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EAN : 9782021472196
496 pages
Seuil (06/05/2021)
3.34/5   250 notes
Résumé :
Dans la station balnéaire de Brighton, indifférents au tumulte du monde en cet été 68, trois personnages sont réunis pour les besoins d’un film dans l’esprit des « Swingin’ Sixties ». Talbot Kydd, la soixantaine, producteur chevronné, navigue entre les complications (réécritures sans fin du scénario, erreurs de casting, manigances des associés, défection de l’actrice principale) et se demande comment sortir du placard. Anny Viklund, jeune beauté américaine à la vie ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (76) Voir plus Ajouter une critique
3,34

sur 250 notes
Duplicité, Capitulation, Evasion : la Règle de trois façon William Boyd. Les trois parties de son dernier roman sonnent le réveil façon Mérinos de mon intérêt pour le célèbre romancier anglais. Un réveil en beauté.
Je ne sais pas vous, mais j'avais l'impression que depuis une dizaine d'années, l'écriture de l'auteur génial d'un anglais sous les Tropiques, ronronnait. J'avais l'image d'un vieux chat flemmardant en boule devant un feu de cheminée dans sa maison en Dordogne.
Certes, William Boyd n'avait pas perdu sons sens du romanesque, renifleur de personnages charismatiques, mais j'avais trouvé le ton de ses livres les plus récents bien fade. de jolis plats que le cuistot avait oublié d'assaisonner.
Et bien, au diable l'hypertension, William Boyd a ressorti la salière, fini la préretraite de la prose et le plaid sur les genoux, l'auteur Trio nous ramène en 1968 pour le tournage d'un film au titre invendable : « L'épatante échelle pour la lune d'Emily Bracegirdle ». On se calme Arte, c'est une fiction, et ce n'est même pas sous-titré en langue Ouzbèque.
Au générique du roman, il y a Talbot, producteur tourmenté par une homosexualité refoulée qui aspire à se défouler et par un associé aussi fiable qu'une garantie pour une machine à laver. Il passe son temps à gérer l'ingérable, l'anarchie du tournage et les caprices des stars et des investisseurs.
Autre vedette du roman, Elfrida, l'épouse du réalisateur qui cherche l'inspiration dans l'alcool en apnée et sans bouée. Cul sec et langue pâteuse. Elle s'accroche à un projet inabouti portant sur le jour du suicide de Virginia Woolf. Gilet de sauvetage perméable à la vodka.
Le trio est complété par Anny Viklund, actrice principale du film, célèbre mais tourmentée, pléonasme, par un ex-mari recherché par la CIA pour des loisirs terroristes. Elle joue au docteur avec son jeune partenaire dans le film tout en étant en couple avec un vieux philosophe français très à gauche. Un agenda sexuel de ministre. Elle ne trouve la paix que dans les opiacés.
William Boyd évite de transmettre la déprime de ses personnages au lecteur en construisant son roman comme une farce et face à la duplicité des êtres qui gravitent autour du trio, il parvient à les rendre tous très attachants. Impossible d'avoir un chouchou. C'est comme devoir choisir un chiot parmi une portée de labradors dans un chenil. On repart avec les trois.
Les amours tragiques d'Anny se transforment en vaudeville, Elfrida réécrit sans cesse le premier paragraphe de son roman, partage ses hallucinations éthyliques et Talbot sort de sa torpeur pour affronter les turpitudes de son associé. Les personnages croisent leur solitude dans des scènes burlesques très réussies.
A l'image de l'époque qu'il décrit, William Boyd s'autorise beaucoup de libertés dans la narration. Les gueules de bois sont psychédéliques, les amours libérés, les trente glorieuses gloutonnent à marche forcée, les apparences du bonheur souvent trompeuses.
Sans cette Masse Critique, j'aurai certainement boycotté ce roman malgré le pédigré de son auteur et la beauté de la couverture. J'ai toujours bavé devant les Coccinelles. Merci donc à Babélio et aux éditions du Seuil qui m'ont rabiboché avec William Boyd.
Un trio mené avec brio.
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A l'été 1968, loin des explosions qui secouent le monde, une équipe de cinéma tourne dans la station balnéaire de Brighton. Entre complications et manigances en tout genre, le producteur sexagénaire Talbot Kydd ressent d'autant plus de lassitude, qu'à ses soucis professionnels s'ajoute le secret de plus en plus pesant de son homosexualité. La jeune actrice principale Anny Viklund, aux prises avec une vie sentimentale agitée, se retrouve compromise par son ex-mari, terroriste en cavale. Quant à la femme du metteur en scène, Elfrida Wing, c'est dans l'alcool qu'elle noie ses blessures d'épouse délaissée et ses affres de la page blanche, elle que l'inspiration a désertée depuis ses premiers succès littéraires.


