AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,9

sur 355 notes
5
8 avis
4
16 avis
3
5 avis
2
0 avis
1
0 avis
Les concepts célèbres de Bourdieu m'étaient vaguement familiers jusqu'ici et ce petit livre, glissé innocemment entre mes mains par quelqu'un qui se reconnaîtra, ma foi, m'a fait de l'oeil.

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un essai puisque c'est la retranscription d'un intervention... télévisée.
Je ne pense pas que qui que ce soit DECOUVRE le principe de l'audimat, et plus largement, le modèle économique de la télévision (le combo publicité / propriétaires des chaînes / subventions). Pour autant, les propos sont éclairants à bien des égards (je ne reviens pas dessus, de magnifiques critiques étant déjà rédigées).

Un peu moins de 30 ans plus tard, les recommandations de Bourdieu apparaissent bien utopistes.
Les dérives qu'il décortique ainsi en 1996 n'étaient hélas rien au regard de l'ampleur prise par cette tumeur (qu'on appelle aussi marché de l'attention) qui gouverne bien plus que la télévision et les productions culturelles.

Alors que Bourdieu prônait la fin du monopole des moyens de production, l'ultra-conservateur Bolloré étend aujourd'hui son empire médiatique.

Alors que Bourdieu recommandait une meilleure éducation des « récepteurs » (avec les syndicats, les associations, les enseignants), le concept d'EMI (Education aux médias et à l'information) peine à être mis en oeuvre.

Pour conclure → un livre éclairant à mettre entre toutes les mains.



Commenter  J’apprécie          60
Un bref essai très agréable à lire, assez polémique, qui "fait réfléchir" (oui cette formule est clichée), qui peut se dévorer comme se lire très lentement, voire s'écouter (à l'origine il s'agissait de conférences à la télé... sur le thème de la télé. Bourdieu part justement de ce paradoxe (car il critique vivement la télé !) pour introduire son exposé.)

Dans la forme, c'est assez clair. Bourdieu n'est pas toujours accessible, mais ce texte l'est. Bourdieu a le sens de la formule (un mot de normalien, dit un sociologue sur France Culture-j'y reviendrai), lorsqu'il dit que les faits divers font diversion. Pour m'aider dans mon analyse, j'ai écouté une émission de France Culture ("Bourdieu clache le petit écran"). Et oui, c'est vrai qu'il expédie vite la question de qui possède les chaînes (quelques riches) et que son ouvrage a été écrit avant la fameuse sortie du chef de TF1 -mon métier, c'est de vendre du temps de cerveau disponible. Pour lui, c'est une question superficielle. Et c'est vrai qu'à part pour parler de l'audimat, de manière abstraite, il n'évoque pas le public - qui sont ces gens qui regardent la télé ? Pourquoi la regardent-ils ?

Cela dit, Bourdieu explique bien les enjeux de la démocratie. Il prescrit, au nom de celle-ci, de lutter contre la logique de l'audimat. Usul avait évoqué la question dans mes chers contemporains (l'épisode sur BHL). Et ce n'est pas parce qu'on est regardé des masses et qu'on est populaire (dans le sens de succès) qu'on est populaire (dans le sens d'émancipateur, d'éducation populaire). Bourdieu ne tombe cependant pas dans l'écueil de la nostalgie (ah, la télé des années 50 qui diffusait les Perses d'Eschyle...).

J'évoque la démocratie, et un concours de la Fonction Publique que je prépare (en culture générale) pose le sujet : "Les médias", avantage ou inconvénient (l'intitulé le formule autrement) "pour la démocratie" ? C'est un enjeu essentiel, et plus encore aujourd'hui.
Alors voilà. On n'est plus dans les années 1990, et la télé a changé, et Internet est devenu un média de masse. Bourdieu n'évoquait pas la téléréalité. Mais j'ai l'impression que la situation s'est empirée.

Ce que j'apprécie, quoi qu'il en soit, c'est que Bourdieu, sans dire qu'une culture "bourgeoise" par opposition à une culture commerciale est intrinsèquement bonne, ne tombe pas dans la démarche anti intellectuelle de dire "oui mais au fond c'est pas si grave d'aimer regarder le Foot, le JT et les émissions débiles". Au contraire, je pense (et c'est polémique) que vouloir étendre la culture de la bourgeoisie (de haut capital culturel) à tout le monde, et donc au prolétaires, c'est un geste antiélitiste par excellence. Au risque de projeter mes idées sur ce petit livre rouge (désolée Bourdieu), on peut vouloir l'émancipation de tous et toutes sans être démago. Les gens valent mieux que ça.
Commenter  J’apprécie          20
Sur la télévision est un rapide essai qui fait quelques rappels pour comprendre la production de l'information sur le petit écran. Pour résumer les journalistes télé constituent un milieu avec ses codes ses biais ses accointances et surtout ses contraintes, la principale étant que le réel client n'est pas le téléspectateur mais bien l'annonceur qui achète du « temps de cerveau humain disponible » pour reprendre l'expression de l'ancien directeur de TF1.

