Ses yeux exorbités fixaient la cavité qui, telle une gueule béante, laissait entrevoir l’étoffe sur laquelle il pouvait à présent distinguer le visage sérigraphié d’une idole d’adolescentes.
Fébrile, il poursuivit la démolition alors que des gravats giclaient dans tous les sens. Puis, soudain, une odeur nauséabonde se répandit dans la pièce, comme une bête menaçante. La frayeur le mordit si fort qu’il se mit à reculer
Le propriétaire s’accroupit lentement, tâta l’orifice puis tira sur le tissu. Le plâtre s’effrita tout autour en produisant le son d’une fine grêle, pourtant l’imprimé bleu pâle lui résistait.
Pio chancelait de fatigue en observant le mur ; d’ailleurs, sa vue se brouillait. Plusieurs fois il cligna des yeux, tant il lui semblait que l’espace autour de lui ondulait.
Subitement, la journée de boulot pesait sur ses bras. Il aurait peut-être pu reporter les travaux au lendemain, après tout, on n’était plus à un jour près. Maria serait déçue du retard pris, mais il avait désormais l’habitude de ses reproches incessants.
Au fond, ce n’était pas sa femme et son sale caractère qui créaient son trouble. C’était le chemin que prenait sa vie. Cette trajectoire impossible à maîtriser. Il était inquiet.
Une large fissure courut dans le plâtre, puis un morceau de brique tomba au sol dans un nuage de poussière. À bout de souffle, il s’interrompit un instant.
Des râles rauques s’échappaient de sa gorge tandis qu’il concentrait toute son énergie dans sa masse.
Il tapait de plus en plus violemment pendant que Maria occupait toutes ses pensées.
« Bien obligés de faire avec ! » L’air maussade avec lequel elle avait assené ça lui avait laissé un goût amer qu’il espéra atténuer grâce à une rasade de bière. Il culpabilisait à l’idée que l’annonce de cette grossesse ait pu l’attrister, et, en donnant de vifs coups dans la cloison qui se fendillait déjà, il prit conscience qu’il était en colère. Une rogne sèche. Piquante. Dont les remous profonds le faisaient redoubler de vigueur.