Lui-même scénariste et réalisateur, c'est en connaissance de cause que l'auteur évoque le milieu du cinéma et de la création littéraire, ses paillettes et ses turpitudes, dans une restitution savoureuse, ironique et désabusée. Dans ce royaume du faux-semblant où les egos s'épandent sans limites et où fleurissent intrigues et coups bas, les trois personnages principaux ont en commun la traversée d'une profonde crise existentielle. Douloureusement, chacun prend peu à peu conscience du schisme qui a grandi entre leur « moi public » et leur « moi privé », les amenant au sacrifice de leurs valeurs et de leurs aspirations les plus profondes. Sauront-ils retrouver la maîtrise de leur existence, ou dériveront-ils inexorablement vers quelque conclusion tragique ? La fiction dévorera-t-elle la réalité, ou Talbot, Anny et Elfrida réussiront-ils à se préserver ?


Si l'histoire, adroitement rédigée et pavée de détails aux terribles accents de vérité, témoigne d'un oeil aiguisé et d'une plume de qualité, sa lecture m'a toutefois semblé manquer d'un soupçon de souffle et de rythme. Partagé entre les histoires concomitantes de son trio de personnages, le récit s'achemine vers son dénouement sans réelle montée en puissance, faisant piaffer le lecteur par son pas globalement si égal et tranquille qu'il finit par retenir ses effets, tant comiques que dramatiques.


Malgré son relatif manque de pep, ce roman satirique demeure une lecture agréable, dont on retiendra l'intelligente et piquante peinture de ce dangereux miroir aux alouettes que représente la célébrité. A se confondre avec leur personnage public, tant s'y seront perdus, corps et âmes…


Un grand merci à Babelio et aux Editions du Seuil pour cette masse critique privilégiée.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Le monde merveilleux du cinéma !
Je ferai court au vu du nombre de critiques .
Je lis et apprécie cet auteur depuis «  Comme neige au soleil » , il y a bien longtemps et d'autres oeuvres , au moins huit ou neuf mais je l'avais un peu perdu de vue.
Emprunté à la médiathèque où il était présenté.
Comme souvent dans la plupart de ses romans , il s'amuse à peindre intelligemment l'envers du décor.
Dans la station balnéaire de Brighton, à l'écart du tumulte révolutionnaire de cet été 1968 , trois personnages sont réunis , aux prises avec les besoins d'un film au nom très long , «  L'épatante Échelle pour la lune d'Emily Bracegirdle » .dans l'esprit des «  Swingin' Sixties » ….

Tous ont une double vie.
Talbot kydd ——marié à Naomi , naïve , depuis 26 ans , ils ont deux enfants ——, producteur chevronné , affronte les embûches habituelles des tournages : erreurs de casting , manque ou défection au dernier moment de l'actrice principale , réécriture et j'en passe,,l,,

Il regarde avec envie les garçons mais ne se décide pas , n'ose pas faire son coming - out.
Reggie le metteur en scène , qui préfère se faire appeler Rodrigo, plus exotique , marié à Elfrida Wing, épouse délaissée , romancière dépressive , autrefois saluée comme la nouvelle «  Virginia Wolf » , ne parvient plus à écrire une ligne depuis dix ans, devenue alcoolique , elle se vautre dans l'alcool à grandes rasades de gin tonic, toute la journée …tente de le cacher …
Pourtant la vedette Anny Viklund , une jeune beauté américaine de vingt - huit ans , qui passe ses nuits dans les bras du jeune premier Troy Blaze ——

Ce jeune garçon lui donne un excellent moral , une mine réjouie jusqu'à ce qu'elle soit rattrapée par son ex - mari , elle n'a été mariée que quelques mois, terroriste en cavale , il lui soutire de l'argent , il suscite l'intérêt de la police et du FBI , Anny est obligée de s'enfuir en France .

