Ce polar est l'histoire d'une histoire qui avait tout pour faire de ce livre un grand livre.
Ce roman est l'illustration malheureuse d'une formidable énigme aux nombreux ressorts bien articulés qui devait laisser une trace pérenne dans la mémoire de ses lecteurs.
Cet ouvrage est la preuve qu'un sujet travaillé, documenté, exploré sous diverses formes, peut être gâché par son auteur.
Disant cela, je sais que je ne vais pas dans le sens du courant dont le débit charrie laudation et dithyrambe.
Non, je n'ai pas lu le même livre que celles et ceux qui l'encensent, et c'est pourquoi ma critique sera celle d'un lecteur anadrome qui accepte d'aller à contre-courant du consensuel.
Le pitch ( = résumé d'un film ou d'un livre ).
Un brave homme, poussé par une femme dominante, s'emploie, après ses heures de travail, à démolir un mur dans une maison que le couple vient d'acquérir... dans le but de pouvoir y abriter une famille qui s'agrandit.
Quelques coups de masse, quelques débris et à la fatigue succède l'horreur.
Les restes de trois enfants sont emmurés dans la béance de la cloison.
La brigade criminelle du commissariat de police de Versailles, emmenée par la commandant Sevran et sa fidèle équipe, est chargée de l'enquête.
Très vite, il s'avère que " la maison de l'horreur " ( ainsi baptisée par les médias ) a jadis appartenu à un couple de maltraitants pervers qui, sous le fallacieux prétexte de servir de famille d'accueil, hébergeait sous le regard négligent et intermittent... si ce n'est complice ... des services sociaux, des enfants mineurs en déshérence familiale et sociale.
La maltraitance physique et psychologique était le lot quotidien que ces Thénardier de l'horreur réservaient à leurs petites victimes.
Plus l'enquête avance et plus les découvertes des policiers ouvrent des portes sur l'effroi, l'innommable, le glaçant.
Ces trois petits squelettes emmurés en cachent d'autres... ailleurs.
Qui est ou qui sont les monstres qui ont pu commettre de telles atrocités ?
Pourquoi n'a-t-on rien su, n'a-t-on rien vu, n'a-t-on rien entendu ?
A-t-on affaire à un ou des psychopathes ?
À un ou des serial killers ?
Vous le saurez si vous décidez de lire ce polar thriller...
Gabin disait que les trois conditions pour faire un bon film ( il aurait aussi bien pu parler d'un livre ), c'était premièrement une bonne histoire, deuxièmement une bonne histoire et enfin troisièmement une bonne histoire.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'illustre
Alexis Moncorgé, lequel aurait dû rajouter qu'il fallait aussi un bon scénario, de bons dialogues et un très bon casting.
Cécile Cabanac avait les trois éléments énoncés par Gabin... il lui a manqué le reste.
Pour étayer mon point de vue, je vais essayer de montrer les pour et les contre qui font que de ma lecture a résulté l'avis dont je vous ai d'entrée fait part.
POUR :
- L'histoire. le sujet imaginé par l'auteur, ses rouages, ses personnages, ses rebondissements, son intensité, sa dramaturgie... tout ça constitue un cocktail détonant et "savoureux" pour tout bon amateur de polar qui se respecte.
- La thématique. Elle est plurielle. Elle associe les obsessions d'un
Poe, d'un
Calaferte, d'un
Ken Loach, d'un
Olivier Norek, d'une
Silvia Avallone ( ce sont quelques exemples parmi de nombreux autres ).
- La contextualisation - le sociétal et le politique. Pour cela il suffit de se référer aux documentaires réalisés par l'auteur journaliste pour France 5... sur le sociétal ... dont quelques numéros de la célèbre émission " Faites entrer l'accusé".
- Les personnages. Bien qu'esquissés, rarement décrits, ils ont du relief et un potentiel... qui méritaient de les hisser au pinacle...
- La structure narrative " chorale" qui alerte et dynamise la lecture.
