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Critique de Lucilou


Quelle période plus passionnante, plus bouillonnante, plus riche que celle que les historiens ont rétrospectivement surnommé "La Belle Epoque"?
Celle qui s'étend des années 1880 à 1914 a été follement créative, furieusement vivante. Elle a commencé avec la bohème, les bals, les cabarets, les camélias, les progrès surtout. Elle est morte désenchantée quand Raoul Villain a tué Jean Jaurès, assassinant la paix au passage.

La belle époque, c'est celle de Rostand, de Zola, de Baudelaire, de Sarah Bernhardt, de Mucha, de Degas. C'est aussi celle de Sheurer-Kestner, de de Lessesps, de Faure et de Sadi Carnot. Enfin, c'est Charcot et Pasteur.
C'est celle que cinéma et littérature idéalisent, c'est celle qui fait de Paris ce Paris désuet de carte postale qu'au fond on chérit tous.
Cependant, comme toute époque, la Belle époque a aussi sa part sombre, complexe et tourmentée. L'une, d'ailleurs, ne va pas sans l'autre. Comme souvent voire toujours en histoire, rien n'est simple et c'est ce qui rend son étude intéressante.

Avec "Belle époque", Kate Cambor, historienne américaine, dresse un portrait extrêmement fouillé, érudit et précis de cette fameuse période dont on croit tout savoir. Elle en balaie les différents aspects (artistique, sociologique, politique, économique, scientifique) et propose une étude passionnante et pointue qui se lit pourtant très bien. C'est à son parti pris narratif qu'on doit cette fluidité dans la lecture. En effet, plutôt que de proposer des chapitres thématiques qui ressembleraient par trop à des articles d'encyclopédies ou de privilégier une étude purement chronologique, Cambor nous fait entrer dans l'époque dans le sillage de trois de ses acteurs. C'est ainsi que nous suivons dans son ouvrage les pas de Jeanne Hugo (la petite-fille de Victor), Léon Daudet (le fils d'Alphonse) et Jean-Baptiste Charcot (le rejeton de Jean-Martin). Pourquoi? Parce que ces trois jeunes gens sont nés dans les années 1860, qu'ils avaient vingt ans à l'aube de la Belle Epoque et qu'ils l'ont vécu pleinement, qu'ils en ont embrassé les obsessions, les préoccupations, les loisirs. Tous trois étant issus des milieux les plus prestigieux, ils ont, de plus, eu la chance de rencontrer et de fréquenter celles et ceux qui ont fait l'époque, que ce soit d'un point de vue politique, artistique ou scientifique. En mettant nos pas dans ceux de ce trio d'exception, de cette jeunesse dorée, on accomplit un double voyage: tout d'abord, on va à la rencontre de tout un pan de notre histoire en en rencontrant ceux qui l'ont faite -des dîners littéraires de Zola et Tourgueniev aux leçons magistrales de Charcot à la Salpêtrière en passant par les soirées mondaines ou les réunions politiques- et en même temps, on en perçoit la dimension plus humaine, personnelle en suivant trois trajectoires personnelles très différentes (deux et demi plutôt, on perd vite Jeanne, ce que j'ai regretté) mises face à la société et à elles-mêmes à l'heure des choix.
Il en ressort un ouvrage mi-biographique (qui passe parfois un peu vite sur certains points de cet aspect d'ailleurs, mais ce n'est pas le propos essentiel du livre je pense et j'irai boire à d'autres sources pour étancher cette soif là) mi historique, complet et captivant, fourmillant d'anecdotes et de personnages qui éclaire d'un jour nouveau cette Belle époque brillante et fantasmée qu'ont pourtant secouée l'affaire Dreyfus et l'antisémitisme le plus ignoble, le scandale du canal de Panama, la montée en puissance de l'extrême droite, de la xénophobie et du nationalisme.

Un ouvrage passionnant et érudit sur une période qui me fascine toujours et qui me donne envie d'en lire et d'en découvrir davantage. de partir à l'assaut des librairies une fois de plus donc. Si c'est pas malheureux...














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