Avec malice l'auteur décrit les créateurs menteurs , les perdants de la première et deuxième heure , les minables qui tournent «  Des films à la con » …
Duplicité , capitulation , évasion , les trois parties jubilatoires et désenchantées de cet opus , pétri de satire et d'ironie féroce , piquant, signent une fois de plus le talent du romancier qui tente d'aller chercher la vérité des hommes malgré leurs mensonges éhontés : «  les siroteurs » «  les cuiteurs », les menteurs et dissimulateurs .

À l'aide d'une plume déchaînée , aiguisée, à grand renfort de vodka, whisky, sherry, bière et vin , comprimés d'équanil l'auteur décrit ces personnages complexes , tourmentés, attachants , pathétiques, adeptes de la plus parfaite dissimulation , ils se mentent à eux- mêmes .
Une sorte de farce délicieuse à l'apparente légèreté , satirique à souhait , rocambolesque , portraits fins , malicieux, jubilatoires de ces mauvais joueurs en quête éperdue de sens , aux prises avec leurs frustrations , regrets , secrets où l'alcool est de rigueur!

Chacun joue jusqu'au bout à être quelqu'un d'autre !
Peut - être aussi l'esprit d'une époque !
Un bon roman qui dégoûte de l'alcool , surtout si l'on n'est guère adepte comme moi !
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L'anecdote est tellement connue et elle a été si souvent reprise que je ne sais plus si j'en ai été le témoin en direct ou si j'en ai reconstitué l'image à force de l'avoir lue. En 1985, lors d'une émission d'Apostrophe, Bernard Pivot se prend pour Darty et s'engage à rembourser tout lecteur non satisfait de Comme neige au soleil, l'un des premiers romans d'un jeune écrivain britannique, William Boyd.

Moi, je n'ai rien réclamé et j'ai même continué à acheter du Boyd. Trente-cinq ans plus tard, sans avoir lu l'intégralité de ses romans, je ne crois pas en avoir manqué beaucoup. Aucun ne ressemble à un autre. William Boyd est un écrivain imaginatif et curieux, qui n'hésite pas à remonter dans le temps jusqu'au début du XXe siècle, à faire voyager ses personnages un peu partout dans le monde et à investir tous les univers socio-économico-politico-culturels. En six ans d'écriture de critiques, celle-ci est la troisième que je lui consacre, après Les vies multiples d'Amory Clay et L'Amour est aveugle.

Son dernier-né, Trio, nous emmène à Brighton, une station balnéaire de la côte sud de l'Angleterre (Ah ! mes quinze ans et les petites anglaises…). Nous sommes en 1968, année tourmentée un peu partout sur la planète. A Brighton, tout est calme. On tourne un film, L'Epatante Echelle vers la Lune d'Emily Bracegirgle. Quelque chose de très fort, un scénario très conceptuel, une symbolique dans l'air du temps, selon le réalisateur… « Un film à la con, avec un titre à la con » grommelle le producteur, pas convaincu.

Et du titre du roman, Trio, que peut-on dire ? Pas sûr qu'il déclenche l'envie irrépressible d'ouvrir le livre, mais il est au moins explicite. Au sein de la petite communauté mobilisée pour le tournage du film, nous sommes invités dans l'intimité de trois personnages.

Engagée pour le rôle principal, Anny Viklund est une toute jeune actrice américaine très jolie. Considérée comme une star à Hollywood, elle est mal préparée à ce statut dans la vraie vie. Elle est incapable de choisir entre trois hommes exerçant une emprise sur elle, chacun à leur manière. Pour supporter cette situation fausse, elle s'en remet à une collection de tranquillisants, de somnifères, de stimulants et de coupe-faim, dont elle gère les quantités avec une bonne dose d'approximation

Elfrida Wing ne fait qu'indirectement partie de l'équipe du film. Elle est l'épouse du réalisateur, un homme volage. Aujourd'hui quadragénaire, elle avait écrit des romans dont le succès lui avait apporté notoriété et confort matériel. Mais ça, c'était avant !… Depuis dix ans, elle est en panne sèche d'inspiration, sauf pour imaginer les titres de ses prochains livres, ce qui lui permet de faire patienter son éditeur. Elle se console en éclusant en secret une quantité phénoménale d'alcools en tous genres.

