Les passagers réveillés ne hurlaient plus, mais ouvraient des yeux plus étonnés qu’inquiets. L’avion continuait de tanguer. Izel entreprit de se pencher avec calme sur chacun d’entre eux.
Izel afficha l’air lassé de l’hôtesse expérimentée qui ne panique pas pour si peu.
C’était son heure de pause. Elle dormait depuis moins de vingt minutes. Elle avait à peine ouvert les yeux que sa collègue de garde, Meliha, une vieille, penchait déjà vers elle son décolleté boudiné.
Ce furent les hurlements qui brisèrent net le fragile sommeil d’Izel, pas les soubresauts de l’avion. Les bourrasques, les trous d’air, elle en avait l’habitude, depuis presque trois ans qu’elle enchaînait les tours du monde pour Turkish Airlines.
— Izel ? Izel ? Fonce ! C’est chaud. C’est la tempête, dehors, il paraît. Zéro visibilité, d’après le commandant. Tu prends ton allée ?
23 décembre 1980, 00 h 33
L’Airbus 5403 Istanbul-Paris décrocha. Un plongeon de près de mille mètres en moins de dix secondes, presque à la verticale, avant de se stabiliser à nouveau. La plupart des passagers dormaient. Ils se réveillèrent brusquement, avec la sensation terrifiante de s’être assoupis sur le fauteuil d’un manège de foire.
Ne plus rien regarder. Se concentrer uniquement sur son rythme cardiaque, ses foulées. N'être plus qu'une mécanique sans émotion.
Dix huit ans plus tard, un détective privé prétend avoir découvert le fin mot de l'affaire, avant d'être assassiné, laissant derrière lui un cahier où toute son enquête est consignée, un véritable trésor que convoitent le frère aîné d'Emilie autant que la soeur aînée de Lyse-Rose.
L'agoraphobie, contrairement à ce qu'on croit souvent, n'est pas la peur des grands espaces ou de la foule... Elle est simplement la peur de ne pas pouvoir être secouru
Restait un détail. Le quotidien était parvenu à publier un cliché de la miraculée, mais pas son nom... C'était compliqué à deux heures du matin: (...)
Cela conservait une petite part de mystère jusqu'à l'identification du bébé, annoncée pour le lendemain matin.
Au plus tard...
Ben voyons...
Ce nom, ce prénom... Dix-huit ans que je les cherche !