On rempile avec joie pour un deuxième tome du magicien de l'expression, du maître ès figures de style qui foutraient des complexes à une patineuse artistique, du prestidigitateur du vocabulaire, j'ai nommé Alphone Broy. Deuxième tome, deuxième bouffée de jouissance écrite. Je n'exagère pas, on retrouve tous les ingrédients (et quelques nouveaux) du premier tome : un français délicieux, des personnages goûtus, un scénario exquis, le tout baignant dans une mare de situations cocasses et (soude) caustiques. Les protagonistes ont évolué, leur vie également, on retrouve avec joie les crétins, les pourris et types que l'on fuirait dans la vie alors que là, on les accueille les bras ouverts. le héros, toujours aussi cynique et désabusé, s'en prend plein la poire lors de scènes d'actions toujours aussi bien décrites. L'auteur possède ce talent rare de décrire avec précision (à la première personne) tout ce qui bouge vite, tout ce qui explose, dégouline et suinte. de plus, le monde de Broy, c'est un asile d'aliénés à ciel ouvert ou à tombeau fermé, comme vous le sentez. Pour ceux qui recherchent une lecture sous amphét' ou acide, restez, vous allez prendre votre panard. Pour ceux qui cherchent plutôt de l'accompagnement à leur verveine, allez vous enfiler une bouteille de scotch, ça passera mieux.
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Dégoulinante de flotte comme elle l’est, elle ressemble à un ange déchu. Sa coiffure ruisselle dans son cou et sur ses yeux, s’éparpillant en mèches brillantes d’humidité. Les plafonniers du bistrot se reflètent dans le plastique anthracite de son imperméable, tandis que deux talons, fins comme des lames, viennent résonner sur les dalles alors qu’elle s’approche du comptoir. Une danseuse flottant au-dessus du sol, montée sur coussins d’air. La finesse de ses chevilles est soulignée par la couture noire de bas disparaissant trop vite sous son manteau. Une invite muette à en suivre les rails. Le temps semble s’être arrêté. Les aiguilles de l’horloge prennent une pause, n’osant plus pivoter. Dans mon verre, l’alcool ne tourne plus. Rayant les dalles de ses compas, elle balaye du regard l’assemblée, avant d’aller s’échouer sur le comptoir.
Je sors un clope tordu de ma poche et l’allume. Une façon de pisser à la face du destin, le risque calculé d’en manger une s’il en reste encore de vivants dans le secteur. La lueur d’une flamme attire les balles, comme un popotin de blonde, les moustiques. La première bouffée inhalée me monte directement au cerveau. Mon battant pique un sprint, des fourmis galopent sous ma peau. Bref vertige. Bordel, que c’est bon ! Une fumée chaude, chargée de nicotine, se baladant à l’intérieur de mes joues, tentant de s’échapper par les ouvertures. Les muscles du côté droit de mon visage ne réagissent plus, anesthésiés, et ma paupière clignote de façon machinale. Mes yeux me démangent, je me retiens de les frotter. Le long de mes pommettes, des larmes de crocodile ; un binoclard, un jour de grand vent.