Talbot Kydd est le producteur du film. Cet homme de soixante ans à l'allure très britannique est un professionnel expérimenté, pragmatique et cynique. Il cherche en permanence à trouver des solutions concrètes aux aléas du tournage et à satisfaire aux exigences parfois loufoques des parties prenantes, tout en veillant à éviter les dérapages budgétaires. A titre personnel, ses rêves érotiques lui ont fait prendre conscience de son homosexualité, sans pour autant qu'il franchisse le pas de relations concrètes. Ça le travaille !

Le roman livre une critique caricaturale amusante du monde du cinéma et des coulisses d'un tournage. Les comportements des personnages secondaires n'ont rien à envier à ceux du trio. Sur le plateau et autour, les motivations secrètes et refoulées finissent par se révéler, impliquant des compromissions insolubles. le salut réside, semble-t-il, dans l'imagination des scénaristes et dans leur aptitude à apporter des adaptations parfois acrobatiques au script d'origine.

En l'absence de véritable intrigue, on peut regretter dans Trio un manque de consistance globale de l'histoire et une fin décevante. Mais Boyd confirme son talent de conteur hors pair à l'imagination débridée. Son oeil acéré et sa plume goguenarde font passer un très bon moment de lecture. A déguster page après page, sans en demander plus, remboursement non garanti !

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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On va suivre la trajectoire de trois personnes : Talbot Kydd un cinéaste connu, une romancière et enfin Anny Viklund actrice américaine en pleine gloire, chacun vivant un moment décisif de son existence.

Talbot Esaïe de tourner un film dont le titre, à lui seul, vaut son pesant d'or « L'épatante Echelle pour la Lune d'Emily Bracegirdle » ! il est marié, et a du mal à accepter son homosexualité. Il doit faire face à un associé magouilleur, aux demandes des uns et des autres, qui pour avoir un petit rôle, qui pour se faire de la pub et relancer sa carrière de chanteur en imposant sa dernière composition au générique, sans oublier les exigences de acteurs…

Elfrida Wing, a connu le succès il y a dix ans, mais depuis, c'est la panne sèche. Elle noie son chagrin dans l'alcool alors que son mari la trompe avec la nouvelle scénariste, plus jeune. Etant donné qu'on l'a surnommé la « nouvelle Virginia Woolfe » à l'époque du succès, à son grand dam, elle décide de tordre le cou à ce « surnom » et écrivant un roman sur le dernier jour de Virginia, c'est-à-dire ce qui l'a conduite à se suicider. Mais, voilà, elle réécrit sans cesse la première page alors que son éditeur n'est pas convaincu. Depuis la panne d'inspiration, elle se contente de noter des titres qui pourraient donner lieu à un futur roman.

Enfin, nous avons Anny Viklund, qui a choisi l'Equanil comme tranquillisant et elle en avale des quantités astronomiques. Elle a été mariée quelques mois à un individu plus ou moins anarchiste, poseur de bombes en cavale, et vit officiellement avec Jacques, Français militant, en plein mai 68. Elle file le parfait amour avec l'acteur principal Troy.

Talbot va se retrouver avec un film qui lui échappe et une actrice qui prend la tangente !

Le but de William Boyd est de comparer la trajectoire de ces trois personnages, et la manière dont ils peuvent ou non faire face à une vie qui leur échappe.

Ce récit est composé de trois parties : Duplicité, Capitulation, Évasion, pour évoquer l'évolution du fameux trio. Magie du chiffre 3 pour l'auteur ? ou enfoncer le clou ?

Si vous avez des illusions sur le milieu du cinéma et tenez à les garder, mieux vaut passer son chemin !

C'était ma première incursion dans l'univers de William Boyd et je dois reconnaître que j'ai eu un mal fou à arriver au bout de cette lecture, tant je me suis ennuyée, j'en ai même presque oublié de relever des extraits, tant l'écriture, (pas plus que l'histoire abracadabrantesque !), ne m'a pas convaincue. Je suis sortie de ce récit, presque en état d'ébriété, en tout cas, incollable sur les cocktails !