CONTRE :
- La foultitude d'invraisemblances qui a ou qui ont largement contribué à décrédibiliser ma lecture.
Il n'y a que l'embarras du choix.
- La brigade de flics de la criminelle de Versailles.
Alors certes on est habitué dans ce genre à côtoyer des flics border line, des instables, des ripoux, des violents, des alcoolos, des toxicos, des addicts aux bookmakers, des marginaux qui ont maille à partir avec leur hiérarchie, avec leurs femmes, leurs gosses, leurs maîtresses.
Là, c'est tout l'inverse.
C'est un cocon d'hypersensibles, une pouponnière de grands émotifs qui vit dans la couvade et les biberonnages ; une grande couveuse pour adultes dont le cordon ombilical n'a pas fini de cicatriser.
On pourra m'objecter que l'un d'entre eux est un flic "à l'ancienne" aux méthodes rugueuses, qui se frotte aux "boeufs-carottes", à l'IGPN ou IGS.
Sauf que le seul qui faisait vraiment flic s'est rangé des voitures et que l'IGPN qui avait toutes les raisons de le renvoyer à la maison le laisse poursuivre l'enquête ( on ignore pourquoi ) jusqu'à la fin de ladite enquête et donc du roman... ( pratique pour l'auteur ).
La belle journaliste ambitieuse et arriviste de 7/7, prête à tout pour un scoop, qui va jusqu'à suborner un témoin... vit subitement son chemin de Damas, se repent, devient une aide précieuse pour le flic en quête de réhabilitation... dont elle tombe amoureuse...
Outre le fait de former une famille unie, la brigade qui est confrontée à une enquête criminelle où il est très vite avéré qu'elle est en présence de criminel(s) psychopathe(s) imprévisible(s)... ne pense à aucun moment à faire appel à un psy ( pourtant ils y en a dans leurs rangs ).
Un des enfants victime des "Thénardier" est devenu agent de sécurité. Ayant appris les découvertes macabres dans " la maison de l'horreur ", il est pris d'un accès de violence. Il se rend à l'ASE ( Aide sociale à l'enfance ), justement coupable à ses yeux, et saccage un bureau, violente une employée, détruit une voiture en stationnement.
Gardé à vue puis jugé je suppose en comparution immédiate, il écope d'une peine de six mois de prison avec sursis et de quelques milliers d'euros d'amende.
Sur ce, il peut reprendre son travail.
Or faites un tour sur Google et informez-vous sur la législation CQP-CNAPS concernant les agents de sécurité... leur formation, leur carte professionnelle et ce qui concerne l'intangible virginité de leur casier judiciaire et vous verrez que ce pauvre gosse, compte tenu de ses antécédents n'aurait jamais pu suivre cette formation, obtenir la carte professionnelle lui permettant d'exercer... encore moins la conserver après avoir vandalisé le bureau d'une ASE...
La mère d'une des victimes, alcoolique et accro aux psychotropes, somnifères, antidépresseurs, anxiolytiques depuis des années et des années, est internée parce qu'elle représente une menace pour elle-même ( autolyse ). Après quelques jours sanglée dans une chambre capitonnée, elle est, après une consultation avec un psychiatre dans un sevice fermé, déclarée sortante... un dimanche !
Ni une ni deux, elle va, complètement ragaillardie ( plus besoin d'alcool ni de médocs ), aller attendre l'arrivée d'un camelot qui a, selon elle, pris en voiture son fils le jour où il a fugué, le convaincre de la garder auprès d'elle pour l'aider à travailler au marché, puis après un trajet entre Clermont-Ferrand et le lieu du marché, se rendre à la gare la plus proche, prendre le TGV pour Nemours, tomber direct sur le centre d'apprentissage où son fils a été accueilli après sa fugue et être reçue par son directeur qui bosse... un dimanche.
