La fin du tome précédent marquait un tournant dans l'arc narratif de cette première trilogie : le joug Ts'lish levé, l'Imagination est de nouveau accessible à tous et une étape cruciale a donc été franchie dans le périple de notre héroïne. Ce qui suit relève d'une quête plus intime, puisqu'il s'agit désormais de retrouver ses parents et de venger la traîtrise d'Eléa Ril' Morienval. le sentiment de virage dramatique est également renforcé par le départ de nombreux personnages et, surtout, de Salim et d'Ellana. Si l'intrigue a tôt fait de les ramener dans le coeur de l'action, on a cru l'espace de quelques chapitres que cet ultime tome se ferait sans eux. Peut-être s'agissait-il d'une décision sur laquelle
Pierre Bottero est lui-même revenu, réalisant qu'il ne pouvait décidément pas se passer d'eux, lui non plus ? Quoi qu'il en soit, cet opus est celui de la maturité, notamment des personnages adolescents : Camille, Salim et même Mathieu (dont on se réjouit du retour inopiné) seront aux prises avec leurs propres émotions et apprendront à murir (la thématique de la métamorphose, qui touchera de plein fouet l'un d'entre-eux, n'est donc certainement pas un hasard).
A l'image du vrai-faux départ de Salim et d'Ellana évoqué plus haut, on ressent quelques accrocs dans le déroulé du scénario, comme de légères inégalités à la lecture, l'impression de quelques cahots dans le rythme global de l'intrigue. Presque imperceptibles, certes, mais bien présents tout de même. Et de fait, en trois tomes, l'auteur a pensé et créé un écheveau qu'il faut démêler jusqu'au bout sans perdre en cadence, défi qui peut s'avérer ardu à relever en toute fluidité. En l'occurrence, si
Pierre Bottero a parfois recours à quelques tours de passe-passe pour retomber sur ses pattes et permettre à ses personnages de surmonter les embûches qui se présentent sur leur route, il parvient à le faire en y mettant du sens. C'est-à-dire toujours en cohérence avec la mythologie instaurée et l'univers qu'il continue de déployer depuis le premier opus.
Mais ces anicroches se révèlent totalement excusables. Pourquoi ? Parce que l'émotion, parce que les personnages. Bref, parce que. Mais, surtout, ce qui fait la beauté et la poésie de ce troisième tome (outre le style, toujours impeccable et particulièrement fort), c'est l'utilisation de la légende arthurienne. Ça aurait pu être pure facilité ou simple clin d'oeil, mais ça n'aurait pas été
Pierre Bottero. La filiation qu'il tisse entre Gwendalavir et Avalon se fait avec sa subtilité coutumière, s'invite comme un imaginaire collectif partagé entre les deux mondes et apporte une résonance à la saveur particulière.
En bref : Livre pivot dans cette première trilogie, cet ultime tome marque un tournant et annonce la saga des "Mondes d'Ewilan" qui suivra. Opus de la maturité, "L'île du destin", s'il souffre (à peine) de quelques fragilités scénaristiques, continue de marquer par ses personnages inoubliables, son écriture poignante et son univers inspirant.
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