«
Les joies d'en bas ».
Nina Brochmann et
Ellen Stokken Dahl (445 pages,
Actes Sud).
Ecrit par deux femmes norvégiennes étudiantes en médecine, et s'adressant délibérément (dans le ton et les formulations) aux femmes (le « nous » est ici utilisé systématiquement, et de manière très empathique), voilà un bon livre qui veut dire « tout sur le sexe féminin ». On (et pas seulement les hommes) y apprendra donc beaucoup sur ce mystère insondable qu'est le sexe féminin, sur un ton alerte, drôle, de vulgarisation scientifique sans détour et à la portée de tout un chacun. Les mythes sont bien remis à leurs places (l'hymen, le contrôle pseudo médical de la virginité…) le ton bienveillant prend garde à ne juger ni les personnes, ni les choix dans les pratiques. C'est un livre bienvenu, qui rappelle que l'être humain est la seule espèce qui ait honte de son sexe, et dont un des objectifs, en éclairant les différents aspects anatomiques, érotiques, physiologiques, pathologiques et psychologiques du sexe féminin, est de dépasser de manière très profitable ce frein social.
C'est un ouvrage qui s'appuie souvent sur du bon sens, mais étayé par des arguments scientifiques et médicaux (si certaines grosses thèses font parfois l'objet d'une réécriture pour une publication à destination d'un grand public, on a l'impression ici que c'est le chemin inverse, la pré-écriture de ce qui pourrait être la thèse de ces futurs médecins). On pourra partager -ou pas- les présupposés allopathiques des auteurs, leur parti-pris assumé pour les vaccins contre le cancer du col de l'utérus. Je m'étonne par contre absolument du vide abyssal à propos de la ménopause, du vieillissement, et du grand âge. Comme s'il n'y avait plus, au-delà de la cinquantaine, de sexe féminin, de désirs féminins, de pratiques sexuelles féminines !!!
Et si l'avis des auteurs concernant les sciences médicales, dominées par des hommes bien plus préoccupés par le sexe mâle, semble incontestable, on attend pourtant toujours une version de «
les joies d'en bas » au masculin qui fasse aussi le lit de bien des fantasmes. En attendant, c'est un livre à recommander pas seulement aux (jeunes) femmes, mais aussi aux hommes. Si ça peut permettre, en informant mieux, de lever des malentendus, et de titiller des postures dominantes, voire d'ouvrir des débats animés, ce sera toujours ça. Et à ce propos, avant de rédiger cette note, j'ai visité les 13 critiques postées à ce jour sur Babélio concernant ces jolies joies ; 12 sont rédigées par des femmes, une seule par un homme... En attendant donc d'autres lectures masculines.
PS : on pourra s'étonner de mon emploi du terme non féminisé « auteur », et non auteure, ou autrice. C'est un choix, et je renvoie à la lecture de l'essai magistral de
Belinda Cannone, «
La tentation de Pénélope » (Stock, 2009), où elle évoque entre autres avec un remarquable argumentaire que j'ai fait mien son scepticisme vis-à-vis de la féminisation des noms de métiers.