Citations sur Le roman d'une princesse (15)
- Avez-vous perdu la raison ? demanda-t-elle, les lèvres encore engourdies par la force de ce baiser. Relâchez-moi séance tenante.
Hugo la regarda avec l'expression ahurie d'un homme qui vient de se réveiller d'un long sommeil. Il cilla plusieurs fois en silence. Lorsqu'il prit enfin la parole, ce fut d'une voix rauque, presque indistincte :
- J'ai bien peur que ce ne soit point la raison que j'ai perdue, mademoiselle Crais, mais mon coeur.
Aujourd’hui la patience nécessaire pour supporter son écervelée de sœur lui manquait. Il était dix fois plus facile de pister un ours sauvage que de suivre les méandres de sa cervelle.
Hugo se figea dès qu'il aperçut les chevaliers devant la cheminée.
- Sacrebleu ! Si mes yeux ne me trompent point...
Il suspendit sa phrase en découvrant que l'un de ses soldats tenait son épouse d'une façon fort inconvenante. Lorsqu'il avisa le poignard qui étincelait dans la main de celle-ci, un sourire s'épanouit lentement sur son visage rasé de frais.
- Eh bien, messieurs, je vois que vous avez fait connaissance avec ma femme !
Finnula savait pertinemment ce qu'il lui restait à faire. Elle avait choisi sa proie et l'avait protégée de l'attaque d'un autre prédateur. Elle n'avait plus qu'à tendre son piège. Cependant, elle avait le coeur lourd - ce n'était point de pitié pour sa future victime, mais de colère contre elle-même...
Finnula s’endormit un sourire aux lèvres. Sa dernière pensée, avant de s’endormir, fut de s’émerveiller que leurs deux corps s’imbriquent à la perfection. C’était comme s’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Se pouvait-il qu’elle soit amoureuse de lui ? Lorsqu’il ne suscitait pas son désir, il la mettait hors d’elle. Elle redoutait son contact parce qu’il la comblait, et elle savait qu’elle serait incapable de lui résister s’il tentait à nouveau de l’embrasser. C’était l’homme le plus exaspérant qu’elle eût jamais rencontré, mais il la faisait rire comme personne. Était-ce cela l’amour ? Elle préféra lui retourner la question plutôt que répondre.
Elle était en âge de se marier, après tout. Elle ne pouvait espérer trouver un mari qui approuverait de la voir déambuler dans la campagne en chausses à l’affût de gibier. À moins qu’elle n’épouse un homme suffisamment riche pour n’avoir pas besoin de rester derrière les fourneaux.
Hugo n’avait rien contre l’institution du mariage, mais il n’avait jamais rencontré celle avec laquelle il aurait eu envie de passer le restant de sa vie. Cette jeune fille franche comme l’or était un souffle d’air frais qui lui rendait confiance dans la gent féminine.
Elle ne se considérait pas comme une beauté, mais elle n’avait pu s’empêcher de remarquer que, ces derniers temps, elle attirait de plus en plus la convoitise masculine, ce qui la gênait profondément. Les transformations que le temps avait imposées à son corps étaient une source d’irritation constante. C’était d’ailleurs la cause du naufrage de son bref mariage. Elle était en permanence rabrouée par des hommes respectables qui lui rappelaient qu’elle ne devait pas courir la campagne en chausses et qu’elle ferait mieux de manier l’aiguille plutôt que l’arc.
Une jouvencelle comme elle… C’est nous qui aurions dû voler à son secours, non, messire ? Messire ? Pourquoi cette mine ? Il avait croisé le regard de centaines de femmes ; aucune ne lui avait fait autant d’effet. Il les avait bien évidemment attirées dans son lit, et ils avaient partagé un moment délicieux, mais il n’avait jamais éprouvé semblable trouble.