C'est bien ma chance, pour une fois que je lis un roman estampillé « Policier » par le Livre de Poche, il n'y a pas l'ombre d'un képi ou d'un gros inspecteur à l'horizon.
Décevant ? Non.
En fait, je n'y ai pas perdu au change.
C'est un roman noir, noir des idées, noir des images avec du gris dedans, gris du ciel en hiver et des pierres des Cévennes, et puis du blanc aussi, blanc du vide de vies, de solitude et d'isolement.
Par touches rugueuses, l'auteur pour plus de nuances et de complexité a tout de même décoché de la couleur :
Du rouge sombre de sang, du vert morne de peur, du bleu à l'âme et du jaune d'oeuf. « Les oeufs roulèrent du
plateau et s'écrasèrent par terre, faisant comme deux soleils éclatés. »
Je ne vous dirai rien de Gus et d'Abel, il faut que leurs secrets demeurent tant que vous-mêmes ne les aurez pas débusqués car les phrases de
Franck Bouysse se dégustent et se sirotent comme un vieux marc dans un divan.
L'objectif n'est pas de savoir mais de découvrir, comme pour certains voyages, le but n'est pas d'arriver mais de faire le chemin.
Emprunter ce chemin boueux et torturé c'est s'immiscer dans des existences austères et meurtries qui, avant de
grossir le ciel, ont magnifié la terre.