Ce livre rappelle surtout à quel point la télé fut le média souverain absolu de la fin du XXème, il est difficile d'imaginer aujourd'hui les audiences que faisaient certaine chaines ou régulièrement on pouvait avoir un pays entier qui regarde la même info au même moment. Bourdieu explique parfaitement le mécanisme d'homogénéisation de l'information qui découle du format même du médium.

Même si elle reste un média puissant, avec le câble puis avec internet le délitement de la télévision est en route et l'information tend à être de plus en plus fractionnée plutôt qu'aplanie. Par exemple une rapide recherche montre le fractionnement des parts d'audience, TF1 passe quand même de 30% de part d'Audience en 2007 à 18,7% en 2022, le temps passé devant les écrans de télévisions chute fortement, et j'ai du mal à trouver l'évolution du nombre de téléspectateurs de la une mais ça ne doit pas être jojo.
Et donc justement je recommande fortement cette lecture à ceux qui ont oublié et ceux qui n'ont pas connu la télé toute puissante pour comprendre son influence passé sur les modes de production de la culture. Lecture qui permet aussi de mieux comprendre pourquoi aujourd'hui internet et les GAFAM sont les ennemis naturels du journalisme qui détenait jusqu'à peu l'absolu monopole de la distribution de l'information et qui tente aujourd'hui de résister à l'érosion continue des audiences tout en jetant le discrédit sur les nouveaux monopoles du web.
Commenter  J’apprécie          10
Avec son expertise incontestée de la sociologie, Pierre Bourdieu décrypte ici les mécanismes visibles et invisibles de la télévision dont les influences s'étendent bien au delà du petit écran.

Son analyse sur la manière qu'a la TV de servir de juge de valeur dans un nombre croissant de milieux externes par la consécration médiatique qu'elle permet à certains d'obtenir, qu'il s'agisse de journalisme, de littérature, ou bien de champs où la validation par les pairs est pourtant parfaitement établie comme la recherche scientifique, ou même la justice (on ne compte plus les cas de procès populaires causés par une presse trop avide d'audimat) est particulièrement intéressante, d'autant plus que le succès populaire était autrefois considéré comme une marque de l'absence de valeur du travail ainsi valorisé...
Commenter  J’apprécie          40
En une pensée claire et efficace, ce livre - comme beaucoup de ceux qu'il a écrits vers la fin de sa vie - permet à Pierre Bourdieu de dépasser le cadre strict de l'analyse sociologique et de faire passer un "coup de gueule" solidement ancré sur des recherches cumulées au cours de sa carrière. J'aime le style, l'écriture, et j'aime encore plus l'idée que ce livre a été et sera très certainement détesté par les journalistes et les présentateurs de télévision. ça fait du bien à lire !
Commenter  J’apprécie          10
Pour ceux et celles qui hésitent encore entre prendre un livre et passer la soirée devant leur poste de télé, ce petit livre de Bourdieu, très simple à comprendre et très bien argumenté, pourrait vous aider à choisir. Voire à envoyer la télé par-dessus bord.

Le problème n'est pas l'objet en soi mais l'usage fait par ceux qui organisent son contenu. Bourdieu explique comment cette petite machine entrée dans chaque foyer manipule doucement ses utilisateurs. Aujourd'hui la télé est en perte de vitesse. Internet a pris le relais. Il manque Bourdieu pour nous faire un décryptage sociologique de nos "écrans de fumée".

On met des outils entre les mains de milliards d'individus mais sans un réel mode d'emploi et sans une vision critique.

