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Je découvre avec cette anthologie poétique Edith Bruck, je n'ai pas lu la précédente " Pourquoi aurais-je survécu?". Enfant d'une famille juive-hongroise très pauvre, elle a été déportée à treize ans, ses parents n'ont, eux, pas survécu aux camps.Vie tumultueuse, d'abord en Israël , puis en Italie, dont elle a adopté la langue pour l'écriture. Son activité intellectuelle est intense.

Les poèmes s'échelonnent de 1975 à 2021. Large spectre. Voilà ce qu'elle écrit l'an dernier, avec une bonne dose d'auto-dérision mais aussi de douleur sous-jacente :

" Que veux-tu ? Tu as quatre-vingt-dix ans.
Tu n'as pas honte de survivre
à tous tes morts bien-aimés ?
Pourquoi te tiens-tu assise
comme une poule
à regarder le vide autour de toi?"

Les poèmes d'Edith Bruck sont sans fioritures, bruts, sobres, mais révèlent les plaies jamais refermées. Elle évoque ici la déportation, le manque, son besoin de témoigner mais aussi ses interrogations face à l'amour, le monde actuel, la pandémie.

Je terminerai avec ce texte que je trouve bouleversant :

" Cette nuit j'ai lu
avec les chats au loin
dans le noir
les yeux fermés
j'ai senti une main sur la tête
un geste comme suspendu
entre bénédiction et consolation
je ne savais pas à qui elle appartenait
je sais seulement que j'ai été envahie d'un grand bien-être
et j'ai souri toute seule
comme un enfant repu en rêve.

Ce n'est qu'au réveil que j'ai pensé
à la main de ma mère morte".

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💕Chronique💕

Qu'est-ce qui nous arrive?
qu'est-ce qui nous arrive
quand on écoute La voix de la vie

Que faisons-nous du silence, des équivoques
Des émotions qui nous traversent
Que faisons-nous de l'absence
De la musique d'un tatouage
Des graines et des névroses
Qui nous occupent l'esprit

J'imagine que nous cherchons
Dans la poésie, les réponses
Le début d'un mot, la fin de
Toute chose, et nous laissons
Le stylo libre de repartir en survie

Seulement, seulement, seulement
Je suis seule à lire ce recueil
Je n'ai même pas de chats
Et l'hypersensibilité voit son
Baromètre briser la mesure
La solitude et les questionnements
Sont si profonds que je m'y jette
À coeur perdu
Mais comment fais-tu Edith Bruck
Pour aimer encore aimer si fort
aimer par-dessus la souffrance

Qu'avons-nous fait
De nos plaies ouvertes
De nos mémoires
De nos corps
De notre foi
De nos amitiés
De nos morts

Est-ce que nous avons réfléchi
À nos passés, à nos drames,
À notre genre, à notre souvenir
À nos futurs, à nos croyances

Seulement seulement seulement
Des poèmes à te vriller les tripes
Des poèmes qui réparent les malheurs
Des poèmes tout doux, des poèmes chouchous, des poèmes échappatoires
Des poèmes indulgents, des poèmes-vie
Des poèmes qui ouvrent des portes
Pour que nous puissions aller, venir
Rester, trembler, rire, pleurer, chanter
Des poèmes à faire résonner toujours
Avec ce qu'il nous est de plus fondamental
La Voix de la vie

Crois-moi
C'est beau.
C'est fou ce qu'une vie peut
Donner, apprendre, reprendre
Quatre-vingt dix ans de vie
De femme
Et d'écrits poétiques
C'est ça qui nous arrive
À la fin,
Le coup de coeur espéré.

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Après la saisissante lecture de Pourquoi aurais-je survécu, j'ai voulu revenir vers l'oeuvre poétique très singulière d'Edith Bruck, au travers, cette fois-ci, de la voix de la vie, un ouvrage qui regroupe cinq de ses recueils publiés entre 1975 et 2021.

Dès les premières pages, j'ai retrouvé la même empreinte narrative, le même usage de mots simples, la même conviction, pour évoquer des sujets touchant à l'intime, à son histoire, la terrible épreuve du camp d'Auschwitz et le retour à la vie, à ce temps qui s'écoule malgré tout, malgré elle.

« Pour une fois, cette fois-ci, regarde-toi
dans le miroir !
Tu as deux yeux qui reflètent des horreurs
deux oreilles chargées de plaintes
un nez ambigu qui flaire les secrets
une bouche qui derrière des sourires
et des paroles faciles
révèle un esprit qui a vécu
et l'âme d'un papillon,
tu as deux épaules obstinées
lourdes d'un passé
qui pèse sur un coeur désarmé,
tu as un estomac gonflé de colère
les boyaux infectés de choses jamais digérées
apprends à jouer
marche, feins, cours ! »

Poésie en vers libres, sans rimes, il y a toujours dans l'écriture d'Edith Bruck, un fait déterminant, une vérité qui émerge, qui alterne entre douceur et âpreté, un récit qui fait corps, qui donne souffle à la part la plus essentielle d'elle-même, à son histoire, à son vécu.
L'amour, la maternité, l'enfance, la sensualité, le corps tout entier aimant, les êtres aimés (ses parents), le corps souffrant, la vieillesse, la solitude indélébile, la mort, ce retour à soi, l'espoir toujours, le souvenir qui toujours mène à l'écriture.

