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Je ressors de cette lecture plutôt chamboulée... Il faut bien s'accrocher, mais ça en vaut la peine. Un long monologue d'un ouvrir d'une usine en banlieue parisienne. Il nous raconte le gris, le terne, la vie en usine, le bruit, la poussière, l'ennui... le sentiment d'accomplir chaque jour les mêmes gestes, comme un automate. Un livre au rythme lent, mais immersif... Un style particulier, mais qui nous fait vivre le quotidien, le monotone, la répétition... Déroutant, mais dans le bon sens.
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Les 25 premières pages sont à elles-seules déjà époustouflantes et valent bien la lecture du livre ; un des plus beau incipit que j'ai lu (« Une gare s'il faut situer, laquelle n'importe il est tôt, sept heures un peu plus, c'est nuit encore. ») ; l'auteur nous plonge dans un monologue intérieur, ou plutôt un courant de conscience dans ce cas, à travers une syntaxe malmenée, déstructurée, de manière à recréer sous nos yeux les pensées réalistes du personnage et à nous plonger en lui. Et ça fonctionne, on s'y croirait ; le trajet quotidien pour aller au boulot, pointer, enfiler son bleu et rejoindre son poste de travail, tout se déroule naturellement, plaçant d'emblée l'atmosphère, celle du travail déshumanisé et des hommes usés jusqu'en eux mêmes. Une des meilleurs introduction possibles à un roman.
La suite du récit revient à un monologue plus narratif (mais qui se refait intérieur par moment), et se divise en quatre chapitres pour raconter quatre semaines ; de combien sont-elles éloignées les unes des autres, se suivent-elles d'affilé, dur à dire. L'auteur ne nous raconte jamais deux fois la même chose et ces chapitres permettent en réalité de présenter des aspects différents de la vie en usine : les accidents de travail, la solidarité des hommes et l'humour nécessaire à survivre sous une hiérarchie impitoyable, le vieillissement précoce et la chair marquée à vie, les maladies, les morts en usine et la cérémonie funéraire traditionnelle pour leur rendre hommage, la grève et le soulèvement face à la direction, les destins qui cherchent à fuir ce travail oppressant mais y reviennent inexorablement... la tentative de suicide... la démission, l'adieu à l'usine, la nostalgie malgré tout.
L'auteur parle à la fin, pour la première fois, à la première personne, et non plus à la troisième (ce roman est d'inspiration biographique) ; il a fini d'écrire, il n'a plus besoin de se distancer ; il revient devant les lieux de son ancien travail une dernière fois. Difficile de ne pas avoir la gorge serré à la fin de ce livre, ni d'oublier la fortitude dont font preuve ces hommes pour ne pas briser et trouver face à la pression constante un exutoire.
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Comment décrire ce livre? C'est assez difficile en fait.
Le sujet : une usine en banlieue parisienne et un ouvrier.
Ce livre nous raconte le quotidien de la vie en usine, le bruit, la poussière, les machines,la grève, la mort, l' accident, la déprime, la dépression et l'ennui surtout l'ennui. le temps figé, monotone, les tâches tellement répétitives que le moindre incident créé une distraction bienvenue.
A la fin du roman, le narrateur revient sur les lieux après avoir démissionné. Fraîchement débarqué à Paris, c'était son premier job trouvé par le biais d'une boîte d'interim.
L'écriture est très particulière, la syntaxe aussi. Ce qui se passe dans ce livre pourrait se passer en une journée ou en cent ans. Tout se passe et rien ne se passe pourtant. En plongeant dans le coeur de l'usine, c'est dans sa non-vie que nous nous trouvons immergé, le vide jusqu'à l'écoeurement.
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Dire l'usine de l'intérieur, accroché comme on peut à son établi, trouver le langage de l'usine, un langage brut, brutal, assommé par le bruit, peut-être est-ce seulement ainsi qu'on peut envisager une littérature engagée. Eviter la posture, le discours politique, le bavardage. Les ouvriers sont des taiseux. Les mots ne remontent qu'avec peine de leur corps fatigué. Simplement décrire : l'accident, le sang, l'attroupement ; le vacarme, la machine, le transpalette ; la grève, le mépris, l'envie de foutre le camp ; et la mort ; et l'homme égaré qui titube ; et le vacarme, toujours le vacarme pour couvrir ceux qui peinent ; et un jour sortir, s'en aller, ne plus savoir ce que c'était, l'usine, mais dire l'usine quand même, ne pas taire la réalité, la dure réalité qu'on a quittée. Parce que d'autres, ailleurs, partout, ne sont pas sortis de cet enfer.
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Un livre qui vous laisse sonné. Quel en est le personnage principal? Peut-être l'usine elle-même, monstre impitoyable dont on voit bien l'allégorie lorsque dans une scène à l'écriture sublime, le narrateur, tout à la fin, la contemple de la rue...

