Citations sur Un amour retrouvé (29)
Il me semble que jamais nous n'avons été aussi proches l'une de l'autre. Avec la réapparition du disparu de ta jeunesse , les fils de nos vies s'inversent. Quand j'entre en hibernation, toi, au seuil de ton hiver, tu vis un retour de printemps. Alors que doucement tu t'éveilles, j'entre en somnolence.
C’est de tendresse dont on a besoin dans le regard de l’autre, toujours, depuis le berceau jusqu’au moment où l’on touche au rivage ultime de la mort. […].
Un geste, un regard tendre peuvent véritablement transformer quelqu’un. En ce sens-là, la tendresse est créatrice. Dans la tendresse, on s’oublie soi-même on s’efface pour l’autre, on s’émerveille. […].
La tendresse c’est quelque chose de solide qui soutient solidement, c’est l’énergie de l’amour qui rend stable et endurant.
Tu es rentrée d’Irlande enchantée et la mine toute rose. Vous avez eu un temps idéal, frais et bleu. Vous avez fait de longues marches le long de la mer, et avez pu passer une journée avec l’ainé de tes petits-fils qui vit à Dublin. C’est toujours la même chose avec toi : tu n’aimes jamais l’idée de quitter ta maison, encore moins celle de t’assoir dans un avion, mais une fois que tu es partie, et surtout arrivée tu es heureuse. Tu as aimé la beauté sauvage du Connemara, les fjords et les montagnes vertes, l’accueil chaleureux des Irlandais, leur musique, les poneys, les moutons, les moules, le poisson fumé. Puis comme toujours, tu as retrouvé avec plaisir ta maison et tes petites habitudes.
A soixante-dix passé, on peut encore rêver, avoir l’œil qui frise, le cœur qui s’affole. Car c’est bien ce qui est en train de se passer maman. […].
Pour la première fois depuis deux ans, je rentre à Paris le cœur léger. Je sais que cette fois, tu ne compteras pas les jours jusqu’à notre prochaine visite. Tu as quelqu’un d’autre à attendre.
Tu nous as tous réunis dans ta maison. Pour la première fois, il a prévu de passer la semaine avec toi, chez toi, chez nous. Il est attendu pour le déjeuner, bientôt nous allons le voir. Tu es inquiète. […].
Nous nous tenons là, près à le juger, certains d’entre nous sous la réserve, d’autres amusés, impatients, tous curieux de voir enfin à qui ressemble celui qui, te ramenant de l’hiver au printemps, recolore ta vie et réchauffe ton cœur. […].
A nous, il se montre très à l’aise. Plus que toi qui semble un peu perdue. En homme du monde, il a un mot aimable pour chacun, pause les questions qu’il faut, s’intéresse, sourit, rit.
Tu es libre, totalement libre. Ta vie prend un chemin inattendu. Tu vas vers tes 75 ans et tu rayonnes. Tu as un amoureux, dans quelques jours tu vas prendre un train pour le rejoindre, rien ni personne ne t’en empêchera.
Ma mère est heureuse et je suis jalouse.
J'ai soudain pris conscience de ta fin très proche. Il ne te reste que quelques centimètres de vie, tu ne devrais plus aller bien loin.
Et moi qui te croyais éternelle.
A présent, quand je suis dans ma chambre, il m’arrive encore d’entendre les petits pas discrets dans le couloir aux placards. Ce sont ceux de Xavier qui vient ranger la tête-de-loup, suspendre sa veste à un ceintre ou récupérer son anorak pour sortir faire un tour avec toi.
Alors bien sûr, il n’est pas question qu’il prenne la place de papa. Il a juste occupé sa chambre, mis ses pas dans les siens, rangé ses affaires dans le vide qu’il a laissé, le vide que tu as fait. Ce n’est peut-être pas un remplacement, mais c’est une occupation.
Pendant des semaines après sa mort, j'ai serré cette veste rappeuse dans mes bras, enfonçant ma tête dans le col, humant l'odeur laissée sur le gros-grain, ce mélange douceâtre et un peu âcre de savonnette, de transpiration et d'eau de toilette. J'inspirais profondément, j'aspirais les dernières traces de papa, je les happais à m'étouffer.
Et de fait, ce baiser volé entre deux portes me conforte dans l'idée qu'il est toujours là, que tu ne l'as pas effacé. Xavier, c'est la nouveauté. Papa, c'est l'éternité.