Si vous arrivez à sortir un dimanche matin d'un service fermé de psychiatrie et que sans ordo, sans fringues correctes, sans argent, sans ressentir aucun effet de manque, vous parveniez à vous rendre de Clermont à un marché puis à une gare, que de là vous attrapiez un des "nombreux" TGV qui font la liaison Clermont-Nemours, et qu'à pied, ne connaissant pas la ville ( Nemours 13 558 habitants ), vous réussissiez à trouver un centre d'apprentissage ouvert le dimanche et dont le directeur est présent... je dis waouh !!!
Et puis il y a un des suspects qui travaille comme coq ( cuisinier ) sur un cargo... dont l'équipage et les passagers sont victimes d'un mystérieux "mal" qui ressemble à une super gastro.
Après qu'une passagère allemande ait fini dans l'océan, le navire fait escale à Singapour.
Pas de quarantaine... tous retrouvent quasi instantanément la forme... sauf l'Allemande... bien entendu !
Le suspect est soupçonné mais vite disculpé.
Se sachant repéré, il va dans le quartier chaud de la ville, tombe, le hasard fait très bien les choses, sur un Néo-zélandais qui est quasiment son sosie, a le même âge que lui... et, fait exprès, est homosexuel, ce qui lui permet de l'emmener d'évidence à l'hôtel, de l'estourbir, de prendre son passeport... diplomatique... décidément ce hasard qui fait bien les choses !
Ainsi peut-il sans difficulté franchir la frontière malaisienne, aller à l'aéroport et prendre un avion pour Paris.
Ni vu ni connu ?
Ah que non ! Ce serait prendre ce hasard pour un simple hasard.
Non, 7/7 a fait un reportage sur ce cargo victime d'une grosse gastro... et devinez quoi... à Paris, l'agent de sécurité qui déprime, regarde, pour une fois, la télé, et devinez quoi... le caméraman de 7/7 a filmé tous les passagers de ce cargo... dont le suspect qui est donc reconnu et balancé par un de ses anciens camarades... et c'est sans parler de la fuite d'un hôtel à Paris de notre suspect, de sa cheville sérieusement foulée pour échapper à la police à ses trousses... et qui heureusement va pouvoir bénéficier pour fuir de la négligence d'un coursier qui a laissé allumé son scooter "débridé"... avec en prime... un casque offert par la maison...
Si j'ajoute l'envie soudaine, irrépressible et incompréhensible du pauvre bougre qui a découvert les trois "emmurés", de se rendre dans la maison de l'horreur, et de tomber par hasard...encore lui... sur une trappe qui mène à un petit bunker souterrain aménagé par le tueur ( trappe qui avait échappé à la fouille minutieuse de la cohorte des techniciens de la police scientifique ) et que je vous dis que cela va avoir pour conséquences l'arrivée en ordre dispersé de la brigade des émotifs qui vont "piedsnikeliser" la fin de ce polar... je crois avoir fait le tour de quelques-unes ( pas toutes ) des invraisemblances de ce roman.
Il y a enfin la plume de
Cécile Cabanac.
Une plume convenue, à la syntaxe faiblarde qui cherche désespérément les effets de style mais tombe dans le cliché, le plat ou le kitsch...
" Et le niveau de tension atteignait désormais des sommets !"
" Une expérience violente qu'une sorte d'écoeurement révolté commençait ( on est à la fin de l'enquête...) à contaminer l'équipe."
Je termine sur les répétitions en avalanche(s) :
"Entrebâiller, récriminations, coups de menton ou d'adrénaline, n'étant pas en position de force, happé par un trou noir, un tourbillon, des gouttes d'acide, le teint cireux, les inévitables balayages des yeux, du regard, les mailles du filet etc etc "...
Au final, un thriller dont la lecture a oscillé entre intérêt et pouffements.
J'ai eu l'impression ( comparaison qui vaut ce qu'elle vaut ) de lire une BD avec des personnages dont on n'aurait dessiné que les contours (
Cécile Cabanac ne se livre à aucun descriptif ) et dont les bulles ( dialogues ) auraient été soit vides, soit convenues, soit emplies d'onomatopées.
Un livre qui, je le sais, séduira d'autres lecteurs, raison pour laquelle... chacun fera ce qu'il lui plaira de faire.