Car ici, sortie d'usine se comprend de diverses manières. Ce n'est pas seulement la sortie du soir, la "débauche", meilleur moment de la journée. C'est aussi la démission du narrateur, qui a réussi à la quitter. Ce sont aussi les rêves de démission -parfois réalisés, parfois brutalement suivis d'échecs- de ceux qui ont réussi à accumuler un petit pécule pour aller ouvrir un bar ou autre mise à son compte, comme on dit. La grève, petite parenthèse enchantée (la scène où les ouvriers occupant l'usine déambulent respectueux dans les bureaux de la direction est extrêmement jouissive). C'est enfin la sortie définitive de ceux qui sont morts au travail, ou quelques mois après avoir pris leur retraite.

Mais le monstre-usine, on s'en accommode aussi, comme Jonas dans le ventre de la baleine. François Bon passe en revue les ruses dérisoires, les stratégies subtiles pour s'y faire une place et y survivre. Les photos de pin-ups graffitées, scotchées autour du poste de travail. Les courses en transpalette, utilisé comme une trottinette capricieuse de 120 kilos. Se rappeler les conversations du dîner de la veille pour éviter l'ennui de l'automatisme, de ces mêmes gestes répétés à longueur de journée. Se plonger dans un livre à la pause déjeuner.

On est très loin ici de la caricature de l'ouvrier. On peut même se dire après avoir lu ce livre que l'ouvrier moyen, cela n'existe pas.
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Premier roman publié par l'auteur, Sortie d'usine semble s'appuyer sur une expérience vécue de l'usine (par lui-même, peut-être par son père), prend des airs de récit poétique, récit de voyage, récit ethnographique...
On peut voir dans ce livre comme une ré-utilisation de techniques littéraires héritées des Surréalistes (une écriture souvent a-syntaxique, quasi automatique) et surtout du Nouveau Roman (les objets et matériaux, dans leur taille, leur forme, leur texture, le bruit qu'ils font, prendraient presque le dessus sur les personnages) ; le style opère ainsi une harmonie imitative (rendre l'ambiance de l'usine, le rythme, la souffrance du corps), au service d'un projet littéraire social, de terrain. On pourrait parfois penser à Vie, Mode d'emploi de Pérec. Mais par ses couleurs et son objectif, Bon rejoindrait presque l'esthétique urbaine d'un Zola dans l'Assommoir, l'exagération du pathétique et du dramatique en moins.
Le résultat est une écriture poétique exigeante, difficile à suivre de par une excessive densité d'effets provoqués surtout par la désarticulation syntaxique : absence de pronoms sujets ou de verbes ; effets d'oralité intégrés par le discours indirect libre… Et également par une absence de focalisation stable. le « je » s'efface systématiquement au profit d'une non-focalisation, comme si toute l'usine s'exprimait. On pensera ici à la métaphore de la mine-monstre dans Germinal, sauf qu'ici, les objets, le rythme, les bruits, la matière, n'ont nul besoin de la métaphore, elles refoulent l'humain ou le détruisent, par nature. La voix qui raconte, ce serait celle des objets ou plutôt de la perception des objets par les corps des ouvriers. Ces corps souffrants, exprimant leur discours intérieur, leur cri, pourront faire penser aux styles de Kateb Yacine, Aimé Césaire et Franz Fanon, qui cherchent à donner une voix à l'emprunte dans le corps d'une longue souffrance (pour eux, celle du colonisé). Ainsi, contrairement aux frères Lumière qui en 1895 réalisaient ce qui est considéré comme le premier film du cinéma en captant une sortie de leur usine à Lyon plutôt enjouée, positive, ce livre semble appeler à une fuite définitive avant destruction.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Un court roman offrant une plongée dans la condition ouvrière et, surtout, à la torsion que la vie en usine impose au langage: le narrateur devient, peu à peu, une conscience globale de tous ces destins, une voix collective dont l'ambition n'est pas de raconter mais de fixer l'irracontable. On ne peut qu'être sensible à l'extrême tendresse que l'auteur, ancien ouvrier lui-même, éprouve pour le peuple d'ombres dont il brosse ici le portrait. A lire dans une époque qui nie l'existence d'une lutte des classes: rappeler, par la même occasion, que le français ne prend pas sa source à l'académie.
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