— L'homme a la bite en pointe ! Haarrk ! L'homme a la bite en pointe ! fit la voix aiguë, nasillarde et comme avinée de Heidegger. [J.M.B.de R.]
Heidegger, ici, c'est un perroquet, le perroquet d'Eléazar von Wogau, un correspondant de presse établi au Brésil qui a accepté de commenter l'édition de la biographie hagiographique d'Athanase Kircher rédigée par son disciple Caspar
Schott. Athanase Kircher est un polymathe jésuite du XVIIe siècle, époque baroque s'il en est. Il intervint dans tous les sujets scientifiques de son temps que ce soit l'archéologie, les langues orientales, l'égyptologie et les hiéroglyphes, la géographie, les mathématiques, la musicologie, l'astronomie, la physique et l'ingénierie, ou la géologie et la volcanologie, tout cela teinté fortement de théologie. Comme l'affirme
Jean-Marie Blas de Roblès par la voix d'Eléazar, « Kircher est baroque, tout simplement baroque ». Par-dessus l'épaule d'Eléazar, on suivra, curieux et étonné, le parcours de Kircher tel qu'il nous est narré par
Schott, mais cette lecture sera accompagnée des commentaires du journaliste. Et, ces commentaires ainsi que les réflexions qu'ils provoquent sont autant de moments pour poser la question de notre rapport à la science, de notre rapport à la connaissance.
Dans l'instant prolongé où se déroule cette lecture et ce voyage dans le temps et dans l'espace vers une Europe baroque et friande de cabinets de curiosités, la vie brésilienne s'anime et des fenêtres s'ouvrent sur d'autres réalités, elles bien actuelles. On suivra ainsi les difficiles pérégrinations d'un groupe d'archéologues dans la forêt équatoriale, les tractations malveillantes du gouverneur Moreira da Rocha autour d'un projet de base militaire, les explorations psychédéliques d'un groupe de jeunes gens frayant dans les favelas, une aventure spirituelle et sexuelle liée aux rites du candomblé. On assistera à des dérives, des déroutements, des dérapages. Puis, on verra une société mouvante, pleine de contradictions, une société qui se cherche et qui s'invente. On y portera un regard intéressé comme celui d'un ethnologue, à la façon dont
Jean-Marie Blas de Roblès nous invite à le faire.
Jean-Marie Blas de Roblès nous entraîne ainsi dans un périple vertigineux où l'intelligence est à l'avant-plan. Il nous offre un roman construit autour d'un livre, livre qui lui-même porte ses références et son histoire qui jongle avec la vérité et l'édification d'un monde de connaissances. Il faut accepter de plonger dans son univers et on ne regrettera pas notre décision. On sera tenté de s'arrêter pour noter des réflexions, pour citer des phrases qui marquent, qui imprègnent notre pensée et nous propulsent plus loin, plus avant.
Eléazar von Wogau note à propos de l'hagiographie de Kircher qu'il commente : « QU'AI-JE AIMÉ CHEZ KIRCHER, sinon ce qui le fascinait lui-même : la bigarrure du monde, son infinie capacité à produire des fables. ». Je pourrais tout à fait reprendre ce jugement pour l'appliquer tel quel à ce que j'ai aimé chez
Jean-Marie Blas de Roblès et son
Là où les tigres sont chez eux.
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