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Critique de JulienDjeuks


Premier roman publié par l'auteur, Sortie d'usine semble s'appuyer sur une expérience vécue de l'usine (par lui-même, peut-être par son père), prend des airs de récit poétique, récit de voyage, récit ethnographique...
On peut voir dans ce livre comme une ré-utilisation de techniques littéraires héritées des Surréalistes (une écriture souvent a-syntaxique, quasi automatique) et surtout du Nouveau Roman (les objets et matériaux, dans leur taille, leur forme, leur texture, le bruit qu'ils font, prendraient presque le dessus sur les personnages) ; le style opère ainsi une harmonie imitative (rendre l'ambiance de l'usine, le rythme, la souffrance du corps), au service d'un projet littéraire social, de terrain. On pourrait parfois penser à Vie, Mode d'emploi de Pérec. Mais par ses couleurs et son objectif, Bon rejoindrait presque l'esthétique urbaine d'un Zola dans l'Assommoir, l'exagération du pathétique et du dramatique en moins.
Le résultat est une écriture poétique exigeante, difficile à suivre de par une excessive densité d'effets provoqués surtout par la désarticulation syntaxique : absence de pronoms sujets ou de verbes ; effets d'oralité intégrés par le discours indirect libre… Et également par une absence de focalisation stable. le « je » s'efface systématiquement au profit d'une non-focalisation, comme si toute l'usine s'exprimait. On pensera ici à la métaphore de la mine-monstre dans Germinal, sauf qu'ici, les objets, le rythme, les bruits, la matière, n'ont nul besoin de la métaphore, elles refoulent l'humain ou le détruisent, par nature. La voix qui raconte, ce serait celle des objets ou plutôt de la perception des objets par les corps des ouvriers. Ces corps souffrants, exprimant leur discours intérieur, leur cri, pourront faire penser aux styles de Kateb Yacine, Aimé Césaire et Franz Fanon, qui cherchent à donner une voix à l'emprunte dans le corps d'une longue souffrance (pour eux, celle du colonisé). Ainsi, contrairement aux frères Lumière qui en 1895 réalisaient ce qui est considéré comme le premier film du cinéma en captant une sortie de leur usine à Lyon plutôt enjouée, positive, ce livre semble appeler à une fuite définitive avant destruction.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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