Peut-être le moment était il mal choisi pour lire ce roman ? Cela ne m'empêchera pas de lire « Un Anglais sous les tropiques » qui est dans ma PAL depuis fort longtemps, je n'ai pas envie de rester sur cet avis mitigé.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions du Seuil qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Trio #NetGalleyFrance !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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critiques presse (3)
Bibliobs
09 juin 2021
Dans « Trio », son dernier roman, l’écrivain britannique s’en donne à coeur joie avec son casting de losers.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeSoir
10 mai 2021
« Trio » nous emmène sur un tournage de film. Ce n’est pas de tout repos, mais c’est formidable.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeFigaro
06 mai 2021
Dans ce livre mené tambour battant, l’action monte proportionellement au taux d’alcoolémie des personnages. William Boyd à son meilleur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Il s’était rappelé qu’un jour, quelqu’un d’intelligent (un scénariste ou un réalisateur) lui avait dit que toutes les émotions ressenties durant notre vie d’adulte se mesuraient inconsciemment à l’aune de leurs équivalents adolescents sans jamais les égaler. Le désir, l’envie, la haine, la vengeance, l’amour, la honte, la frustration, la jalousie, la convoitise, etc., rien n’arrivait à atteindre ou approcher l’intensité de ces mêmes sentiments à l’adolescence, ce qui expliquait pourquoi les adultes étaient en quête permanente d’une réplique de ce niveau d’expérience, de cette vérité émotionnelle, puisqu’ils avaient déjà une référence, un gabarit dont le souvenir les avait marqués au fer rouge. Or leur quête restait vaine, puisque l’expérience initiale, si vivace et sincère, leur échappait toujours, enfouie dans leur passé, irrécupérable, et donc ils foutaient leur vie en l’air. Cette quête éperdue valait aussi bien pour les hommes que pour les femmes, avait précisé cette personne intelligente lorsqu’elle avait ainsi argumenté en défense de la psyché adolescente, tant critiquée pour son égocentrisme, son irrationalité, ses emportements, ses inadaptations, ses frustrations. Cette fracture, cette déconnexion irréconciliable entre adolescence et âge adulte expliquait tous nos problèmes émotionnels, personnels et sexuels.
Oui, bien sûr, c’est si juste et perspicace ! avait acquiescé Talbot sans réfléchir. Mais ensuite , en y repensant, il avait rejeté cette analyse. Pour lui, son adolescence relevait de l’histoire ancienne au même titre que les Etrusques ou les Néandertaliens. Sa palette émotionnelle s’était créée à l’âge adulte, après qu’il avait accepté et affronté sa nature. Alors seulement avait-il éprouvé et savouré le vrai désir, la déception cuisante, l’excitation sexuelle, les regrets éternels, les envies inassouvies, etc. La ferveur et l’immédiateté de sa vie émotionnelle avaient relégué aux oubliettes son ressenti et ses souffrances d’adolescent. Et pourquoi cela ? Parce que ses émotions d’adultes étaient complexes, nuancées, assumées, et non brutes, vibrantes ou déconcertantes Il avait évolué à partir de cet état incohérent de l’être, et en conséquence il était plus heureux.
Commenter  J’apprécie          220
p302
« Et votre épouse, elle en pense quoi, de votre voyage à Paris ? Je parie qu’elle est jalouse. »
Kincade lui jeta un regard en coin, comme s’il venait de dire quelque chose de particulièrement stupide.
« C’est une blague ?
- Non juste une question comme ça.
- Je ne suis pas marié.
- Ah, alors votre petite amie ? Je suis sûre qu’elle aurait adoré vous accompagner. P
- Je…, commença Kincade avant de pousser un soupir. Comment le formuler pour que vous compreniez, monsieur Kydd ? Je ne suis pas de cette orientation.
- Pardon ? Vous m’avez perdu.
- Je fais partie de la fanfare. Je suis de la famille. De la pédale. De la jaquette flottante. De l’immeuble en face. - Ah, je vois, fit Talbot en forçant un sourire. Désolé d’avoir été si obtus.
- Je préfère ces euphémismes aux termes péjoratifs directs. Vous savez, comme tantouse, pédé, homo, tapette.
- Je comprends ce que vous voulez dire.
- Je m’en doute, monsieur Kydd.
- Qu’entendez-vous par là ?
- Que moi je vous avais repéré, même si vous, vous ne m’aviez pas repéré.
…/… - « Je me dois de vous dire que je suis marié et père de deux enfants, dit posément Talbot.
- Ouais, Oscar Wilde, c’était pareil. En parlant de Paris, j’irai peut-être faire un tour au Père-Lachaise si j’ai un peu de temps libre. On pourrait y aller ensemble, pour lui rendre hommage.
- Retrouvons déjà Anny Viklund, avant de prévoir des escapades, vous voulez bien ?

