Vous n'avez jamais assisté à de véritables funérailles, Daniel. La moitié des gens y pleurent le disparu, tandis que les autres pleurent la douleur des premiers.
L’amour ne nous est pas tombé dessus, Daniel. Nous l’avons laissé venir, puis se développer.
– Comme une plante ?
– Comme une plante, confirme-t-elle. Solide et fragile à la fois.
Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
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Face à un deuil, on est toujours seul, il me semble. C’est un gouffre qui se creuse en nous, et personne ne peut en imaginer la profondeur car il faudrait oser s’en approcher, se pencher au-dessus du vide, perdre soi-même une partie de son équilibre. Et tout ça pour quoi ? Pour découvrir l’épaisseur du chagrin qui se cache au fond et réaliser que la petite flamme que l’on a apporté s’y noiera aussitôt.
Renommer les choses ne suffit pas à en changer la nature.
Je détourne les yeux. Ce n'est pas la première fois que j'assiste à une cérémonie de la Dernière Nuit: mon père à toujours tenu à ce que je sois à ses côtés. Seulement, je ne parviens pas à m'y habituer. Toute cette souffrance inutile, cette fi imposée...
Comme chaque fois, je me surprends à croiser les doigts pour que ce soit la dernière.
- J'étais si furieux tout à l'heure... Maintenant, je... j'ai l'impression d'être vide.
- Oui, acquiesse-t-elle. Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
Dehors, les ombres des arbres s'étirent sur les pelouses comme de longues coulées d'encre, et les lumières pâles des étoiles se reflètent sur la surface calme du grand bassin. On dirait que le monde est vide. Que plus rien n'existe
Tout se termine un jour. C'est ainsi.