistolaire m'ont fait de l'oeil. Je me suis laissé tenter et je ne l'ai pas regretté : j'ai passé un excellent moment !

Les missives échangées par les membres de la famille Médicis, les artistes Vasari, Michel-Ange et Bronzino, leurs proches, des soeurs adeptes des idées de Savonarole et même le pape Paul IV entremêlent plusieurs fils d'intrigue à partir d'un drame : le peintre Pontorno est retrouvé mort dans la chapelle de San Lorenzo où il travaillait depuis onze ans à une fresque qui devait rivaliser avec la Sixtine. Chargé par Cosimo de Médicis d'éclaircir l'affaire et de gérer les répercussions, Giorgio Vasari va avoir fort à faire. Car en ce milieu du XVIe siècle, Florence est la ville de toutes les passions…

« Messire Strozzi m'a un peu expliqué votre affaire : il s'agit donc d'aller dérober un tableau au coeur même de la Seigneurie, dans la propre garde-robe du Duc, là où celui-ci passe plusieurs heures par jour, au milieu d'une foule de gens et de gardes, puis de sortir le tableau du Palais et de lui faire franchir en secret les portes de Florence pour l'expédier à Venise ? C'est parfait. »

La forme épistolaire est très réussie, on ne s'ennuie pas une seule seconde et on s'y croirait. Les lettres sont tour à tour désespérées ou directrices, naïves ou ironiques, flagorneuses ou excédées. Tout en suivant le développement de l'enquête, on plonge dans une époque tourmentée où les génies ornaient les murs des églises, les Médicis se débattaient à la fois avec des opposants républicains et des exilés fidèles aux Français tandis que le pape orchestrait son inquisition contre les milieux artistiques.

J'ai adoré reconnaître les hauts-lieux de Florence que je connais bien car nous y avons vécu un an. Ce roman m'a donné envie de rechercher plusieurs peintures de la Renaissance.

Ludique, réjouissant : une première bonne pioche dans la rentrée littéraire !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Projetons-nous au seizième siècle à la cour de Florence. Les Médicis règnent sur la Toscane alors que la renaissance italienne voit naître ses plus beaux chefs d'oeuvre artistiques.
Or une affaire sordide secoue la cour : un peintre est assassiné alors qu'il travaillait sur les fresques d'une chapelle. de plus un tableau a disparu : c'est moins la valeur potentielle que ce qu'il représentait qui emplit d'effroi Cosimo et Eléonore de Médicis : le portrait sulfureux d'une femme nue dont le visage évoque sans équivoque leur fille Maria.

L'enquête est par conséquent rapidement lancée pour retrouver l'assassin et le portrait .

Outre l'intérêt du cadre qui nous plonge au cour de cette période riche de l'histoire italienne, politique et artistique, Laurent Binet nous propose le format épistolaire, originale pour le genre polar.


Cela ne facilite sans doute pas l'assimilation des personnages, qui, pour aider le lecteur à s'y retrouver sont présentés au début du roman. On a malgré tout l'avantage de ce procédé, avec les points de vue alternatifs de chaque rédacteur. L'action ne manque pas, et même l'humour pointe au détour d'une réflexion ou d'un retournement de situation.

Très intéressant sur le plan historique, très romanesque, ce roman montre la capacité extraordinaire de Laurent Binet de renouveler son talent d'écrivain.

Merci à Netgalley et aux éditions Grasset

288 pages Grasset 16 août 2023
#Perspectives #NetGalleyFrance
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Très jolies perspectives.