P306
…./… ses pensées retournaient constamment aux remarques de Kincade à l’aéroport. Comment Kincade pouvait-il l’avoir « repéré », selon ses termes, et comment lui-même n’avait-il pas « repéré » Kincade ? Etait-ce une question de génération ? Qu’est-ce que cela disait de lui et de ses préjugés ? Qu’est-ce que cela disait de sa vie prétendument secrète ? Il retourna à l’hôtel dans un brouillard réflexif.

P332
- Alors votre club hier soir, L’Enfer, c’était comment ? demanda Talbot de l’air le plus dégagé possible.
- Super ! J’ai couché avec un type très gentil qui s’appelait Jean-Louis.
- Oh, pitié !
- Vous ne couchez pas. Monsieur Kydd ?
- Je n’ai pas l’intention de discuter de ma vie privée avec vous.
- C’est votre choix.
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A la lecture de sa liste rédigée sans réfléchir, il lui apparut qu'un chamboulement de son existence se dessinait. Et tant mieux. Il était temps d'en finir avec ce simulacre de mariage, de réfléchir sereinement aux romans qu'elle allait écrire, de se bâtir l'existence heureuse dont elle avait si manifestement besoin. Tout allait changer. Une nouvelle vie, de nouveaux romans, une nouvelle indépendance, une nouvelle maison, de nouvelles aspirations. Tout cela était en son pouvoir, elle avait de quoi agir, elle avait le droit pour elle, donc elle n'avait qu'à prendre les choses en main. L'association du sherry et de la bière avait opéré sa magie. Elle se sentait d'attaque pour un gin-tonic.
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Elle éprouvait une sensation étrange et néanmoins reconnaissable : l’inspiration. La sève créative recommençait à couler dans ses veines et à irriguer son imagination, comme une de ces séquences en accéléré dans les documentaires à la télévision quand une petite pluie humidifie le lit parcheminé d’une rivière asséchée : de la boue se forme, l’eau tombe goutte à goutte, puis dégouline et se fait torrent.
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– On est en 1968, Elfrida. Regardez autour de vous. L’Allemagne, la France, les USA, le Vietnam. Le monde est en pleine ébullition, en plein changement. Ne revenez pas en arrière.
– Mais ce sont quand même des gens, Calder, des êtres humains ! protesta Elfrida en se demandant quel argument ajouter. Et les gens se tournent vers nous, les romanciers, pour trouver des informations.
– Sur quoi ?
– Sur les autres gens. Sur tous les autres gens dans le monde. Sur nos pensées, nos besoins, nos rêves, nos phobies, ce qui nous fait vivre, en gros. Les gens sont opaques, complètement mystérieux. Même ceux qui nous sont le plus chers sont des livres fermés. Si vous voulez savoir à quoi ressemblent vraiment les êtres humains, ce qui se passe dans leur tête derrière ce masque que nous portons tous, alors, lisez donc un roman !
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Au sommaire de la Critique, deux livres :
"Drive", recueil de poèmes de Hettie Jones resté jusqu'à présent inédit en France et disponible dans une édition bilingue chez Bruno Doucey (traduction de l'anglais (Etats-Unis) : Florentine Rey et Franck Loiseau).
"Trio", le nouveau roman de William Boyd paru au Seuil et traduit de l'anglais par Isabelle Perrin.
Nos critiques du jour : Marie Sorbier, rédactrice en chef du magazine I/O Gazette et productrice d'Affaire en Cours sur France Culture et Laurent Nunez, écrivain et éditeur.
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