Dès le départ, existe dans le couple, de part et d'autre, un malaise dû à ce rapport de force, vécu comme un courant contraire par les deux jeunes mariés. Chacun en impute la faute à l'autre. Pour André, une épouse trop exigeante le contraint sans cesse à se contrôler. Pour Clara, un mari trop brillant la maintient en de ça d'elle-même, dans des limites qui frustrent son désir d'épanouissement et sa personnalité.
On a beaucoup dit que Malraux n'avait épousé Clara que pour son argent. Et c'est vrai qu'elle est riche... L'argent pour Malraux qui en a manqué dans son enfance, c'est le gage d'une vie agréable, conforme à son goût pour le luxe, mais c'est surtout l'assurance de sa liberté. Le travail, à ses yeux - du moins un travail d'employé ou de cadre, voire de chef de bureau - est synonyme d'aliénation. Les livres et les voyages, l'art et l'aventure : pour se consacrer à ce sacerdoce auquel il a d'ores et déjà dédié sa vie, il se doit d'assurer ses arrières. Solidement amarré à la fortune de son épouse, il sera d'autant plus fort, d'autant plus disponible pour les travaux qu'il envisage - et qui ne sont pas le travail tel que l'entend n'importe quel quidam.
Immoralité ? Amoralité ? On est bien au-delà. Malraux, comme Wagner, en est convaincu : " le monde me doit ce dont mon art a besoin."
Il souffre depuis son plus jeune âge du syndrôme de Gilles de la Tourette
Kerensky va incarner pour elle une sorte de leader politique idéal. Elle sera très déçue de son échec au profit de Lénine - le bolchévisme violent et totalitaire ne saura jamais la convaincre. Elle restera sa vie durant une révolutionnaire romantique et réformiste.
Il y a chez la petite fille modèle, si sage en apparence, beaucoup de passion, des fureurs contenues qui tiennent à cet excès de discipline qu'on exerce sur elle, au sentiment de frustration de n'avoir à vivre que pour obéir. (p.22)
C'est l'été dans la Ville et Malraux, un matin, dit:"Comme nous sommes heureux!"
Avec un excés de passion adolescente,il ajoute:"Si vous deviez mourir,je me tuerai".
"Je vous ai donné toutes les petites filles que j'ai été" lui dira t elle en l'épousant, consciente d'être complexe,éparse,multiple.
Il lui disait:"Mieux vaut être ma femme qu'un écrivain de deuxième ordre".
le présent se déroule encore avec moi.
Autant la villa de la famille Malraux est claire, vaste, cossue, bien décorée, autant les appartements de Clara, jusqu'au dernier, paraissent exigus, pauvrement meublés. Chez André Malraux, on respire l'opulence ; chez Clara, la gêne.