En 1913, Charles Peguy écrivait : "Le monde a moins changé depuis Jésus-Christ qu'il n'a changé depuis trente ans." Personne mieux que Léon Daudet, Jean-Baptiste Charcot et Jeanne Hugo ne reflète les contradictions et la confusion inhérente à cette génération. Ils ont grandi à l'époque où les voitures à chevaux circulaient dans Paris et ils sont morts alors que les avions s'emparaient du ciel. Enfants, on leur parlait d'une Europe pas si lointaine, gouvernée par des rois et des conquérants corses ; adultes, ils ont vu avec terreur et incrédulité des dictateurs et des assassins en chemises brunes asservir un continent apeuré et docile.
La leçon la plus importante qu'Alphonse ait inculquée à Léon concerne cependant la vie et la littérature, ou plutôt le lien ineffable qui les unit. Pou Daudet, l'écriture est la clé de sa vision du monde. Il prend note de tout ce qu'il voit, des ultimatums que lancent les enfants avec le plus grand sérieux jusqu'aux murmures suaves qu'échangent les amoureux passionnés dans les jardins publics. Il griffonne tout sur de petits carnets dont il ne se sépare jamais, afin de conférer à ses textes un supplément d'authenticité par cette transcription directe de l'expression la plus triviale des émotions humaines.
Marthe est mince, presque fragile, indépendante, avec une tendance à froncer les sourcils et à serrer les lèvres lorsqu'elle réfléchit.
La coexistence malaisée de l’enthousiasme et de l’anxiété plombe les conversations.