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Citations sur La certitude des pierres (32)

Il fallait venir au cimetière, là, lové en contrebas du village, pour prendre son pouls et lire l'état civil. A Ségurian, il y avait quatre cents âmes qui vivaient et des milliers qui reposaient. On se dit parfois que les vivants ne font pas le poids.
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Quand l’épaule de Joseph se déroba sous la rondelle de bois, saint Barthélemy bascula en avant et se brisa aux pieds du chasseur. La tête se sépara du corps et roula sur deux mètres en accrochant la poussière. Après l’éblouissement, Joseph se releva et la ramassa. Il crut voir alors se dessiner sur le saint plâtre un petit sourire en coin, un sourire de berger. p. 117
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La montagne ouvrait ses chemins et ses tapis de feuilles, elle laissait s'évaporer une humidité de mousse, de lichen et d'herbe froissée.
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Mais ici et maintenant, à l'heure des consciences engourdies, on marche comme on aiguise un couteau avant le sacrifice.

Il y avait un compte rond et les loups ne savent pas compter. C'était un carnage indescriptible. Les dix bêtes étaient alignées dans leur sang, juste devant la grande porte coulissante en fer gondolé de la bergerie.
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Jeanne sentait bon la tarte aux myrtilles et aimait s'attacher les cheveux avec une vieille barrette en nacre. Elle aimait écouter Bob Dylan et Téléphone à fond dans sa voiture pourrie qu'elle garait partout de manière acrobatique. Elle aimait noter des petites phrases qu'elle oubliait dans des carnets qu'elle égarait. Elle avait vu tous les films de Truffaut, connaissait par cœur toutes les répliques de Jules et Jim. Elle aimait aussi fermer un œil puis l'autre pour déplacer les objets ou regarder se promener sur le sol le point de lumière perçant à travers le jour d'un volet. Elle aimait les dimanches matins, le bruit de la douche derrière une porte close et les imprimés fleuris. Il lui arrivait de faire couler du café et d'oublier de le boire. Elle aimait aussi quand ça résiste, quand ça fait un peu transpirer, quand il y a une récompense à la clé. Elle était arrivée à bout de Guerre et Paix et elle collectionnait les casse-tête. Elle aimait dessiner les visages des personnages dans les marges des livre. Elle aimait sa poitrine voluptueuse, ses mains, le creux de son aine, mais elle ne supportait pas d'entendre sa voix enregistrée. Elle aimait les mi-saisons, les prunes très mûres et pleurer quand elle était heureuse.
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l'hiver replie les âmes sur elles-mêmes, retracte les envies comme les coins d'une vieille lettre jetée aux flammes.
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EXTRAIT
« Il y a des miroirs sales à Ségurian, dont les enfants hériteront avant de les tendre à leurs propres enfants ».
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LA PREMIÈRE SAINT-BARTHÉLEMY
Il nous faut un homme, inconnu, avec un grand sac, un homme qui arrive par la route : le noir d’un point, d’une silhouette tout d’abord, longue, lointaine, puis un corps déjà, qui soulève un peu de poussière comme un petit nuage bas, puis un être, plus précis dans un savant contre-jour qui dessine le va-et-vient des cheveux au balancier de la marche, enfin un homme.
Il est grand, robuste. Il semble venir de loin. Il avance dans un frottement de jean, de cuir et de coton, arrangement naturel pour la mélodie légère des boucles métalliques du sac sur lesquelles rebondit une sorte de grigri africain. C’est la seule musique audible, juste suffisante pour égayer la marche.
On reste un peu avec lui, comme un ange invisible. On n’est pas si mal sur son épaule. On voit haut et bien. On écoute sa longue respiration que la barbe filtre. On s’en voudrait de fouiller dans ses poches ou d’ouvrir son sac. On saura bien assez tôt ce qu’il trimballe. Pour l’instant, il coupe la lumière prometteuse du matin.