Un livre qui reste d'actualité.
Commenter  J’apprécie          80
Dans Sur la télévision, Pierre Bourdieu se livre à une passionnante étude des mécanismes à l'oeuvre derrière le petit écran, ainsi que des moeurs de l'univers télévisuel. Pour s'adresser au plus grand nombre, il s'exprime dans un langage simple, accessible de tous ( sans perdre en rigueur toutefois ).
Son analyse est très fine, explorant les mécanismes de censure à l'oeuvre dans l'univers télévisuel, les problématiques liées au traitement de certaines informations, etc. etc.
A lire pour mieux comprendre l'influence que ce média de masse peut avoir sur certaines décisions.
Commenter  J’apprécie          220
Une analyse sociologique très interessante et facile à lire. Bien que ce livre soit sorti il y a plus de 20 ans, il me parait encore, malheureusement, bien d'actualité, et il est facile de faire un parallèle entre la télévision d'avant et les réseaux sociaux d'aujourd'hui (sans vouloir généraliser) qui est notre nouveau média de masse.
Commenter  J’apprécie          10
Ce texte de Pierre Bourdieu a vingt ans. Si depuis vingt ans, les travers qu'il dénonce ne se sont pas démentis, un autre médium est apparu en force, au point de faire trembler la télé elle-même : internet. Il faut donc lire cet essai (écrit pour la télévision justement) en faisant abstraction de l'existence des pages de news sur internet, de l'info type BFM et dans le même genre des journaux gratuits.
Ce petit livre porte essentiellement sur le journalisme et son évolution sous la contrainte de l'audimat, de la concurrence et des impératifs commerciaux. Sont aussi évoqués les spécialistes télévisuels, auto-proclamés intellectuels, qui tournent en boucle sur les plateaux où il cherche la reconnaissance que ne leur offre pas leurs pairs. Déjà convaincue et déjà sans télé, j'ai apprécié l'analyse claire qui est faite de l'information en tant vecteur commercial plus qu'en tant que création culturelle. Conclusion : regarder un JT ne sert à rien !
Dans ce livre, dont le langage est volontairement différent de celui de ses autre ouvrages, je regrette que Pierre Bourdieu n'ait pas insisté sur l'usage de la télévision en tant qu'outil de fabrication de l'opinion publique. Ne voulant pas revenir à la télévision d'état à vocation plus culturelle, il ne donne que peu de pistes sur ce devrait être un usage émancipateur, pédagogique, cultivant de la télévision.
La partie sur le jugement démocratique de la culture est tout à fait intéressante et aurait aussi mérité plus de développements ... A trouver dans toute l'oeuvre de Pierre Bourdieu.
Commenter  J’apprécie          40
Dans un essai très dense, Bourdieu condamne un système médiatique basé exclusivement sur la mesure de l'audimat, c'est-à-dire soumettant l'information à la loi du marché. Ce ne serait pas si grave si la télévision ne se présentait comme impartiale et objective et ne prenait une part si importante dans le champ journalistique, allant jusqu'à étouffer les pratiques journalistiques de la presse écrite et consacrant par sa très grande diffusion des personnalités non nécessairement reconnues par leurs pairs. C'est que plus un médium diffuse et plus il est amené à rechercher le consensus, c'est-à-dire à écarter les sujets clivants et à favoriser les "omnibus", des sujets qui n'apportent rien tels que les faits divers. Ajoutons à cela que le monde journalistique est soumis comme le reste de la société à la pression de l'urgence, il s'ensuit qu'il ne cherche pas le vrai, mais bien plutôt le rapide. Les "fast-thinkers" favorisent donc les idées reçues, celle qui ne demandent pas de temps pour être acquises. Pour parachever le tableau déjà bien noir, les journalistes, pas toujours très cultivés, vivent dans un microcosme socio-professionnel qui leur fait voir le monde à travers des "lunettes" qui leur révèle une réalité qu'ils imposent sous une forme d'objectivité comme la réalité. La pression concurrentielle et la crainte de rater des "scoops" enjoignent les lignes éditoriales à se copier les unes les autres et à ne différencier l'information que sur des vétilles invisibles au spectateur, contribuant à une information plate, vide, "omnibus", qui ne dit rien. Pire, les journalistes sont accusés ainsi de "créer" la réalité par le choix qu'ils font d'accorder du sérieux à telle ou telle personne qui se prend au sérieux. Ah, il faut encore ajouter que les débats sont souvent faussés, soit par le fait que les "invités" se connaissent et entretiennent des débats sans enjeux, soit au contraire vivent dans des mondes parallèles qui rendent le débat insensé. Alors pourquoi avec tant de médiocrité l'audience augmente-t-elle ? Et bien parce que la télévision joue sur les matières de ce qui dans le journalisme écrit est cantonné à la presse à scandale : les potins, l'exhibitionnisme, le sexe, le crime... d'où les sujets omnibus des faits divers, d'où... et la boucle est bouclée. Cette saturation de vide intellectuel ferme donc l'accès à une forme de pensée instruite et c'est ce qui rend la télévision menaçante pour les productions culturelles, mais plus encore, pour les démocraties, car tant que l'on ne parle de rien, on n'apporte pas au citoyen les outils pour acquérir l'autonomie, l'érudition et l'esprit critique dont il a besoin pour exprimer son opinion politique.

Au final, c'est l'outil même de la télévision qui est critiqué comme un fait social auquel participent consciemment ou malgré eux, ceux qui font la télé et ceux qui la regardent. Bourdieu ne semble pas enclin à admettre la possibilité d'une télévision de qualité, car c'est la télé en elle-même qui est problématique. On pense à internet qui n'est pas très différent dans son positionnement "neutre et objectif" et dont on sait que... En résumé : lisons des livres.
Commenter  J’apprécie          193




Lecteurs (996) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelques questions sur Pierre Bourdieu

En quelle année était-il né ?

1920
1930
1940
1950

7 questions
42 lecteurs ont répondu
Thème : Pierre BourdieuCréer un quiz sur ce livre

{* *}