Je ne peux pas dire que j'avais eu beaucoup de confiance en allant trouver ce marchand de vins richissime, jusqu'alors inconnu de moi. Je savais trop le dénuement proverbial des millionnaires et leur guigne atroce qui ne permet jamais que la plus mince partie de leur avoir soit disponible au moment précis où on les implore.
Et ces deux créatures douloureuses le possédaient chaque fois qu'il s'accoudait, en regardant couler sa propre vie, sur le parapet de sa mémoire.
Nul ne sait son propre nom, nul ne connaît sa propre face, parce que nul ne sait de quel personnage mystérieux - et peut-être mangé des vers -, il tient essentiellement la place.
On avait, en le regardant, la sensation de manger de la moelle de veau. Ses modestes mains déversaient toutes les clémences disponibles et son menu pas lui donnait l'air d'un bonhomme en sucre qui marcherait sur des entrailles de lapin.
Le personnage à qui s'adressait l'imprimeur était un homme absolument quelconque, le premier venu d'entre les insignifiants ou les vacants, un de ces hommes qui ont l'air d'être au pluriel, tant ils expriment l'ambiance, la collectivité, l'indivision. Il aurait pu dire Nous, comme le Pape, et ressemblait à une encyclique.