Dans un virage s’esquisse à peine un petit chemin de terre. La pente est un peu plus rude par là, à l’écart de la route, et le soleil plus incisif, mais le chemin plus direct. Il n’est guère emprunté dorénavant et, malgré de longues années d’abandon, il résiste aux hautes herbes, comme si la terre, tellement foulée et refoulée, avait perdu toute vertu de fertilisation.
C’est ce chemin qu’il choisit, sans la moindre hésitation. Le village n’est plus qu’à un petit kilomètre, mais un kilomètre de rude montée en ligne presque droite. On aperçoit un ou deux lacets en contrebas des premières maisons, puis, tout là-haut, le clocher.
Le rythme de sa marche ne faiblit pas malgré la raideur de la pente. Par endroits, il pourrait presque toucher le sol simplement en tendant les bras. Son souffle s’accélère, raisonnablement. On ne perçoit pas de fatigue particulière. Parfois, les pierres roulent derrière lui, en entraînant d’autres au passage. Parfois, il prend appui sur une tige plus haute et plus solide que les autres, la serrant d’une main puissante. Parfois, les racines cèdent, alors il jette la tige dans les broussailles avant de s’agripper à une autre.
Il avance, mais c’est ici que l’on s’arrête. Le village est tout près. De dos, sa progression paraît encore plus rapide. Les herbes et le chemin au premier plan, il s’enfonce dans le cadre. On le devine désormais enroulant le dernier lacet. Puis sa tête disparaît.
C’était un 24 août. Guillaume Levasseur allait entrer dans le village.
C’était jour de fête. Comme tous les 24 août, on fêtait la Saint-Barthélemy et ce n’est pas rien.
Le 14 juillet, on faisait la fine bouche, on buvait un coup, on se couchait un peu plus tard, mais au fond on se préservait. Il y avait bien les enfants pour ouvrir de grands yeux devant le feu d’artifice, mais les anciens savaient que même les plus hautes fusées de la ville ne parviendraient jamais jusqu’au village. La révolution, on n’y était pas, on ne savait plus trop ce que ça signifiait. Il avait fallu trancher des têtes, on avait changé de salauds.
Le 24 août, c’était quand même autre chose. C’était la fête du Saint-Patron. Le reste du monde s’en contrefoutait et on adorait ça. Notre saint à nous. Bénédiction et protection. Ad vitam æternam, pour nous seuls.
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Il fallait venir au cimetière, là, lové en contrebas du village, pour prendre son pouls et lire l'état civil. A Ségurian, il y avait quatre cents âmes qui vivaient et des milliers qui reposaient. On se dit parfois ques les vivants ne font pas le poids.
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La troisième Saint-Barthélemy
Des mois étaient passés, on ne savait trop comment. On faisait aller. L’hiver replie les âmes sur elles-mêmes, rétracte les envies comme les coins d’une vieille lettre jetée aux flammes. Le berger avait fini par oublier les chasseurs, petit à petit, il avait cessé d’attendre une explication concernant la mort du mouton. L’assurance avait refusé de rembourser sous prétexte qu’il fallait le collier du chien pour preuve du préjudice. Finalement, Guillaume s’était recentré sur son travail et il avait fait fructifier, c’était le moins que l’on puisse dire. Les premières rentrées d’argent avaient dépassé ses espérances. Son cheptel s’était très vite fait une place sur le marché. C’est qu’il faisait de la qualité, le berger, tout le monde le disait dans le métier. Il commençait déjà à se faire un nom. Il voulait réinvestir sans attendre. Il prospectait déjà en vue d’acquérir de nouvelles bêtes jusqu’à doubler dès l’été son troupeau. Il n’avait aucun besoin : un peu d’essence dans la moto, quelques pochettes de tabac à rouler et, pour la nourriture, il vivait encore, sans se l’être explicitement formulé, dans le giron de Catherine, sa mère, qui n’arrivait jamais les mains vides et laissait chaque jour des plats cuisinés ou abandonnait ici et là des boîtes, des fruits et des sacs gorgés de victuailles. Guillaume faisait semblant de s’en offusquer, il soufflait, refusait, s’énervait même p. 77
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