Citations sur Le Vengeur masqué contre les hommes-perchaudes de la Lune (7)
Au Carré, comme chaque fois qu'il fait beau, ils sont des dizaines à se donner en spectacle, à parader, à quémander de l'attention et aujourd'hui c'est pire que pire vu qu'ils ont été sevrés tout l'hiver. Les punks dans le kiosque (Caillou et ses suppôts) qui disent, dans leur éloquent langage non-verbal: «Regardez-nous refuser avec intransigeance les valeurs bourgeoises, ça fait peut hein?»; les adeptes du BMX qui disent: «Regardez-nous rebondir sur notre roue avant 20 fois de suite»; les joueurs de aki: «Regardez-nous empêcher ce machin de toucher le sol»; les épais qui passent, l'air au-dessus de tout ça, en tenant leur blonde par la main: «Regardez, la fille à mes côtés accepte que je lui éjacule dedans, prenez acte du fait que je suis un mâle alpha»; les épais qui passent d'un pas rapide en parlant fort dans leur cellulaire: «Regardez, je me dois d'être joignable en tout temps, ça en dit long sur mon importance, non?» Nous, spectateurs-nés, on tète nos cafés en passant des commentaires sur les performances de chacun.
Je suis le seul lectorat dont il a envie, que je me le tienne pour dit. Est-ce à dire que si je n’étais pas là, il s’en chercherait un vrai, de lectorat, qu’il lâcherait enfin son idiote de princesse et qu’il se mettrait à écrire pour de bon? En ce qui concerne ma façon de parler de S.A.R., la princesse Des Épaves, il a charitablement fait mine de n’avoir rien entendu; pour le reste: quel intérêt de savoir ce qu’il ferait si je n’étais pas là ? Je suis là, non? C’est vrai, j’étais la‘, et dans ce temps-là c’était Clair que j ’y étais pour de bon. Ou peut-être que non, au fait, peut-être que déjà... Je ne sais pas. Ce n’est pas si facile de reconstituer avec précision-la genèse d’une idée, pas comme dans les dessins animés où une petite ampoule vous apparaît au-dessus de la tête. Dans la vraie vie, une idée commence généralement sa carrière dans l’inconscient et doit y effectuer un stage plus ou moins long avant de faire le saut dans la conscience, les ligues majeures du cerveau. Bon, il y a bien sûr ce qu’on appelle les éléments déclencheurs qui peuvent servir de jalons, mais ça n’explique pas tout. En laissant entendre qu’il y aurait eu une cause unique à ma décision et que ce qui s’en est ensuivi n’en était que la conséquence inéluctable, je tomberais dans le travers de ces mauvais historiens qui se plaisent à donner un sens aux événements après coup, qui feignent de croire que les choses n'auraient pas pu tourner autrement pour la seule raison que c'est comme ça qu'elles ont finalement tourné.
C'est ça le beau de l'affaire avec la fréquentation des grands auteurs : peu importe la manière dont tu mènes ta barque, tu peux être sûr qu'un génie a déjà décrété qu'il s'agissait de la seule bonne manière de mener une barque.
(...) la plupart des gens tombent en amour avec des personnes imaginaires, ce qu'on aime chez les autres, au fond, c'est généralement nous qui l'y mettons, (...) il est possible de vivre des années auprès d'une personne sans jamais connaître autre chose d'elle qu'une représentation stylisée tirée de notre esprit.
...nous étions devenus si proches que nous n'étions plus vraiment deux personnes distinctes mais de simples succursales l'un de l'autre. (p.50)
(...) il n'y a dans toute l'humanité que sept ou huit personnes (encore là je suis large) reproduites chacune à des millions d'exemplaires. Ceux qui ambitionnent de parcourir le vaste monde pour rencontrer des gens nouveaux sont des demeurés : ça n'existe pas des gens nouveaux. (...) À moins d'avoir vécu creux dans le bois, à huit ans on a déjà rencontré tout le monde. L'univers entier est représenté dans n'importe quel village, n'importe quelle classe de maternelle, n'importe quel immeuble de n'importe quelle grande ville, inutile de se démener pour aller au-devant du monde, il s'impose à toi chaque jour dans sa chiche totalité.
Même si tout le monde a l'air d'accord pour trouver que ça n'a pas de maudite allure où le monde s'en va, attends-toi à te faire regarder de travers si tu fais mine de ne pas vouloir y aller toi aussi.