Tout clown qui se met à boire dégringole plus vite encore qu'un couvreur saoûl de son toit.
L'argent, c'était comme le "désir charnel", personne n'en parlait de façon précise, n'y pensait même de façon précise. Ou bien on le "sublimait" - comme un prêtre l'avait dit à Marie du désir charnel - ou bien on le tenait pour vulgaire en soi, mais sans y songer jamais en fonction de ce qu'il représentait dans l'immédiat : nourriture ou taxi, paquet de cigarettes ou chambre avec salle de bains.
Cessez donc ces absurdités, Schnier. Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Les catholiques me rendent nerveux, dis-je, parce-qu’ils ne jouent pas le jeu.
- Et les protestants ? demanda-t-il en riant.
- Ils me rendent malade avec l’étalage de leurs éternels problèmes de conscience.
- Et les athées ?
- Ils m’ennuient parce qu’ils ne parlent jamais que du bon dieu.
- Et vous alors, qu’êtes-vous au juste ?
- Je suis un clown, dis-je, et pour l’instant meilleur que sa réputation.
Les violents et les corrompus aiment parfois les doux et les incorruptibles.
C'est quelque chose de bien compliqué, de bien cruel aussi, que le désir charnel. Pour les non-monogames, ce doit être une constante torture, alors que pour les monogames comme moi c'est la constante obligation d'être discourtois.
J'aime être entouré de jolies femmes, telle cette Mme Grebsel ma voisine, quoique je n'éprouve pour elle nul "désir charnel". Ce qu'en général elles considèrent d'ailleurs comme une offense. Et pourtant, si j'éprouvais ce désir et prétendais l'assouvir sur elles, elles seraient les premières à appeler la police. C'est quelque chose de bien compliqué, de bien cruel aussi, que le désir charnel. Pour les non-monogrammes, ce doit être une constante torture, alors que pour les monogames comme moi c'est la constante obligation d'être discourtois. La plupart des femmes considèrent en effet comme une offense qu'on ne les désire pas. Mme Blothert elle-même, femme pieuse et vertueuse s'il en fut, me parut toujours légèrement offensée par ma froideur. J'en viens parfois à comprendre ces forcenés dont les journaux nous rebattent les oreilles, et quand je songe que cette chose existe qu'on nomme le 'devoir conjugal", j'en ai la chair de poule. Lorsque c'est par l'Etat et l'Eglise qu'une femme se voit imposer le devoir de "faire ça" comment de telles unions n'engendreraient-elles pas d'affreuses tragédies?
Si notre ère mérite un nom, il faut l’appeler l’ère de la prostitution. Les gens s’habituent au vocabulaire des prostituées. Le lendemain d’un débat télévisé auquel Sommerwild avait participé, je le rencontrai dans la rue. Il me demanda aussitôt : « Ai-je été bien ? m’avez-vous trouvé bien ? » Exactement le genre de question qu’une prostituée pose à son client après l’opération.
Nulle part un professionnel ne se dissimule mieux qu’au milieu d’amateurs.
- Pourquoi ne m'enverrait-il pas de fleurs ? dit Marie en rougissant.
- Il faut présenter la question autrement : pourquoi t'enverrait-il des fleurs ?
- [...] Ecoutez-moi, jeune homme, me permettez-vous à titre d'aîné (je le suis sûrement) de vous donner un conseil d'ami ?
- Mais je vous en prie !
- Laissez tomber Saint Augustin : la subjectivité adroitement formulée n'est pas de la théologie, de loin pas, et elle risque de faire des ravages dans les jeunes âmes. [...]