Voici un roman pas banal. Un bon polar bien tourné mais très particulier.
Dans sa forme d'abord : nous somme devant un roman épistolaire. Il n'est composé que de lettres que les protagonistes s'envoient. Ce n'est pas une bilatérale... Non, ça part tous azimuts. On suppose que certaines lettres sont reçues, d'autres pas, certaines arrivent en retard... On croise deux courriers et l'on se rend compte de la duplicité d'un intervenant. On y décèle des joyaux de politique et de diplomatie.
Dans son décor : Laurent Binet a choisi la Toscane du XVIème, plus exactement 1557 pour y placer son intrigue. le Pontormo est mort assassiné ! Mais par qui ? On soupçonne des bonnes-soeurs, son élève il Bronzino, Michelange, ... Oui nous sommes dans le milieu artistique Florentin. On y croise aussi Vasari, Cellini.
Une double intrigue vient se greffer à la première, dans l'atelier du Pontormo, on retrouve la peinture d'une femme nue... avec la tête de la fille de Cosme de Toscane, Maria de Medicis. Qui a peint ce tableau et pourquoi? Cette peinture va se révéler hautement politique et la posséder aurait pu changer le destin de la France.

J'ai franchement bien aimé ce bouquin et certainement pour sa foulitude de détails. Je suis allée en vérifier quelques une sur Wiki et franchement l'auteur a bien réussi à plaquer sa trame romanesque sur L Histoire, la pure, la vraie.
Je déplore par contre une fin un peu bâclée, un peu trop rapide, comme si l'auteur en avait eu un peu marre de son roman et avait eu envie de finir plus vite (si maintenant c'est pour aller se manger un antispasti dans une trattoria en terrasse avec un bon verre de Montepulciano, je lui pardonne)





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Comme le dit l'adage Carambar, la culture c'est comme la confiture, moins on en a plus on l'étale.
Eh bien, c'est un peu l'effet que m'a fait le dernier né de Laurent Binet, et j'ai eu l'impression de tremper une grande tartine trop peu dégoulinante dans mon bol de chocolat chaud.
J'ai trouvé le démarrage poussif en mode diesel, mais où diable est caché le starter ?
Je l'ai déniché mais finalement seulement dans les 50 dernières pages, alors forcément sur les 238 premières, j'ai trouvé le temps un peu long…
Pourtant, je n'étais pas très dépaysée par le décor, après avoir lu le portrait de mariage, on prend presque les mêmes et on recommence. En effet, me voilà de retour au sein de la famille Médicis : Cosme 1er, Éléonore de Tolède et leur fille Maria, j'en ai d'ailleurs profité pour leur claquer une petite bise. Ils le méritaient bien, tous ces auteurs qui ont dû défiler pour les interviewer sur leur vie à Florence… bien que l'histoire racontée par les deux auteurs soit radicalement différente en ce concerne Maria de Médicis. D'après wikipédia, le bon point irait plutôt à Maggie O'Farrell, Laurent Binet ayant succombé à une légende peu fiable d'un amour caché de Maria pour un jeune page, Malatesta de Malatesti (rien que le nom déjà…)
Mais il y a de nombreuses autres guest-stars au tableau et pas des moindres du monde de l'art florentin, Pontormo (qui doit se contenter de brèves apparitions puisqu'il est le cadavre dont le but du jeu va être d'identifier l'assassin), à Michel-Ange, Bronzino, Catherine de Médicis, …
Dans ce polar épistolaire historique Laurent Binet s'ingénie à multiplier les personnages, mais il leur prête à tous le même langage, pas de grande différence de style entre les grands-ducs, les peintres, leurs ouvriers, les nonnes, … Il y a pour moi un petit raté de ce côté-là, d'autant plus qu'il aurait pu être amusant de passer d'un style à l'autre…
D'ailleurs les épisodes avec les nonnes sont des plus réussis et m'ont valu quelques plaisantes contractions des zygomatiques.
Pour le reste malheureusement, l'alchimie n'a pas complètement pris, j'ai trouvé en premier lieu des longueurs et souvent l'ennui au bout de la page. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre qui jouait quel rôle dans ce décor, et encore j'étais déjà copine avec les Médicis et la famille d'Este, donc ceux-là, c'était fingers in the nose.
J'ai également été fort chiffonnée quand M. Binet fait écrire à Maria deux « malgré que » dans une même lettre à quelques lignes d'intervalles ! (p.39) Ah non, désolée M. Binet mais je ne peux pas y souscrire…
Heureusement, la fin plutôt réussie vient relever l'ensemble, mais les pièces du puzzle ont pris un peu trop de temps pour être rassemblées à mon gout.
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