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Critique de thedoc


L'auteur, François Bizot, s'est installé au Cambodge en 1965. En tant qu'anthropologue membre de l'Ecole française d'Extrême-Orient, il étudie la langue, les moeurs et les coutumes des paysans d'un petit village. En 1971, lors d'un déplacement, il est arrêté avec deux collègues par des khmers rouges qui les conduisent, à travers la forêt, dans un camp de rééducation. Dans cette « prison », enchaîné, il rencontrera Kang Kek Ieu, futur Douch, plus connu comme directeur du sinistre centre d'interrogatoire de Tuol Sleng (S21) après la prise de pouvoir des khmers rouges au Cambodge. François Bizot restera deux mois et demi dans ce camp, régulièrement interrogé par Douch qu'il devra convaincre de ses motivations purement ethnologiques et non politiques. Est-il ce Français (faisant mine d'ignorer l'anglais) seulement épris de traditions religieuses bouddhistes, ou bien plutôt un agent de la CIA?
C'est cet épisode de sa vie qu'il raconte dans la première partie de cet ouvrage.
En 1975, Phnom Penh tombe aux mains des khmers rouges. Toute la ville doit être évacuée. François Bizot assiste à cette folie depuis l'ambassade où de nombreux étrangers et cambodgiens viennent chercher refuge. Avec ses compétences linguistiques, l'auteur va servir d'interprète entre le chargé d'affaire Jean Dyrac et les représentants de la nouvelle autorité khmer rouge, devenant par la même occasion un témoin privilégié des événements de cette époque.

« le portail » nous offre une description de faits historiques, mais surtout une analyse psychologique très fine des protagonistes en présence, ainsi que de l'idéologie khmère rouge. François Bizot, de par ses connaissances et sa culture, a su trouver avec sa rhétorique les « armes » pour répondre et convaincre le trouble Douch. Très certainement, les deux hommes s'estiment. Pour le Français, le Cambodge, c'était ce petit peuple de paysans, fin et discret, imprégné de la douceur bouddhique. François Bizot montre ainsi que la culture cambodgienne ne lui est aucunement étrangère et qu'à ce titre, il pouvait également donner son avis sur l'avenir de cette population. Il s'ensuit de longs échanges entre les deux hommes, d'égal à égal, dans une ambiance parfois assez surréaliste. Douch parle de philosophie, d'idéologie mais Douch agit aussi au nom de celle-ci : il tue, il torture. S'il faut le faire pour la « bonne cause », il le fera. François Bizot dira bien plus tard : «Je n'ai pas vu un monstre, j'ai vu un homme, et c'est ce qu'il y a de plus terrible, justement, qu'il soit un homme comme moi.»

L'affolement et la fièvre qui suivent la prise de pouvoir des khmers rouges à Phnom Pen est ensuite très bien décrite par l'auteur. Rescapés cambodgiens ou occidentaux, prince déchu, diplomates, François Bizot nous dresse un portrait très vif de tous ces égarés qui cherchent une porte de sortie. Mais dans cette population hétéroclite de réfugiés, tous ne pourront pas partir. Certains devront franchir le fameux portail de l'ambassade pour passer de l'autre côté, aux mains de ces soldats adolescents, le regard dur et l'arme au poing.

Voici un témoignage essentiel sur ces événements historiques où l'on découvre d'une part la troublante ambiguïté d'un homme que l'on aimerait tout simplement qualifier de monstre (mais ce serait trop simple), d'autre part la fin d'un âge pour un pays aux traditions ancestrales.
Dans la continuité de ce récit, on peut également lire "L'élimination" de Rithy Panh, où l'auteur et réalisateur livre également son témoignage personnel sur cette époque. Cette fois-ci, on découvre toute l'horreur qui a suivi l'arrivée des khmers rouges au pouvoir. Notamment le rôle de Douch, qui pour les détenus qu'il interrogeait n'a pas eu la même clémence que pour François Bizot , loin de là...
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