_ Je crois, continua Pierre avec fougue que je devais voir renaître à mon égard bien souvent, oui, sur ma vie, je crois pouvoir composer pour vous des vers comme on n'en a écrit pour aucune autre, trouver des mots jamais employés, des accents entièrement nouveaux... Mais ces vers, ces mots, ces accents, je me les arracherai du coeur ! Vous me direz ensuite, Cassandre, si vous pouvez ignorer plus longtemps leur provenance !
Je délaissai une réalité blessante pour me réfugier dans une songerie très douce qui me sauvait du désespoir.
Le grand mot est lâché ! L’amour ! Les romans que vous avez lus, ma pauvre enfant, vous ont tourné la cervelle. Le mariage est autrement important que toutes vos histoires sentimentales ! Il s’agit de vous établir et de bien le faire. Non pas sur un coup de cœur, mais sur des assurances, des certitudes, après avoir pesé le pour et le contre. Dans un mari, l’essentiel ne relève pas des sentiments. Il s’agit d’une bonne réputation, de l’importance d’une charge, du degré de noblesse, de la fortune, des appuis à la Cour. Si l’homme a du charme, de l’élégance, de l’attrait pour vous de surcroît, que demander de plus ?
Le mariage est, certes, une chose trop sérieuse pour qu’on s’y décide à l’étourdie...
Chacun finissait par reconnaître que, si nouveauté il y avait un jour, elle ne serait concevable qu’à partir d’une parfaite connaissance du grec et du latin. Eux seuls permettraient d’écrire un français d’une entière pureté. Il ne convenait pourtant pas de renier pour autant la richesse de l’ancien parler de nos pères dont il serait bon aussi de s’inspirer.
Il faut renouveler chez nous la notion d’art et de poésie tombée en décadence avec les Rhétoriqueurs ! . Je voudrais reconstruire le monde au moyen du Verbe !
« Si ma main, malgré moi, quelque fois
De l’amour chaste outrepasse les lois
Dans votre sein cherchant ce qui m’embraise,
Punissez-la du foudre de vos yeux,
Et la brûlez : car j’aime beaucoup mieux
Vivre sans main, que ma main vous déplaise »
Je me promettais mille délices de nos tête-à-tête mais je ne voulais pas les transformer en ébats de la chair. Seulement en accomplissements du cœur...
Bonheur et tourment. Je n'aurai connu l'amour, ses délices et ses peines, qu'à travers lui...Il m'a tout enseigné. Bonheur et tourments ...
Il aimait les adolescentes graciles, sentant encore leur enfance, alors que c’était d’une femme faite, un peu maternelle, sensuelle aussi, bien entendu, mais protectrice et vigilante qu’il avait besoin. D’une femme qui l’aurait aimé non pas comme l’homme fort dont son aspect imposait bien à tort l’image rayonnante, mais comme l’être fragile et trop sensible qui se dissimulait sous son masque altier.