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Granny Webster» est un livre étrange. À regarder la couverture, le titre, à lire la biographie mondaine de
Caroline Blackwood, son auteure, on se dit vaguement, avec quelques préjugés, que l'intrigue ne nous empêchera pas de dormir.
En fait, on est tout à fait inquiété par cette lecture, et cette inquiétude ne se dissipe absolument pas lorsque l'on referme le livre. Il semble même que l'éditeur soit de mèche avec l'écrivaine par delà le temps puisque la dernière page est aussi la dernière du volume. Vous voudriez tourner le feuillet, ne serait-ce que pour vous ressaisir, mais c'est la quatrième de couverture que vous avez entre les doigts. Dommage…
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Granny Webster» est étrange pour bien des raisons.
Pour cette narratrice dont ne sait rien, si ce n'est qu'elle doit être un peu asociale pour que sa tante qui rappelle le personnage de Tante Mame lui reproche son mutisme exacerbé.
Pour cette narration qui semble conduire fatalement à un dénouement spectaculaire mais (attention, un spoiler va suivre) qui ne débouche sur rien. On s'attend à ce que de l'incroyable se produise, que le passé parle enfin, que les secrets soient découverts, mais non.
Sans doute à cause de cette narratrice, qui ne le veut peut-être pas vraiment, qui nous dit bien ce qu'elle veut.
Étrange parce que si le roman ne comporte guère de péripéties, le lecteur pourtant est captivé par la généalogie de cette famille éclatée. L'héroïne est envoyée en convalescence chez son arrière-grand-mère, à 14 ans. Une aïeule victorienne, très dure, qui n'évoque le père de la jeune fille, tué en Birmanie, qu'au moment du départ...
Ensuite, la jeune personne vieillit, on le comprend, nous relate les discussions qu'elle mène avec les proches de ses parents, semble-t-il pour en apprendre davantage sur ce père dont elle ne garde aucun souvenir. Des proches qui lui parlent essentiellement de sa grand-mère, devenue folle, persuadée d'être une fée, haïssant ses enfants. On est complètement happé par le récit, et, encore une fois, comme souvent dans la littérature anglaise, par l'importance extrême d'une demeure qui est au centre de celui-ci (évidemment, on pense à «Rebecca»…), celle de Dunmartin Hall. Cela m'a fait songer plus d'une fois au livre de
Sarah Waters, qui, sur le même principe, m'a fait languir tout au long de son «Indésirable» : une demeure ancestrale, délabrée, après la Seconde Guerre Mondiale, la gentry britannique qui vit ses dernières heures dans tous les sens du terme…
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