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Critique de Charybde2


Un des grands sociologues actuels : l'enquête et le complot à travers roman policier et d'espionnage

Paru en février 2012, le dernier ouvrage de Luc Boltanski, s'appuyant largement sur trois de ses grandes recherches précédentes ("De la justification" avec Laurent Thévenot en 1991, "Le nouvel esprit du capitalisme" avec Eve Chiapello en 1999, et "De la critique" en 2009), est ambitieux et passionnant.

S'attachant aux figures de l'énigme, du complot et de l'enquête, il prend appui sur une analyse fort détaillée des formes canoniques du roman policier et du roman d'espionnage (en veillant, en sociologue averti, à fonder ses recherches sur des exemples à l'impact connu et important). Il décortique ainsi le mode d'appréhension de la réalité, le statut de la quête, l'articulation entre ordre et désordre, la nature des épreuves auxquelles y est confrontée l'État-Nation, principalement chez Conan Doyle et Simenon d'une part, chez Buchan ("Les 39 marches"), Ambler, Greene ou le Carre, d'autre part.

Décryptant ainsi un "statut" de l'enquête comme outil d'investigation valable, dans le champ profane comme dans le champ savant, il peut à la fois étudier de près les modalités de construction de l'item "théorie du complot" et de son rejet quasi-absolu, puis les conséquences que ce "statut" de l'enquête porte aux sciences humaines, tout particulièrement bien entendu, à la sociologie et à la philosophie politique.

On suivra avec un intérêt particulier l'analyse des modes de réponse adoptés, avec plus ou moins de bonheur, par les différentes écoles de sociologie pour échapper à la "malédiction de Popper", lancée en 1948, et qui prétendait inscrire l'ensemble des sciences humaines dans un strict champ de falsifiabilité, en en excluant toute volonté ou conscience des acteurs sociaux, autre que des ajustements plus ou moins "automatiques" à une situation donnée...

On notera aussi le travail effectué au fil du vingtième siècle pour faire pénétrer la notion peu scientifique de "paranoïa", issue du champ psychiatrique, pour l'intégrer aux grilles de lecture des autres sciences humaines, notamment lorsqu'il s'agit de rendre compte du phénomène des "théories du complot".

"L'ouvrage se termine sur un épilogue qui, se substituant à l'impossible conclusion d'une histoire qui est sans doute loin d'avoir atteint son terme, revient sur le terrain de la littérature. Mais il le fait à propos d'une oeuvre, "Le procès" de Franz Kafka, qui concentre, avec une intensité dont ses multiples commentateurs n'ont cessé de proclamer la génialité, les principaux fils dont on a cherché ici à dénouer, tant soit peu, l'écheveau. "Le procès" reprend les thèmes de l'énigme, du complot et de l'enquête qui sont au coeur des romans policiers et des récits d'espionnage. Mais, en en inversant l'orientation et en en pervertissant les dispositifs, il dévoile l'inquiétante réalité que dissimulent ces récits, apparemment anodins et distrayants."
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