Le droit d’être en vie devient un devoir, le devoir d’être heureux pour apaiser les souffrances passées.
Je me demandais qui avait eu cette idée d'enterrer les morts, peut-être que c'était quelqu'un qui pensait que ça s'attrape, que la mort c'est comme une épidémie, que c'est contagieux.
Et puis je me suis rappelée la voisine qui parlait de son chien, qui disait que quand l'âme s'en va, le corps pourrit, mais quand ? A partir de quand ? Est-ce que c'est la mort qui ronge la peau, qui la dévore, qui la saccage, qui la troue ?
Un jour, j'ai compris que la mort avait un ennemi, un ennemi plus fort qu'elle. [...] Et j'ai eu l'idée de l'oubli, ou plutôt du non-oubli. Si on pense aux morts, ils vivent. Il ne vivent plus au même endroit, mais ils vivent.
Quand Solène est morte, j'ai compris que j'avais gardé la place la moins confortable. La vivante doit être parfaite, elle n'a pas le droit de se plaindre, pas le droit d'être triste, elle doit garder en tête, en permanence, sa condition de vivante. Et quand on a cette place, ne pas faire attention à soi, ou avoir envie de mourir est considéré comme une seconde mort pour celle qui est déjà partie.
Moi, je m'appelle Léa, et je suis immortelle.
Immortelle, c'est quand on devait mourir à un moment et qu'on n'est pas mort, après c'est fini, on a dépassé la mort, on l'a plantée, elle a pris quelqu'un d'autre à la place.
Moi, je m’appelle Léa, et je suis immortelle. Immortelle, c’est quand on devait mourir à un moment et qu’on n’est pas mort, après c’est fini, on a dépassé la mort, on l’a plantée, elle a pris quelqu’un d’autre à la place. Je m’appelle Léa Léa, c’est plein de couleurs, un peu rose, un peu vert, un peu bleu, mais tout pastel Léa, c’est doux, c’est soyeux.
Ne rien rattraper, ne rien recommencer, inventer, créer, construire.
Elle m'a dit que Solène était si merveilleuse que Dieu l'avait ramenée à lui, pour qu'elle lui tienne compagnie. J'ai pensé fort à Dieu et je me suis dit que c'était un égoïste et que Solène, c'est à nous qu'elle devait tenir compagnie.
Le droit d’être en vie devient un devoir, le devoir d’être heureux pour apaiser les souffrances passées