« Ses frêles os m'émeuvent
ses pas m'attendrissent
comme s'ils appartenaient à un enfant
jamais né
à un père revenu. »

Comme en surimpression, l'émotion, la sensibilité des mots et des images traversent les pages du recueil, les poèmes font à eux-seuls le portrait d'une écrivaine touchée à jamais par le souvenir, la douleur mais aussi par l'envie d'être, de demeurer. Tout simplement.

« Autour de moi
il y a tout,
ce n'est pas grand-chose
mais pour quelqu'un comme moi
mis à l'épreuve
c'est suffisant
pour comprendre
que le plus important a été vécu
et que le renoncement
ne naît pas du néant. »

.
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« Il y a très très longtemps, il était une fois une petite fille qui, au soleil du printemps, avec ses petites tresses blondes virevoltantes, courait les pieds nus dans la poussière tiède. » (Édith Bruck.)



Née dans le village hongrois de Tiszabercel, aux confins de l'Ukraine et de la Slovaquie, au bord de la Tisza, Édith Bruck née Steinschreiber, a vécu une enfance très pauvre, dans une famille juive. Elle est arrêtée en 1944 avec sa famille. Enfermée dans le ghetto de Sátoraljaújhely, elle y fête son douzième anniversaire. Quelques semaines plus tard, elle et sa famille sont déportées au camp d'Auschwitz où elle est séparée de ses parents, qu'elle ne verra plus jamais. Après la guerre, les routes la conduisent de Hongrie à la Tchécoslovaquie, l'Allemagne, la France puis en Israël « le paradis » de sa mère. Où elle n'arrivera pas à s'intégrer. Elle séjourne en Grèce, en Turquie, devient chanteuse et danseuse. Et enfin atteint sa terre promise : L'Italie.

« “N'apporte pas Auschwitz à la maison”, me disait-on. Personne ne voulait m'entendre. Alors, j'ai décidé de parler au papier. le papier écoute tout. »
Et elle écrit en italien, sa «langue pour abri ».

Et toujours lui restera : « mon père, disparu en un clin d'oeil au moment de la sélection à l'entrée du camp, alors que ma mère hurlait :''cherche ton père ! Cherche ton père !'' J'ai indiqué un homme nu quelconque au milieu de centaines d'autres, simplement parce qu'il était maigre. »
Et toujours elle luttera pour écarter la haine.

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Edith Bruck écrit d'une plume sèche, vive, cinglante, sans détour.
Elle parle des années qui suivent la déportation, de la solitude, de la vieillesse, du retour des idéologies sombres et assassines, mais aussi de l'attachement, de l'amour, de la perte des êtres aimés.
Les textes de ce recueil ont été écrits sur plusieurs décennies et sont marqués par les convictions et les épreuves de chaque âge, mais aussi par les sursauts politiques de chaque époque.
Certains poèmes sont très rapides, compacts comme des pierres jetées aux lecteurs. À nous d'encaisser.
D'autres sont plus longs, plus torturés et tortueux ou porteurs d'une démonstration plus travaillée. Comme des racines qui serpentent et s'immiscent dans nos esprits. À nous de les suivre.
Finalement, page après page, Edith Bruck offre autant de réflexion que d'émotions, mais toujours avec justesse et sans artifices, et les sujets qu'elle aborde sont universels et fondamentaux, notamment lorsqu'elle revient sur sa déportation, sur la violence inhérente à l'espèce humaine et sur les nostalgies néfastes qui fleurissent un peu partout dans le monde d'aujourd'hui.
Certaines pages, surtout dans la première partie, la plus ancienne, sont hélas un peu hermétiques et l'âpreté du style ne compense pas cette difficulté à saisir la pensée de l'autrice. Cela ne doit pas freiner la lecture : la suite est plus accessible, et nous fait réellement pénétrer ses révoltes, ses blessures, ses regrets... et, sur de rares pages, un fugitif fragment de lumière.


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Cette anthologie complète "Pourquoi aurais-je survécu ?" en proposant les poèmes qui n'avaient pas été traduits dans ce premier ouvrage. C'est ce que dit l'éditeur, mais j'ai repéré quelques textes qui sont dans les deux 😉
Ces textes sont présentés selon les quatre recueils qui ont été édités en italien. Cela nous permet d'avoir aussi les textes de présentation écrits par Édith Bruck pour deux de ces livres et c'est intéressant de connaître son intention littéraire. Elle parle ainsi de la poésie qui l'accompagne depuis l'enfance et qui remplaçait même sa prière du soir !
Ces cent-vingt-cinq poèmes nous mènent de 1975 jusqu'aux années 2020 avec la pandémie du Covid 19 et les 90 ans de l'autrice. Ils évoquent autant des sujets de la vie quotidienne d'Édith Bruck que des souvenirs d'enfance, de ses parents ou de la guerre. Il y a aussi le retour de l'antisémitisme ou du racisme.
Les derniers vers du recueil sont un rapide résumé de sa vie : sa famille, la Shoah à laquelle elle a survécu, l'Italie qui l'accueillie, sa rencontre avec le pape François... avec une belle conclusion :
"Le vide que tu regardes
n'est jamais vide.
Le silence autour
n'est jamais silence.
Il te suffit d'écouter
il est plein de voix."
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