Ce que Zweig a appris de meilleur au contact du grand poète belge Verhaeren, c'est à laisser parler cette sensibilité dont on dirait qu'il a honte, et qui sera l'un des traits les plus forts et les plus attirants de sa personnalité.
Ecrivain de l’amour, des sentiments troubles, des passions ambiguës, les femmes de quinze à quarante-cinq ans sont les héroïnes de ses œuvres, qui est une formidable étude du cœur féminin. Dans la fraîcheur et la maturité, dans le balbutiement ou dans l’éclat de son mystère, la femme est le cœur de ses livres. Il la met en scène à tous les âges de la séduction. Fasciné et amoureux de chacun de ses visages, elle est pour lui une énigme. Farouche, brutale ou dévouée, tendre, sensuelle, dévorante, irrationnelle, elle est toujours dangereuse. […]. La femme, pour Zweig, est toujours une sorcière. Elle est orgueilleuse et forte, dissimulée, insaisissable. L’homme est sa proie et son jouet.
Il y a chez lui une compassion innée, et une incomparable intuition des souffrances.
La vie est l'essentiel, le bien unique et suprême, et que l'unique et suprême péché contre l'esprit est d'y attenter.
A force d'invoquer les muses, de faire appel dans ses rêves aux démons féminins, elles vont finir par lui répondre mais, comme dans ses livres, elles ne lui porteront ni bonheur ni chance.
Seul est homme, dans le plein sens du mot, qui a éprouvé des blessures et ressenti l'humiliation. Le "gagneur", ce monolithe, n'a pas sa place dans un monde où l'échec est plus révélateur que la victoire, plus propice à l’épanouissement d'un cœur.
désormais les personnages de ses livres, pièces de théâtre, biographies ou nouvelles, lui ressemblent. Tous jusqu'à Erasme et Marie-Stuart, en passant par Jérémie et par le Kekesfalva de la Pitié dangereuse, seront des vaincus, des humiliés de la vie. C'est de leur côté qu'il se range, à rebours du destin brillant et pur des vainqueurs. Ces anti-héros zweiguiens, forts de leur fragilité et capables de dépasser en conscience les préjugés contemporains, il les a choisis et il les aime parce qu'il retrouve en eux ses blessures à peine conscientes, ses faiblesses et ses peurs. Il admirera toujours ces perdants qui savent assumer leurs souffrances et portent sur la vie un regard sceptique.
Seules les grandes souffrances amendent l'âme, selon Zweig, le bonheur l'endurcit.
Zweig dans Marie-Antoinette, à travers un portrait en mouvement, procède à une démonstration. Il veut prouver qu'une femme moyenne ou un homme moyen, placés dans des circonstances exceptionnelles et acculés au malheur, sont capables de changer en profondeur, presque de changer d'âme. La confrontation avec les cruautés de l'Histoire peut conduire un individu de la médiocrité morale à l'héroïsme pur.
Pour Zweig, seule vaut la qualité intrinsèque et profonde d'un être. Tout le reste - succès compris - n'est que poudre aux yeux.