Il n'y a pas de vengeur masqué dans ce livre, pas plus que d'hommes-perchaudes, d'ailleurs. Tenez-vous-le pour dit! On y trouve plutôt des personnages typiques de l'univers de François Blais : un couple d'assistés sociaux vivant à l'abri du monde et des responsabilités, dans une relation-refuge morbide. J'ai bien aimé ces deux personnages, à la fois attachants et pathétiques. Ils habitent la ville de Québec, et j'ai trouvé sympathique de pouvoir reconnaître toutes sortes d'endroits réels.
Une deuxième histoire, plus improbable, se développe en parallèle : celle d'une sublime princesse évoluant dans un Québec médiéval fantasmé! On assiste alors à une déconstruction habile et amusante du mythe de l'amour romanesque. Comme d'habitude avec Blais, c'est drôle, cynique et déjanté, et on finit par se retrouver à mille lieue de là où on croyait aller! La fin est tout aussi surprenante et ingénieuse qu'insatisfaisante, mais on ne pouvait pas vraiment attendre autre chose d'une histoire d'amour racontée par François Blais!
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Déception. Après avoir lu deux autres romans de Blais celui-çi est très décevant. Pas vraiment de conclusion, deux histoires qui se chevauchent dont la seconde qui mène à rien et n,apporte rien à la première, personnages irréels, Bref, à éviter .
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Je suis le seul lectorat dont il a envie, que je me le tienne pour dit. Est-ce à dire que si je n’étais pas là, il s’en chercherait un vrai, de lectorat, qu’il lâcherait enfin son idiote de princesse et qu’il se mettrait à écrire pour de bon? En ce qui concerne ma façon de parler de S.A.R., la princesse Des Épaves, il a charitablement fait mine de n’avoir rien entendu; pour le reste: quel intérêt de savoir ce qu’il ferait si je n’étais pas là ? Je suis là, non? C’est vrai, j’étais la‘, et dans ce temps-là c’était Clair que j ’y étais pour de bon. Ou peut-être que non, au fait, peut-être que déjà... Je ne sais pas. Ce n’est pas si facile de reconstituer avec précision-la genèse d’une idée, pas comme dans les dessins animés où une petite ampoule vous apparaît au-dessus de la tête. Dans la vraie vie, une idée commence généralement sa carrière dans l’inconscient et doit y effectuer un stage plus ou moins long avant de faire le saut dans la conscience, les ligues majeures du cerveau. Bon, il y a bien sûr ce qu’on appelle les éléments déclencheurs qui peuvent servir de jalons, mais ça n’explique pas tout. En laissant entendre qu’il y aurait eu une cause unique à ma décision et que ce qui s’en est ensuivi n’en était que la conséquence inéluctable, je tomberais dans le travers de ces mauvais historiens qui se plaisent à donner un sens aux événements après coup, qui feignent de croire que les choses n'auraient pas pu tourner autrement pour la seule raison que c'est comme ça qu'elles ont finalement tourné.
Au Carré, comme chaque fois qu'il fait beau, ils sont des dizaines à se donner en spectacle, à parader, à quémander de l'attention et aujourd'hui c'est pire que pire vu qu'ils ont été sevrés tout l'hiver. Les punks dans le kiosque (Caillou et ses suppôts) qui disent, dans leur éloquent langage non-verbal: «Regardez-nous refuser avec intransigeance les valeurs bourgeoises, ça fait peut hein?»; les adeptes du BMX qui disent: «Regardez-nous rebondir sur notre roue avant 20 fois de suite»; les joueurs de aki: «Regardez-nous empêcher ce machin de toucher le sol»; les épais qui passent, l'air au-dessus de tout ça, en tenant leur blonde par la main: «Regardez, la fille à mes côtés accepte que je lui éjacule dedans, prenez acte du fait que je suis un mâle alpha»; les épais qui passent d'un pas rapide en parlant fort dans leur cellulaire: «Regardez, je me dois d'être joignable en tout temps, ça en dit long sur mon importance, non?» Nous, spectateurs-nés, on tète nos cafés en passant des commentaires sur les performances de chacun.
(...) il n'y a dans toute l'humanité que sept ou huit personnes (encore là je suis large) reproduites chacune à des millions d'exemplaires. Ceux qui ambitionnent de parcourir le vaste monde pour rencontrer des gens nouveaux sont des demeurés : ça n'existe pas des gens nouveaux. (...) À moins d'avoir vécu creux dans le bois, à huit ans on a déjà rencontré tout le monde. L'univers entier est représenté dans n'importe quel village, n'importe quelle classe de maternelle, n'importe quel immeuble de n'importe quelle grande ville, inutile de se démener pour aller au-devant du monde, il s'impose à toi chaque jour dans sa chiche totalité.
(...) la plupart des gens tombent en amour avec des personnes imaginaires, ce qu'on aime chez les autres, au fond, c'est généralement nous qui l'y mettons, (...) il est possible de vivre des années auprès d'une personne sans jamais connaître autre chose d'elle qu'une représentation stylisée tirée de notre esprit.
C'est ça le beau de l'affaire avec la fréquentation des grands auteurs : peu importe la manière dont tu mènes ta barque, tu peux être sûr qu'un génie a déjà décrété qu'il s'agissait de la seule bonne manière de mener une barque.