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Critique de ODP31


Duplicité, Capitulation, Evasion : la Règle de trois façon William Boyd. Les trois parties de son dernier roman sonnent le réveil façon Mérinos de mon intérêt pour le célèbre romancier anglais. Un réveil en beauté.
Je ne sais pas vous, mais j'avais l'impression que depuis une dizaine d'années, l'écriture de l'auteur génial d'un anglais sous les Tropiques, ronronnait. J'avais l'image d'un vieux chat flemmardant en boule devant un feu de cheminée dans sa maison en Dordogne.
Certes, William Boyd n'avait pas perdu sons sens du romanesque, renifleur de personnages charismatiques, mais j'avais trouvé le ton de ses livres les plus récents bien fade. de jolis plats que le cuistot avait oublié d'assaisonner.
Et bien, au diable l'hypertension, William Boyd a ressorti la salière, fini la préretraite de la prose et le plaid sur les genoux, l'auteur Trio nous ramène en 1968 pour le tournage d'un film au titre invendable : « L'épatante échelle pour la lune d'Emily Bracegirdle ». On se calme Arte, c'est une fiction, et ce n'est même pas sous-titré en langue Ouzbèque.
Au générique du roman, il y a Talbot, producteur tourmenté par une homosexualité refoulée qui aspire à se défouler et par un associé aussi fiable qu'une garantie pour une machine à laver. Il passe son temps à gérer l'ingérable, l'anarchie du tournage et les caprices des stars et des investisseurs.
Autre vedette du roman, Elfrida, l'épouse du réalisateur qui cherche l'inspiration dans l'alcool en apnée et sans bouée. Cul sec et langue pâteuse. Elle s'accroche à un projet inabouti portant sur le jour du suicide de Virginia Woolf. Gilet de sauvetage perméable à la vodka.
Le trio est complété par Anny Viklund, actrice principale du film, célèbre mais tourmentée, pléonasme, par un ex-mari recherché par la CIA pour des loisirs terroristes. Elle joue au docteur avec son jeune partenaire dans le film tout en étant en couple avec un vieux philosophe français très à gauche. Un agenda sexuel de ministre. Elle ne trouve la paix que dans les opiacés.
William Boyd évite de transmettre la déprime de ses personnages au lecteur en construisant son roman comme une farce et face à la duplicité des êtres qui gravitent autour du trio, il parvient à les rendre tous très attachants. Impossible d'avoir un chouchou. C'est comme devoir choisir un chiot parmi une portée de labradors dans un chenil. On repart avec les trois.
Les amours tragiques d'Anny se transforment en vaudeville, Elfrida réécrit sans cesse le premier paragraphe de son roman, partage ses hallucinations éthyliques et Talbot sort de sa torpeur pour affronter les turpitudes de son associé. Les personnages croisent leur solitude dans des scènes burlesques très réussies.
A l'image de l'époque qu'il décrit, William Boyd s'autorise beaucoup de libertés dans la narration. Les gueules de bois sont psychédéliques, les amours libérés, les trente glorieuses gloutonnent à marche forcée, les apparences du bonheur souvent trompeuses.
Sans cette Masse Critique, j'aurai certainement boycotté ce roman malgré le pédigré de son auteur et la beauté de la couverture. J'ai toujours bavé devant les Coccinelles. Merci donc à Babélio et aux éditions du Seuil qui m'ont rabiboché avec William Boyd.
Un trio mené avec brio.
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