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Critique de Colchik


Pearl Buck fait partie des rares femmes ayant reçu le prix Nobel de littérature, elle en fut la récipiendaire en 1938. Selon certains spécialistes, le prix aurait dû récompenser Virginia Woolf et non une lauréate jugée aujourd'hui assez médiocre. J'ai une immense admiration pour l'oeuvre de Woolf et sa mort prématurée n'a sans doute pas permis de lui décerner cette récompense, cependant je ne taxerai pas de médiocrité la romancière américaine. Ses livres sont d'une facture classique, mais d'une grande sensibilité qui a participé à son énorme popularité dans les années soixante.
Pavillon de femmes a été publié en 1946 et sa relecture m'a procuré beaucoup de plaisir. En découvrant ce livre à l'adolescence, j'avais été touchée par son exotisme : il montre la vie d'un riche clan chinois, les Wu, à la fin des années 20, dans l'univers clos de la vaste résidence familiale. J'étais fascinée par les coutumes qui régissaient l'existence de cette famille traditionnelle, le poids des mentalités qui étouffait toute velléité d'indépendance de la jeune génération et la splendeur d'un mode de vie aristocratique. Aujourd'hui, j'ai découvert l'universalisme qui imprègne les pages de cette chronique familiale qui n'a rien perdu de sa finesse psychologique et d'une certaine rutilance du style.
Mme Wu règne sur la demeure qui abrite plusieurs générations, une nombreuse parentèle et une armée de domestiques et d'esclaves. Toute la maisonnée est en effervescence, car Mme Wu va fêter son quarantième anniversaire et elle n'a jamais été aussi belle, aussi écoutée et son autorité s'exerce de multiples façons sur les uns et les autres. Ce statut enviable, elle l'a obtenu à force de patience, de détermination, mais aussi de rouerie. Elle incarne la puissance féminine par excellence, seulement elle est lasse de supporter les caprices de ses brus, la mauvaise humeur de sa belle-mère et les désirs de son mari. Elle a décidé de passer la main.
Je me garderai d'en raconter davantage pour ne pas éventer l'intrigue du roman. le portrait de femme que dessine Pearl Buck m'a époustouflée. Tout est dit des rapports de force entre deux époux mariés depuis longtemps, de la lassitude qui les guette, des petites concessions et des grandes trahisons. Buck explore également la difficulté d'abandonner le pouvoir quand on a éprouvé la satisfaction de l'exercer avec la reconnaissance de ceux qui s'y sont soumis. Dans une Chine confrontée à la modernité, engagée dans la Reconstruction Nationale et dotée d'une constitution, les élites se fracturent et la famille Wu en ressent les premières secousses derrière les hauts murs de la vieille demeure. Paradoxalement, ces femmes enfermées ressentent presque plus nettement les changements à l'oeuvre, car ils leur permettent de prendre conscience de leur condition et de leur sujétion à une domination séculaire.
Pour moi, il y a trois romans qui ont parfaitement exploré les désillusions de la femme au seuil d'un douloureux renoncement : Précoce automne de Louis Bromfield, le temps de l'innocence d'Edith Wharton et Pavillon de femmes de Pearl Buck.
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